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Extraits de livres – André Harvey

En route vers l’illimité La voie de l’escalator Introduction Dans un récent livre, je décrivais avec force détails les diverses étapes du cheminement spirituel que la plupart d’entre nous traversent sans trop nous en rendre compte tout au long de notre vie. J’expliquais alors que, consciemment ou non, nous étions tous, chacun à notre façon, […]

En route vers l’illimité
La voie de l’escalator

Introduction

Dans un récent livre, je décrivais avec force détails les diverses étapes du cheminement spirituel que la plupart d’entre nous traversent sans trop nous en rendre compte tout au long de notre vie. J’expliquais alors que, consciemment ou non, nous étions tous, chacun à notre façon, à la recherche de soi et que cela se faisait de religion en religion, de maître en maître, de découverte en découverte, etc. Le but recherché ? En savoir un plus chaque jour sur soi-même. Je terminais mon exposé en citant et en décrivant la plus haute marche que je connaissais, celle qu’on allait tous devoir gravir un jour ou l’autre, la marche de l’Esprit, le but ultime de toute démarche spirituelle ou intérieure. La seule façon de l’atteindre, expliquais-je alors, consistait à se délester de tout le poids encombrant de nos connaissances passées, de tout ce fardeau que l’on traînait sur nos épaules depuis fort longtemps. Puis, de s’élever sur le palier tant convoité et de continuer inlassablement notre route, mais cette fois, nus, sans artifice, en apparence démunis, mais, au contraire, remplis de tout. On allait alors se contenter tout simplement d’« être ».
À cette période de mon cheminement, je croyais sincèrement que c’était là le but le plus élevé à atteindre, l’étape déterminante et probablement finale à toute évolution. Mais, depuis lors, bien de l’eau a coulé sous les ponts et, au fil des dernières années, j’ai compris qu’il y avait encore autre chose à découvrir, d’autres étapes à franchir qui allaient cette fois ouvrir toutes grandes les portes d’un univers encore plus grand, infini même et pourtant combien plus simple.
Par la force des choses, je me suis dès lors ouvert au monde merveilleux de l’illimité, un monde fascinant au cœur duquel on ne retrouve malheureusement que peu de gens. Au seuil de cette porte, je fus accueilli comme par magie par un ami sincère, Christian Dieudonné, un fidèle compagnon qui devint rapidement mon confident et mon grand frère. Le titre d’un de mes livres, Quand le maître est prêt, le maître apparaît, prenait alors toute sa signification. Christian m’accompagna donc sur cette voie de l’illimité, agissant en quelque sorte en tant qu’éclaireur, débroussaillant par son expérience de la vie les sentiers pour moi inconnus de cette jungle magnifique qu’il semblait habiter depuis toujours. Cette aide me permit de me familiariser avec les lieux et de pouvoir en parler aujourd’hui en connaissance de cause. Depuis ce temps, nous tentons de garder le cap sur l’objectif ultime qu’est l’illimité et agissons bien plus souvent qu’autrement en tant que visionnaires. Incompréhension et jugements se retrouvent sur notre route parfois, mais n’est-ce pas le prix à payer pour oser sillonner les sentiers non battus ? N’a-t-on pas jadis emprisonné un homme qui prétendait que la terre était ronde ? Notre travail consiste donc à voir ce que les autres ne voient pas, puis à témoigner de l’existence de ces choses, ce qui n’est pas une mince tâche. Je vous explique…
Imaginez qu’un des habitants d’un pays peuplé exclusivement d’aveugles recouvre subitement la vue. Il part alors à l’aventure et, après avoir parcouru de long en large tout le territoire et admiré ses splendeurs, il revient vers les siens pour témoigner de ce tout qu’il a vu. Vous comprendrez qu’il y a alors de fortes chances que, dans un premier temps, personne ne le croie et qu’il soit même traité de tous les noms, y compris de fou et de visionnaire irréaliste. Après quoi on le ridiculisera, on le jugera, on le condamnera pour ses incartades. Puis, les dirigeants du pays des aveugles le sommeront de se taire et d’arrêter de semer dans la population de faux espoirs qui, à la longue, pourraient nuire à la paix publique. Seul dans son coin, rejeté et las de se battre contre l’incompréhension et l’ignorance, il cessera progressivement de parler de son aventure rocambolesque et se retirera dans son coin, sachant par contre que tout ce qu’il a vu était vrai. Avec un peu de chance et beaucoup de détermination, il n’oubliera pas et ne redeviendra pas aveugle. N’est-ce pas ce qui arrive à un bon nombre de ces chercheurs de vérité sincères qui ont accès à ce que la majorité des gens ne voit pas, des visionnaires qui ressentent ce que la plupart de leurs concitoyens ne ressentent pas ? Je suis sûr que plusieurs d’entre vous se sont reconnus dans cette histoire, n’est-ce pas ? Vous savez, lorsqu’un mouton ose défier les règles et sortir du troupeau pour aller paître dans des pâturages plus verts, ce n’est pas le berger qui tentera de le ramener au bercail, mais les autres brebis qui tenteront coûte que coûte et par tous les moyens de lui faire reprendre le rang.
Je me considère humblement comme un de ces visionnaires qui a eu la chance de visiter le monde fabuleux de l’illimité, et qui revient vous témoigner de tout ce que ses pieds ont foulé. C’est donc de cette voie de l’infini dont je vous parlerai tout au long de ce livre et du CD qui l’accompagne. J’appellerai cette route de différentes façons, entre autres, la voie de l’illimité ou de l’« escalator », vous savez, ces escaliers roulants – c’est ainsi qu’on les nomme au Québec – que l’on retrouve dans les grandes surfaces et sur lesquels il suffit de mettre le pied pour être entraîné tout de go et sans effort vers les étages supérieurs. Dans le cas qui nous concerne, la destination ne sera rien de moins que l’illimité. En mettant le pied sur le seuil de cet univers fantastique, nous serons entraînés dans les hautes sphères de l’évolution humaine. Contrairement à ce à quoi on a été habitué, cela se fera sans effort, si ce n’est celui de rester prêt à agir en tout temps lorsque cela nous sera demandé. Eh oui ! Rien à faire de spécial, rien à craindre, rien à mettre en marche, seulement être ! Fini les techniques ardues, fini les méditations compliquées, fini les prières souvent récitées machinalement du bout des lèvres, fini les pratiques d’élévation ascétiques, fini tout, tout, tout… Au lieu de cela, nous n’aurons qu’à nous laisser entraîner par le mouvement incessant de la vie qui, au moment propice, nous enjoindra à avancer dans telle ou telle direction. Il nous faudra par contre lâcher prise en n’essayant plus de provoquer ou de contrôler les choses, encore moins de les comprendre, mais seulement en gardant l’esprit vif et constamment à l’affût de tous les mouvements qui nous seront demandé d’accomplir en temps opportun.
Je sais qu’il serait bien naïf de croire que tout le monde est prêt à cela. Pour l’avoir expérimenté depuis les dernières années, je suis bien conscient que très peu de gens sont aptes à monter immédiatement et sur un coup de tête sur cet « escalator », car il faut préalablement avoir accepté du fond de notre être de tout laisser derrière soi. Mais là, j’en vois déjà sourciller : « Mais de quoi parle, André Harvey ? Pas un autre qui va nous dire de vendre tous nos biens, d’abandonner les nôtres et de nous mettre à vivre en ascète ? » Évidemment non, je vous rassure. Je ne parle pas ici de se débarrasser de ses biens matériels, ni de laisser derrière soi ses amours comme ses amis. Bien au contraire, ce dont je vous parle, c’est de se préparer à se départir progressivement de ce qu’on a appris dans le passé et qu’on a étiqueté comme étant notre unique vérité. La seule condition requise pour accéder et demeurer sur cet « escalator » magique consiste à cesser de se fier uniquement à nos valeurs ancestrales ou apprises dans le passé, pour se mettre à obéir le plus docilement possible à sa petite voix intérieure qui deviendra alors notre seul maître. En peu de temps, nous réussirons à ne plus résister bien longtemps aux divers aléas de la vie, à ses mouvements, à ses vagues, à ses tsunamis parfois, en d’autres mots, à ne plus se battre inutilement contre ce qui « est », à la souffrance comme à la joie, à la maladie comme à l’état de bien-être.
Ce qui nous maintiendra à flot durant ce voyage sera la certitude que tout ce qui existe a également sa raison d’être, que celle-ci soit connue ou non par notre intellect. Cette conviction est la prémisse de base à garder en tête, car notre mental-menteur ne pourra jamais empêcher monsieur le doute de frapper à sa porte et de se glisser chez lui par le moindre interstice. Les gens qui cheminent depuis un bout de temps sur la voie de l’illimité ne ressentent plus le besoin de juger. Ils peuvent, certes, constater ce qui se passe autour d’eux, mais ils ne se questionnent plus intempestivement sur la pertinence de tout ce qui arrive. Ils se sont libérés des chaînes qu’ils s’étaient eux-mêmes mises dans le passé. Ils savent que tout est parfait dans l’univers et que rien ne peut être laissé au hasard, sinon ce serait le chaos. Plus de peurs incongrues, plus de scénarios apocalyptiques, plus de ressentiment qui prend toute la place, plus de jugements réprobateurs sur qui ou quoi que ce soit. Sur la voie de l’« escalator », tout ceci devient inutile.
Voici donc la tangente que je vous propose d’emprunter à vous qui commencez ce livre. Attendez-vous par contre à être parfois quelque peu bousculé, à devoir remettre en question ce que vous savez, et à devoir reléguer certaines de vos croyances aux oubliettes. Cela demandera une bonne dose de courage, mais aussi une montagne d’humilité. Chaque fois que vous réussirez à le faire, ne craignez rien, car vous ouvrirez automatiquement la voie à une libération supplémentaire. Pourtant, au risque de vous décevoir, je ne vous enseignerai rien. Pas de méthodes, pas de techniques, encore moins de dogmes. Je ne vous proposerai que du gros bon sens, de la facilité et du bonheur, tous vécus intensément dans le moment présent.
Pour rendre le tout plus accessible, simple, compréhensif et léger, j’utiliserai la méthode suivante : je répondrai à des questions traitant directement ou indirectement de l’illimité qui m’ont été posées ou que je me suis moi-même posées ; je tenterai de le faire le plus ouvertement possible, en y mettant le moins de limitation possible. Ensemble, nous ferons comme si nous étions tous assis confortablement en rond au pied de cet escalier magique. Je tenterai alors de vous donner le goût de vous lever et d’y mettre le pied, puis de vous laisser entraîner vers la plus merveilleuse aventure de votre vie, celle de l’illimité. Après quoi, le retour en arrière sera plutôt difficile, j’en conviens, sinon impossible. Vous pourrez toujours être tenté de rebrousser chemin, mais vous ne le voudrez pas !
Êtes-vous prêt à l’illimité ? Si oui, un, deux, trois, partons. Allons-y tous ensemble. De toute façon, en ouvrant ce livre, vous avez déjà fait le premier pas et, comme dit l’adage, tout voyage commence par un pas. Et celui que je vous propose est un pas de géant et vous mènera, je l’espère, encore plus loin que vous ne pouvez l’imaginer.

Q. : Comment peut-on arriver à ne plus se laisser influencer par les nombreuses peurs que l’on nous sert allègrement comme, par exemple, celle concernant l’année 2012 que certains dépeignent comme celle de la fin des temps ?
A. : Une chose est certaine, c’est qu’on ne peut contrôler certains marchands de peurs plus habiles que les autres à nous gaver de leurs prédictions tout aussi abracadabrantes les unes que les autres, et cela, dans le but inavoué de nous vendre en temps et lieux toute sorte de moyens de protection. C’est dommage, car, à cause de certains hurluberlus plus puissants que d’autres, la population en général aura tendance à mettre tous les visionnaires et clairvoyants du monde dans le même panier. Il est normal dans la nature humaine de se laisser influencer « momentanément » par des peurs. Celles-ci sont colportées dans le seul but de nous effrayer suffisamment pour mieux nous contrôler ensuite. On aura beau se prétendre spirituel jusqu’au bout des orteils et en plein contrôle de ses émotions, personne n’est à l’abri du doute – et méfiez-vous de ceux qui disent qu’ils n’en ont pas, car ce sont probablement les plus vulnérables. À l’annonce d’une catastrophe imminente, d’une éventuelle fin du monde ou d’une menace de guerre nucléaire, ces gens apparemment en parfait contrôle d’eux-mêmes pourront, dans un incontrôlable moment de faiblesse, laisser entrer en eux le doute et se dire : « Et si c’était vrai, cette fois ? »
Je me rappelle comme si c’était hier d’un événement qui a marqué toute mon enfance et, je l’avoue, une partie de ma vie d’adulte. Je devais avoir une douzaine d’années et j’avais entendu à la radio qu’un gourou quelconque avait prédit que la fin du monde allait arriver à une date très précise au cours de l’année à venir. Je l’avais même noté dans un carnet pour être sûr de ne pas l’oublier. Dans mon innocence d’enfant de douze ans qui croyait encore tout ce que les adultes disaient, j’entrai de plein fouet dans cette peur sans en parler à personne évidemment, pour ne pas être ridiculisé. Le matin fatidique, je pris ma vieille canne à pêche et je me rendis au ruisseau où j’avais l’habitude de me réfugier durant mes périodes de solitude. Inquiet, je m’étais mis dans la tête que j’y resterais jusqu’à la tombée de la nuit, convaincu que c’était ma dernière partie de pêche et que je ne reviendrais plus chez moi, à moins que je ne sois oublié et épargné… – je gardais quand même une lueur d’espoir.
La journée se déroula calmement et, vous l’aurez bien deviné, rien de tout ce qui avait été prédit ne se passa ! Je revins donc chez moi plus tôt que prévu et je réalisai avec soulagement, non sans un brin de honte, que j’avais eu peur durant les derniers mois pour absolument rien. Le soir en me couchant, je me promis que jamais plus de ma vie j’allais croire en ces balivernes et que je ne m’y ferais plus jamais prendre. Depuis lors, j’ai tenté de tenir parole, quoique j’aie quand même eu quelques rechutes. Tout au long de ma quête spirituelle, je sentais parfois poindre en moi quelques doutes devant certains clairvoyants – qui avaient le don de ne pas voir… clair – et qui annonçaient ça et là des catastrophes. Heureusement, la peur s’estompait rapidement et mes craintes ne duraient jamais trop longtemps. Maintenant, chaque fois qu’un supposé illuminé me fait part d’une prédiction de ce genre, je me tiens toujours sur mes gardes. Et plus celle-ci est invraisemblable, plus je tente d’en rire en me souvenant de ma dernière journée de pêche.
La dernière prédiction apocalyptique, et non la moindre, est la fameuse peur de 2012. Apparemment, dit-on, les Mayas – un peuple qui, en passant, pratiquait encore des sacrifices humains – auraient créé un calendrier qui se terminerait à cette date. Donc, appuyés par les prédictions de Nostradamus qu’ils ont interprétées à leur façon, plusieurs ont conclu que ce serait la fin du monde. Nombre de livres ont été écrits sur le sujet, des conférences ont été prononcées et continuent à l’être. Plusieurs personnes, même dans mon entourage, y croient mordicus et c’est pourquoi je ne serais nullement étonné si certaines d’entre elles particulièrement influençables avaient l’idée de faire de grosses conneries à l’arrivée de cette date fatidique. Rappelez-vous de ces gens qui s’étaient suicidés pour se retrouver tous ensemble à un moment précis dans la queue d’une comète qui passait dans le ciel. Tout cela était issu encore une fois d’une prédiction farfelue à laquelle des esprits apeurés ont donné foi.
Par contre, ne vous méprenez pas. Je ne dénigre pas tout ce qui se dit sur le sujet. Je suis bien conscient que l’univers est en mouvement constant, particulièrement maintenant. La période de 2012 en sera peut-être une – et je dis bien peut-être – de grands changements, mais cela se fera progressivement. On dit entre autres que la Terre changera d’axe, mais si cela est vrai, ne craignez rien, cela ne se fera pas en quelques minutes ou en l’espace d’une journée. Ne croyez pas non plus que le Gulf Stream inversera son sens en une nuit ! Si changements il doit y avoir, soyez assurés que cela a commencé il y a bien longtemps et que cela ne finira jamais. Alors, il est inutile de céder à la panique et de croire en l’imminence d’une soit disant fin du monde. En fait, cette menace a toujours été une arme de soumission de prédilection utilisée par maintes religions et sectes. Pourquoi font-elles cela ? Me demanderez-vous. C’est assez simple à comprendre. Si vous réussissez à apeurer une population, créant ainsi chez la majorité un sentiment de panique ou d’extrême vulnérabilité, vous pourrez ensuite lui offrir la protection adéquate, et cela à n’importe quel prix. Regardez ce qui motive les fameux kamikazes qui se font exploser avec leurs victimes. C’est un peu le même principe, puisque le cadeau suprême qu’on leur offre en échange de leur vie est d’être enfin des élus et d’obtenir des privilèges quand ils seront rendus de l’autre côté. Si c’était vrai, si tout ceci ne relevait pas de la manipulation pure et simple, pourquoi leurs dirigeants ne s’empressent-t-ils pas de devenir à leur tour des kamikazes ?
Cependant, il ne faut pas se leurrer, tous et chacun d’entre nous peuvent un jour céder à la panique. J’ai moi-même jugé à plusieurs reprises par le passé ces gens qui se laissaient honteusement laver l’esprit par des gourous sans scrupules, jusqu’au jour où je me suis aperçu que moi-même, dans ma période ésotérique, j’avais aussi vécu ce genre de chose sans trop m’en rendre compte. C’était plus ou moins sérieux, mais j’y ai cru. Laissez-moi vous raconter…
Je devais être au début de la trentaine et j’avais entendu dire de la bouche d’un maître qui jouissait d’une certaine crédibilité, qu’une inondation monstre allait se produire incessamment au Québec suite à l’affaissement des barrages hydroélectriques situés dans le Nord de la province. Cet homme avait dit que l’eau allait tellement monter – des dizaines ou des centaines de mètres, je ne me souviens plus – qu’il était primordial de se trouver au plus vite un endroit sécuritaire, sur le dessus d’une montagne élevée de préférence, où on pourrait aller se réfugier lorsque cela arriverait. On nous conseillait également de nous prémunir de provisions suffisantes pour tenir pendant plusieurs mois. Je rougis en vous le racontant, mais avec des amis, j’ai effectivement trouvé l’endroit idéal sur le dessus d’une montagne près de chez moi et, rassuré, j’attendis la catastrophe, qui n’arriva pas encore une fois ! Donc, oui je l’avoue, j’y ai cru… on a bien droit à quelques rechutes, non ? (rire)
Je veux terminer en vous disant de ne jamais vous laisser influencer négativement par quelque prédiction que ce soit, sinon la peur vous envahira et vous fera faire n’importe quoi pour sauver votre peau. Comme je l’explique dans mon livre Un vieux sage m’a dit, dans un chapitre consacré aux prédictions, celles-ci ne sont valables qu’au moment où elles sont faites si tout se figeait dans le temps et si toutes les personnes concernées demeuraient au même point d’évolution. Il s’agit qu’une seule personne change son comportement de façon positive pour que ce qui devait arriver soit déjà modifié, diminué ou carrément remplacé par autre chose. Qu’on se le dise… et on s’en reparlera le 1er janvier 2013 en riant. Et cette fois, je ne serai pas allé pêcher, je vous l’assure !

 

Retrouver sa passion de vivre

Ce livre et le CD qu¹il contient est dédié à tous ceux et celles qui en ont
assez de dormir leur vie, à ces hommes et à ces femmes qui, peu importe leur
âge, leur race, leur rang social ou leurs croyances religieuses, se
retrouvent à un carrefour de leur existence où ils auront à décider s¹ils
veulent orienter différemment leur vie, faire un pas vers le « nouveau » ou
se cramponner désespérément dans la sécurité que leur apporte leur passé. Il
y a plusieurs années, tel un funambule sur un fil de fer, je me suis
moi-même retrouvé en équilibre précaire sur cette frontière inconfortable,
et j¹ai dû faire un choix décisif. J¹ai opté évidemment pour le nouveau,
comme vous devez bien le deviner. Malgré tous les bouleversements et le
brouhaha que cette décision impliqua pour moi et pour ceux autour de moi, je
ne l¹ai par contre jamais regrettée, car je savais pertinemment que
commencer à s¹endormir dans sa propre vie, c¹est le début d’un processus
irréversible menant éventuellement à la mort. Le sommeil n¹est-il pas le
pire ennemi de cet enfant en soi qui cherche à s¹exprimer, à s¹éclater et à
vivre pleinement chaque seconde qui passe ? Ceux qui opteront pour la
deuxième alternative, la voie de « l¹endormitoire », se verront
habituellement prendre un sérieux coup de vieux, et cela, en très peu de
temps. Tandis que les autres qui, tout comme moi, auront choisi de mordre
dans la vie et de trouver eux-mêmes leur passion de vivre pourront rajeunir
à vue d¹¦il. Il ne faut jamais oublier que le corps obéit fidèlement à tout
ce que lui dicte son esprit. À ce sujet, laissez-moi vous raconter une
anecdote qui prouve bien que tout ce que l¹on dit ou que l’on enseigne est
quelque chose à acquérir soi-même…
Il y a de cela quelque temps, en plein coeur d¹une période creuse de ma
vie ­ eh oui ! même André Harvey en traverse de celles-là ! hi ! hi !
hi ! ­, je me suis laissé aller progressivement et sans m¹en rendre compte
sur une pente dangereuse empreinte de négativité. Je venais de passer le cap
des cinquante-cinq ans et je commençais à être passablement convaincu, comme
cela arrive à plusieurs quinquagénaires je suppose, qu¹il fallait absolument
se sentir vieux. Au fil des jours, d¹insoutenables pensées défaitistes
étendaient subtilement leurs tentacules en moi. Je vous le dis, je pensais
même à faire mes préarrangements funéraires, ce qui, pour moi, est un
présage certain que quelque chose ne va pas… Vous voyez le tableau ? De
semaine en semaine, ma santé déclinait. Au lieu d¹être motivé comme à
l¹habitude par ces jeunes gens pleins de rêves que je rencontrais, je
refoulais les miens, croyant que, de toute façon, je n¹aurais plus
suffisamment de temps pour les réaliser. Quelle horreur, quand j¹y pense,
moi qui, normalement, avais jusqu¹ici plutôt la réputation de nourrir des
rêves insensés. Je me revois encore, ce midi-là, glissant lourdement mes
godasses sur le trottoir humide, le dos courbé par le dépit et la fatigue
accumulée. Je me rendais manger des sushis avec un de mes amis que je
n¹avais pas vu depuis longtemps. Après les salutations d¹usage et le
papotage habituel des retrouvailles, il se mit à me regarder intensément de
ses yeux de laser, scrutant mon âme assombrie jusqu’en son centre. Devant ma
mine déconfite, il me demanda illico ce qui se passait, lui qui savait lire
en moi comme dans un livre ouvert ! Sachant que je ne pouvais lui mentir, je
lui racontai sans ambages mes récentes déveines et l¹ampleur inhabituelle du
flot de pensées destructrices qui me submergeaient depuis quelque temps.
< Eh ! Ho ! André, intervint-il tout à trac en me coupant la parole. Mais
c¹est quoi tout ce bazar ? Arrête immédiatement cette descente aux enfers,
sinon c¹est tout ton corps qui va réagir à tes pensées, et tu risques de
prendre un méchant coup de vieux.
Devant son commentaire plus que pertinent, je demeurai muet, complètement
hébété. C’est comme si je venais de recevoir une gifle en plein milieu de
mon sommeil.
< Tu sais André, continua-t-il avec autant d¹ardeur, toutes les cellules de
ton corps ne font qu¹obéir aux ordres que leur donne ton mental. Alors, fais
gaffe, les rides ne se creusent pas toutes seules !
Je réalisai alors, et sans l¹ombre d¹un doute, que si je continuais à me
morfondre dans cette voie de la dévalorisation, je pouvais me retrouver six
pieds sous terre plus vite que prévu à bouffer les pissenlits par la racine.
En tant que bon signe d’air que je suis, je me ressaisis en un éclair et je
décidai de me reprendre en charge immédiatement. En réalité, ce que fit cet
ami ce midi-là, c¹est tout simplement me sauver la vie… C¹est aussi simple
que cela. Il m¹attrapa pendant que j¹étais en pleine chute, à quelques
secondes de m¹écraser au sol. C¹est comme si je m¹étais jeté du toit d¹un
édifice de trente étages et qu¹une main miraculeusement sortie du cinquième
m¹avait solidement attrapé par le bras pour me ramener d¹un coup sec à
l¹intérieur. Inutile de vous dire que ce n¹est pas seulement avec l¹estomac
plein de sushis que je sortis de ce dîner, mais avec les yeux pétillants et
particulièrement brillants. Dans les quelques heures qui suivirent, je me
sentis renaître à la vie et cessai de vieillir par en-dedans. Je retrouvai
par le fait même ma joie d’antan et ma passion de vivre ! Si vous êtes
actuellement vous-mêmes en chute libre, il n¹en tient qu¹à vous de saisir la
main que je vous tends à mon tour et de vous reprendre en charge pendant
qu¹il en est encore temps !
Tout ça pour vous dire que nous enseignons tous ce que nous avons le plus
besoin d¹intégrer nous-mêmes. Moi qui parlais depuis des années de passion
de vivre, je m¹étais laissé prendre à mon propre jeu comme un débutant.
Croyant que mon expérience me mettait à l¹abri de tout ça, je m¹étais laissé
bêtement happer par ce que certains appellent la « loi générale », cet amas
de croyances ancestrales et populaires qui traînent dans les recoins de
notre mémoire et forment notre sacro-sainte morale.
Dans le même ordre d¹idées, voici une autre anecdote tout aussi
significative pour illustrer mon propos. Lors de l¹une de mes visites en
Inde au monastère tibétain de Menri, je rencontrai le grand maître de la
place, le Rimpoché Lungtok Tenpai Nyima, de son petit nom ­ façon de
parler ­, un homme doté d¹un bel esprit d¹humour qui n¹a d¹égal que sa
sagesse. Dans le but inavoué de l¹impressionner, je lui avais alors apporté
une collection complète de mes livres, pour lui montrer que moi aussi
j¹étais quelqu¹un, même si on ne me donnait pas le titre de maître. J¹étalai
donc fièrement devant lui la panoplie de mes oeuvres, une douzaine de livres
à ce moment-là. Ne lisant pas le français, le Rimpoché demeura quand même
très diplomate et prit le temps de regarder mes bouquins un à un, donnant de
bons commentaires entre autres sur les pages couvertures et les images
intérieures. Après quelques minutes, il releva la tête vers moi et je crus
apercevoir un demi-sourire se dessiner sur son visage. Il y avait anguille
sous roche, soupçonnais-je avec raison d’ailleurs… Il me dit alors dans un
anglais difficile à décoder :
« Je connais une maxime qui dit à peu près ceci : Quand on sait quelque
chose, on se contente de l¹être. Quand on commence à le savoir, on
s¹informe, on l¹approfondit. Mais quand on ne le sait pas, on l¹enseigneS ou
on l¹écrit. » Je ne sais pas pourquoi, mais il appuya un peu beaucoup… sur
ces trois derniers mots…
Je ne pus m¹empêcher de pouffer de rire en même temps que lui et acceptai
avec humilité cette leçon de vie qu¹il venait de me servir. Je l¹en
remerciai chaleureusement avant de continuer l¹entretien. Je lui laissai
quand même tous mes bouquins qui sont probablement aujourd¹hui rassemblés
sur une tablette poussiéreuse d¹une bibliothèque tibétaine dans le nord de
l¹Inde, à moins qu¹ils en aient fait du papier recyclé. Mince consolation,
direz-vous, mais, comme je crois en la vibration qu¹ont les mots, ils y ont
sûrement leur utilité.

 

L’insoumis
De la soumission à la libération

CHAPITRE UN
Les liens du sang

À peine déposés dans leurs berceaux, les deux jumeaux Philippe et Yancy semblaient déjà unis par d’extraordinaires liens du cœur qui n’allaient d’ailleurs plus jamais se dénouer par la suite. Cette complicité, inexplicable pour certains, était pourtant l’aboutissement d’une série d’aventures qui avait réuni ces deux êtres bien avant leur naissance, dans la chambre du pardon… (Voir L’Ultime Pardon du même auteur) Déjà, dans la pouponnière, sous le regard attendri de leur père dont les yeux débordaient de ces larmes de joie qui véhiculent tant d’amour, les frères s’étaient lancés cet étrange et subtil regard qui n’avait échappé à personne.
Philippe, le premier arrivé, était un enfant débordant de force et de joie de vivre. Il n’avait pour ainsi dire pas pleuré en venant au monde, juste assez pour obéir à son instinct de bébé et pour rassurer ses parents sur sa vitalité. Après quoi, un large sourire, qui ne devait pratiquement plus jamais le quitter, s’installa sur sa figure d’ange.
Yancy, quant à lui, avait quelque peu tardé à montrer le bout du nez et, contrairement à son frangin, il avait semblé prendre un malin plaisir à déverser abondamment et bruyamment toutes les larmes de son corps. À le voir ainsi lutter contre la vie et retarder au maximum son entrée dans ce bas monde, on aurait pu croire que ce petit être fragile était déjà fatigué avant même d’entreprendre le périple de son existence. On aurait dit un travailleur se remettant péniblement au boulot après de trop brèves vacances durant lesquelles il n’aurait pas pu se reposer suffisamment. À cause du brouhaha engendré par ses interminables sanglots, le nouveau-né fut transporté rapidement à la pouponnière pour y rejoindre son frérot. Ce dernier se mit à glousser de joie en voyant ce petit être qu’il avait tout de même côtoyé pendant neuf longs mois dans le ventre de leur mère et dont il avait perdu toute trace depuis les dernières minutes. Aussitôt que Yancy sentit à ses côtés la présence rassurante de son grand frère qui l’accueillait avec tant de chaleur, il s’apaisa instantanément. Ils s’endormirent rapidement tous les deux, pour aller se rejoindre dans ce merveilleux monde du rêve qui leur était familier. Dans cet espace-temps où les deux petites âmes se retrouvaient, elles pouvaient communiquer sans réserve.
Au-dessus des petits corps endormis, les âmes de Yancy et de Philippe flottaient librement, se remémorant leur toute récente éclosion dans le jardin de la vie. Elles pouvaient ainsi s’extraire de leur enveloppe physique où elles ses sentaient tellement à l’étroit, à l’image du scaphandrier enserré dans une combinaison de plongée. Elles pouvaient apprécier à nouveau cette liberté à laquelle elles avaient goûté au cours des derniers mois, alors qu’elles ne visitaient que momentanément leur corps en fabrication, pourrait-on dire, dans le ventre de leur mère. Ainsi réunies dans la sphère du rêve, les deux âmes évoquèrent, non sans un brin de nostalgie, le début de leur aventure qui se concluait aujourd’hui par leur retour sur la terre.
Le souvenir de leur conception était encore très frais dans leur mémoire. C’est en cet instant qu’ils avaient été propulsés tous les deux vers leurs futurs parents qui, à ce moment, faisaient l’amour avec frénésie. Attirés par l’énergie merveilleuse qui se dégageait de ce couple, ils s’étaient retrouvés auprès des amants, qui avaient d’ailleurs déjà exprimé, quelque temps auparavant, leur intention d’avoir un enfant… Il n’en fallut pas davantage pour que la vie réponde à leur désir et attire à eux ces âmes qui n’attendaient que cette occasion unique pour venir parfaire ici-bas leur évolution.
Délaissant leur paradis le temps d’une vie, ceux qui allaient devenir Yancy et Philippe, descendirent tout naturellement s’installer dans le sein de leur mère Marie. C’est à cet endroit qu’ils allaient commencer à s’adapter à leur nouvel environnement et c’est là qu’ils y demeureraient patiemment durant les neuf prochains mois. À partir de cet instant, leur maman devenait en quelque sorte leur point d’ancrage. Sa nourriture, ses joies, ses peines, ses moindres pensées, sa vie entière en somme, devenaient les leurs. Si Marie ressentait de la tristesse, les petites âmes en devenir éprouvaient le même sentiment et avaient aussitôt envie de pleurer. Par contre, lorsque leur mère débordait de joie, elles jubilaient avec elle et avaient presque envie de danser et de se chamailler gentiment… Chaque pensée de leur mère les traversait également, pour s’incruster ensuite dans leurs propres cellules.
Même à l’état d’embryon, leur caractère respectif commençait déjà à se façonner à partir des actions et des réflexions de leurs parents, s’imprégnant de leurs qualités comme de leurs défauts. Lorsque les amants s’enlaçaient avant de s’endormir, l’amour ainsi généré était ressenti avec intensité par les deux petits. Dès lors se préparait pour eux une nuit de délices. Dans le monde du rêve, la rencontre des âmes devenait frénésie totale. C’est là, que Yancy et Philippe commencèrent à communiquer avec leurs parents.
Hors de l’emprise du mental qui, lui, s’était endormi comme il le fait chaque soir, les quatre âmes se retrouvaient « en famille », pourrait-on dire, dans cette sphère supérieure où elles évoluaient. Elles avaient cette étrange impression de s’être perdues momentanément de vue, puis retrouvées — ce qui se révélait d’ailleurs la pure vérité. Ainsi réunis comme des enfants qui se revoient après une longue absence, ils s’amusaient à s’exprimer mutuellement leur affection, chacun à sa façon, faisant ainsi naître entre eux, à travers leurs divers jeux, une franche complicité. Ils s’entretenaient aussi de leur avenir immédiat, chacun confiant à l’autre ce qu’il attendait de lui. Ils parlaient avec détachement des joies et des peines qu’ils connaîtraient éventuellement ; ils évoquaient les événements prévisibles qui marqueraient leur cheminement terrestre, de même que les leçons qu’ils pourraient en tirer. Animés par ce pur amour qui unissait si fortement leurs âmes dans cette sphère se situant hors du monde de l’ego, ils établissaient avec précision et sagesse leur plan de vie mutuel dans l’univers où ils allaient bientôt se retrouver. Il leur apparaissait évident que le rôle de chacun était déterminé afin que les autres membres de la famille puissent en tirer le maximum pour leur évolution, individuelle comme collective. Tout était mis en place pour que chacun apporte constamment aux trois autres les éléments de compréhension et d’expérimentation dont ils auraient éventuellement besoin pour atteindre leurs buts.
Rien ne semblait laissé au hasard, comme si une force invisible et divine connaissait déjà ce qui allait se passer et qu’elle préparait chacun à traverser avec le plus de sérénité possible les petites et les grandes épreuves qui allaient leur permettre de grandir ensemble, et en sagesse.
Après une nuit passée à rire et à faire des plans d’avenir, chacune des âmes reprit sagement son rôle le matin venu.
Comme à l’accoutumée, c’est Marie qui ouvrit l’œil la première, Jean-Pierre s’éveillant quelques instants plus tard. Un premier baiser vint clore leur randonnée nocturne avant que ne reprenne le train-train quotidien. Depuis quelques mois, Marie s’accordait quelques moments « juste pour elle » avant de se lever. Sa forte intuition et son ouverture au monde spirituel lui permettaient de se remémorer avec grande précision les rêves qui peuplaient ses nuits et qui, depuis un certain temps, lui semblaient bougrement réels.
Deux petits reflets de lumière d’un bleu très pâle et arborant des yeux d’ange remontaient en effet constamment à sa conscience au cours de ses méditations matinales. La constance et la clarté des images qu’elle rapportait de ses songes lui indiquaient que ce n’était sûrement pas là le produit de son imagination. De plus, l’amour ressenti au contact de ce qu’elle croyait être de nouveaux guides spirituels ayant pris l’aspect d’enfants enjoués la comblait à un point tel qu’elle avait toujours hâte d’aller se coucher le soir venu pour les retrouver à nouveau.
Après quelques semaines de ce merveilleux manège, Marie eut la confirmation qu’elle était enceinte ! Ce constat lui permit de tisser des liens encore plus étroits entre ses rêves et ses étonnantes visions. Elle était davantage à l’écoute de ses intuitions et vivait avec plus d’intensité et de conscience les contacts nocturnes qu’elle avait avec son enfant — elle était alors bien loin de se douter que son bébé allait être en réalité… deux !
Jean-Pierre jouait au « gars-réaliste-qui-ne-croit-pas-en-ces-histoires-de-bonne-femme ». Cependant, chez lui aussi, certaines intuitions étaient en train de se frayer un chemin depuis quelque temps. Comme son épouse, il se réveillait le matin avec une multitude de beaux souvenirs en tête, se rappelant même des conversations très précises qu’il avait eues avec son enfant durant ses rêves. Il s’empressait pourtant de les oublier au réveil, prétextant qu’il s’agissait là de balivernes et préférant enfouir ces expériences dans son jardin intérieur, à l’abri des regards indiscrets et incriminants. Sa formation scientifique d’ingénieur ne lui permettait d’ailleurs pas de s’attarder trop longtemps là-dessus, encore moins de croire en ce qui n’était pas intellectuellement mesurable et vérifiable. Mais, comme les plus grands sceptiques sont souvent ceux qui sont confrontés à des preuves irréfutables, la vie l’attendait au détour, comme elle sait si bien le faire parfois…
Quelques mois après avoir été mis au courant de sa future paternité, il vécut une expérience tellement intense que même son mental n’avait pu le persuader qu’il avait simplement rêvé cette nuit-là… Il avait passé la soirée à danser et avait trinqué un peu plus qu’à l’accoutumée. De retour à la maison, il s’était étalé de tout son long sur son lit. Les vapeurs de l’alcool ayant toujours eu sur lui l’effet d’un véritable somnifère, il s’était endormi aussitôt, repu, s’abandonnant complètement dans les bras de Morphée. Il ne se doutait pas que ces quelques instants d’abandon allaient changer sa vie pour toujours…

CHAPITRE DEUX
Le voyage astral

À peine eut-il déposé sa tête sur l’oreiller qu’il sentit une étrange vibration secouer tout son être. En plus de la percevoir nettement dans son corps, il en captait très clairement le son dans ses deux oreilles. Cette curieuse quoique agréable sensation fut immédiatement suivie d’une forte détonation qui résonna avec fracas dans son crâne. Mais aucun effet néfaste n’accompagnait cette apparente explosion ; et qui plus est, à sa grande surprise, l’impression qu’il ressentait se voulait plutôt agréable. Puis, ce fut au tour de ses mâchoires de se crisper. Elles s’étaient tellement serrées l’une contre l’autre que Jean-Pierre avait l’impression que rien au monde ne pourrait jamais les séparer.
Tout d’abord étonné et inquiet devant ces manifestations qui échappaient complètement à son contrôle, Jean-Pierre connut ensuite une sensation exquise qu’il n’allait jamais oublier. Il avait la nette impression que son corps s’élevait dans les airs, sans que sa volonté n’intervienne d’aucune façon. Puis, comme un astronaute se mouvant librement dans le vide de sa capsule spatiale, il se surprit à flotter au-dessus de son corps physique, et ce, de façon tout à fait consciente. Il pouvait maintenant se déplacer au gré de sa pensée, dans un monde nouveau où tout était extraordinairement calme, et d’une indéfinissable beauté.
Au-dessous de lui, gisant sur le lit, sa carcasse endormie lui apparaissait comme un amas de chair sans vie. Un long cordon argenté le rattachait à ce corps, comme le cordon ombilical relie un enfant à la mère. Quelle sensation merveilleuse de liberté et de légèreté il ressentait ! Quel bonheur de pouvoir se déplacer sans effort, par le seul fait de sa volonté.
S’habituant graduellement à ce nouvel environnement, Jean-Pierre s’y laissa bercer. Il se rappelait avoir déjà vécu ce genre d’expérience durant sa jeunesse, mais de façon artificielle… Au cours de son adolescence, il avait en effet, comme la plupart des garçons de son âge, exploré le monde de la drogue.
Les substances douces lui avaient d’abord fait connaître une certaine euphorie, quelque peu comparable à ce qu’il ressentait actuellement. Puis, son désir d’exploration l’avait entraîné un peu plus loin, et il s’était risqué à expérimenter le LSD — pour la seule et unique fois de sa vie d’ailleurs. Il avait alors cru qu’il perdait complètement la raison et il comprenait aujourd’hui pourquoi ! Après avoir ingéré cette substance chimique, il s’était retrouvé projeté littéralement hors de son corps physique. La détente initiale s’était vite transformée en cauchemar quand il avait commencé à voir apparaître autour de lui des êtres d’une laideur repoussante. Ils étaient si près de lui qu’il pouvait presque les toucher et même sentir leur odeur nauséabonde tant cette réalité lui semblait palpable. Et plus sa peur grandissait, plus ces hallucinations exerçaient leur emprise sur lui. Ce voyage cauchemardesque dura plus de six heures, après quoi, à bout de force et frôlant le désespoir, il avait perdu conscience. Au réveil, il s’était juré de ne plus jamais retoucher à ce genre de poison, promesse qu’il avait d’ailleurs tenue sans problème.
Nul doute qu’il avait alors expérimenté une sortie hors du corps, comme il le faisait à l’instant, à la différence que le LSD l’avait projeté dans le bas astral, cette dimension de l’univers où ne règnent que les passions les plus viles et où se retrouvent les âmes en peine n’ayant pas encore réussi à se détacher du monde terrestre. L’abus d’alcool et des drogues fortes, lui avait-on signalé par la suite, ouvre souvent la porte sur ces mondes inférieurs où il est très facile de se perdre momentanément si on n’est pas suffisamment vigilant. Les êtres qui évoluent dans le bas astral sont, pour la plupart, les âmes des gens qui, de leur vivant, croyaient qu’après la mort il n’y avait que le néant. Quand ils en ont l’occasion, ces êtres prennent un malin plaisir à faire peur à ceux qui s’aventurent chez eux ou à leur jouer de vilains tours.
Mais tel n’était pas le cas pour Jean-Pierre qui flottait aujourd’hui en des lieux beaucoup plus élevés. C’était en toute conscience qu’il s’amusait à être Superman et à voler dans le ciel de cette dimension astrale supérieure.
L’expérience qu’il était en train de vivre lui semblait bien réelle. En fait, elle ne le semblait pas, elle l’était ! Et inutile d’essayer de lui faire croire qu’il rêvait, que tout cela sortait tout droit de son imagination. Ce qu’il ressentait en cet instant précis était trop intense pour qu’il puisse un jour en nier l’authenticité.
Une fois acclimaté à ce nouveau monde qui s’ouvrait à lui, Jean-Pierre se laissa prendre au jeu et fit quelques pirouettes que son état d’apesanteur lui permettait d’exécuter avec facilité. Il traversa ainsi aisément le mur qui le séparait de la chambre voisine et en revint tout aussi facilement, se surprenant à fermer les yeux de temps à autre par réflexe, de peur de se faire mal. Il constata alors avec étonnement que son corps de lumière prenait la même densité que le mur, ce qui lui permettait de le franchir sans la moindre friction.
Jean-Pierre avait déjà entendu parler de voyage astral. Un de ses amis prétendait en effet en faire depuis longtemps. Il n’avait cependant jamais cru à ces balivernes, mais aujourd’hui, avait-il le choix ? La réalité dépassait la fiction et, de surcroît, c’était lui qui en était le principal acteur. Quelle aventure !
Et voilà qu’en « se » regardant dormir à poings fermés sur le lit, quelques mètres plus bas, il avait aperçu le ridicule petit filet de salive qui s’échappait de sa bouche entrouverte. C’est alors qu’il prit réellement conscience d’une vérité qui allait changer définitivement sa conception de la vie : il était beaucoup plus qu’un corps physique ; il possédait bel et bien une âme. Après la mort, cette carcasse qui gisait en dessous de lui allait sûrement rester sur la terre. Mais son âme, ce qu’il « était » actuellement, continuerait à vivre quelque part dans le monde de liberté, à la porte duquel il se trouvait. Tout ce qui le rattachait à son corps physique se résumait à ce mince cordon de lumière qui prenait naissance dans son ombilic. À son décès, ce lien se couperait sûrement pour lui permettre de poursuivre sa route dans ce monde que certains appellent le ciel et d’autres, l’au-delà. Quelle merveilleuse découverte il venait de faire, et en si peu de temps !
Le temps semblait d’ailleurs s’être endormi en même temps que lui, dans cette dimension où il se trouvait, celle des déplacements hors du corps et des rêves. À cet endroit, le temps n’avait plus d’importance, tout était figé dans l’instant présent. La théorie selon laquelle le présent, le passé et le futur se déroulent tous en même temps dans le monde de l’âme prenait alors toute sa signification. Le minuscule cerveau humain ne pouvait adhérer à cette hypothèse irréaliste puisqu’il était lui-même restreint dans sa compréhension des choses, limité par un espace-temps nécessaire à son développement.
Jean-Pierre saisit alors la véritable portée d’une parole qu’il avait entendue bien des années auparavant : « S’ouvrir au monde de l’âme, c’est également détruire toutes les limites qui nous empêchent d’avancer à l’infini… » Ayant lui-même goûté à ces instants de bonheur et d’éternité, il ne pourrait plus jamais voir la vie de la même façon. C’eût été faire un pas en arrière et, à cela, il ne pourrait jamais se résoudre.
Stabilisant son corps de lumière à quelques centimètres du plafond de sa chambre, Jean-Pierre se laissa baigner dans cette sérénité indescriptible que l’on ressent après avoir assimilé une des grandes lois de la vie. Il venait de découvrir et de ressentir vraiment, dans toutes ses cellules, la différence qu’il y avait entre son âme et son corps. Des centaines d’heures de cours et de lectures sur le sujet n’auraient jamais réussi, comme l’avait fait cette expérience, à le convaincre ainsi de l’existence réelle de ces deux mondes. Mais là, il « savait » ! Il comprenait que même les arguments les plus scientifiques, qu’ils fussent contradictoires ou dérisoires, ne pourraient désormais avoir aucune emprise sur lui et lui faire oublier l’objectivité de son expérience astrale.
Combien de fois avait-il lui-même jugé un peu trop rapidement et même taxé d’imposteurs certaines personnes qui relataient leurs sorties hors du corps à la suite d’un accident, d’un état comateux ou d’un arrêt cardiaque ? Maintenant qu’il avait goûté à la coupe du savoir, acquise par l’expérimentation, il ne pouvait plus entretenir de doutes sur la véracité de ces histoires.
Depuis quelques instants, Jean-Pierre baignait dans une aura de gratitude. Il ferma alors ses yeux de lumière et, du haut de son âme, il s’exclama avec tout l’amour que son cœur pouvait ressentir : « Merci, mon Dieu, qui que tu sois, de me permettre de vivre cela ! C’est de loin le plus beau cadeau que tu m’aies jamais offert. Je te rends grâce. Même si cet état ne devait plus se manifester à nouveau, je te serai toujours reconnaissant de m’avoir fait vivre ces quelques instants magiques.»
Un bref moment de silence permit à cette pensée de s’envoler vers le ciel. Puis, Jean-Pierre s’abandonna à ce nirvana, ignorant qu’il n’était pas au bout de ses surprises. Car son voyage ne faisait que commencer…

CHAPITRE TROIS
Une rencontre inespérée

Pendant qu’il se laissait voluptueusement bercer au gré des vagues de l’extase, Jean-Pierre ne remarqua pas les deux petites âmes enjouées qui s’approchaient de lui en virevoltant sur elles-mêmes, comme pour attirer son attention. Intrigué par ces intrus qui venaient en quelque sorte troubler sa paix, il sortit littéralement des limbes et s’exclama, avec un soupçon de crainte qu’il avait peine à dissimuler : « Qui êtes-vous ? Que me voulez-vous ? » Les visiteurs survoltés se mirent à rire de bon cœur devant la mine étonnée de Jean-Pierre. Quelle surprise en effet cela devait être pour lui de constater qu’il n’était pas seul dans la dimension où il se trouvait !
Depuis qu’il était sorti hors de son corps, il n’avait jamais pensé rencontrer d’autres entités évoluant en état d’apesanteur comme lui, encore moins communiquer avec elles. Autre fait étonnant : les paroles qu’il venait de prononcer n’étaient pas sorties de sa bouche, mais de son être tout entier. « Ce doit être de la télépathie », avait-il conclu tout bonnement. Il avait compris qu’en ce monde de l’âme, il ne servait à rien de se poser trop de questions…
Les deux minuscules présences se firent alors entendre — d’une façon bien particulière, car Jean-Pierre les captait de l’intérieur :
« Bonjour, papa ! » laissa échapper l’une d’elles, sur un ton plutôt rigolo. Puis, se tournant vers la droite, elle ajouta : « Et voici mon petit frère. » Ce dernier esquissa un signe discret de la tête en guise de salutation. Ce devait être un grand timide…
« Nous sommes tes enfants, poursuivit la même voix, c’est-à-dire ceux qui naîtront de Marie dans quelques mois. Si tu savais comme c’est agréable pour nous de pouvoir te rencontrer ainsi. Nous te remercions de nous accueillir. »
Hébété, Jean-Pierre demeurait bouche bée. Cette rencontre magique avec ses deux… futurs bébés était bien la dernière chose qu’il aurait pu imaginer ! Même s’il se trouvait dans le monde de l’âme, la proximité de son corps physique l’incitait à vivre encore certaines émotions, et son esprit analytique, quoiqu’endormi quelque part sur un lit, semblait vouloir reprendre du service…
Le petit ange qui agissait comme le leader du sympathique duo continua : « Eh oui ! Nous sommes tes deux garçons. Surpris, hein ? Tu auras le temps de t’en remettre, rajouta-t-il sur un ton tendrement moqueur. Nous naîtrons dans exactement deux cent vingt-deux jours, si tout va bien. Tu sais, papa — ce mot déclencha en Jean-Pierre un torrent de bonheur —, nous t’avons choisi comme père pour des raisons très précises, qui se situent bien au-delà de toute compréhension humaine. Il y a de cela quelque temps, toi, maman, Yancy et moi avons convenu, dans notre inconscient évidemment, que nous allions faire un grand bout de chemin ensemble. »
Remarquant le scepticisme de son père et percevant l’aura de mystère qui se dessinait autour de lui, Philippe s’empressa d’ajouter : « Bien sûr, nos prénoms te sont complètement étrangers pour l’instant, mais je te parie que c’est ceux que vous choisirez pour nous ! Tu sais, les noms et prénoms que chaque être humain porte durant sa vie ont une influence capitale et directe sur son caractère. Mais, ne cherche pas trop à comprendre ; en réalité, cela n’a pas tellement d’importance pour l’instant. Ce qu’il importe de savoir, c’est que rien n’est laissé au hasard. Notre source divine sait toujours nous faire passer au bon endroit au bon moment, sans que nous ayons à nous soucier de rien, et sans que nous soyons constamment obligés de saisir le sens de ce qui nous arrive. »
Jean-Pierre était sidéré, et le mot était vraiment approprié pour décrire sa réaction devant ce petit être si pur qui, en toute simplicité et candeur venait bouleverser ses croyances les plus profondes. Cet enfant, en qui Jean-Pierre pouvait déjà reconnaître l’âme d’un grand sage, laissait émaner de son cœur des paroles que tout être de bonne volonté ne pouvait mettre en doute. Devant tant de sérénité, le futur père n’avait d’autre choix que d’adresser à son fils un large sourire pour lui signifier qu’il pouvait continuer à parler sans crainte.
L’âme en devenir de Philippe reprit donc de plus belle la parole. Elle expliqua que tout dans l’univers était savamment préparé, de façon que tous aient la possibilité de tirer le maximum de chaque situation. Alors, pourquoi contrecarrer le destin ? Pourquoi freiner devant un quelconque changement ? Les buts fixés par l’âme seront toujours atteints, si ce n’est dans la joie, ce sera dans la souffrance. Autant choisir la joie !
Tout au long de l’exposé de son grand frère, Yancy se tint un peu en retrait, se contentant de faire, de la tête, de larges signes d’approbation. L’attention qu’il manifestait démontrait de toute évidence une admiration sans borne pour Philippe, doublée d’un grand respect. À le voir ainsi incliné derrière son frère, on aurait pu le prendre pour un disciple qui aurait choisi de vivre toute son existence dans l’ombre de son maître afin d’en capter toute la sagesse…
« Tu sais, papa, reprit Philippe, nous avons beaucoup à apprendre de maman et de toi. Cet amour que vous vous témoignez depuis les cinq dernières années est d’une telle intensité qu’il a été l’aimant magique qui nous a attirés vers vous. Je t’assure que pour rien au monde nous ne voudrions nous en éloigner, n’est-ce pas frérot ? » Ce disant, Yancy jeta vers son complice un regard amusé et hocha encore une fois la tête en signe d’approbation.
« La vie que nous allons bientôt connaître avec vous sera une expérience très enrichissante pour nous tous ; ça, je te l’assure ! Je vous apporterai la connaissance que j’ai acquise depuis des millénaires et qui fait désormais partie de moi. Je n’ai aucun mérite à cela. Par ma seule façon d’être et d’agir, je vous enseignerai la sagesse dans la simplicité des choses. Je vous inciterai à faire un retour aux sources, là où tout est parfait, où toute action et toute situation ont leur raison d’être et ne sont dramatiques que par l’interprétation qu’en fait notre mental.
« Pour mon frère jumeau — il lança à celui-ci un regard attendri —, je jouerai encore une fois le rôle de protecteur et de motivateur. M’en sortirai-je un jour ? » Ces dernières paroles eurent le don de faire pouffer de rire les deux frères.
« Yancy sera l’enfant soumis de la famille, l’éternelle victime, enchaîna Philippe en esquissant un soupir. Il apprendra vite que le fait de se plaindre sur son sort est une excellente façon d’attirer l’attention et de provoquer la pitié. Il se présentera sur la terre avec un grand complexe d’infériorité et je devrai m’appliquer d’ailleurs à le lui faire surmonter. Ce ne sera pas facile, car il part de très loin ! Je m’attends même à ce que cette tâche soit plutôt ardue. Mais nous y parviendrons à coup sûr ; ça, c’est écrit dans le ciel !
« Quant à moi, je serai totalement à l’inverse de lui : je serai un insoumis heureux, un être qui croit en sa force divine. Dans ma vie, seule la loi de l’amour fera foi de tout. Aucune autre législature humaine, aucun dogme, préjugé ou édit moral n’aura d’emprise sur moi. Donc, inutile d’essayer de me faire entrer docilement dans le rang, marmonna Philippe sur un ton rieur, je ferai toujours à ma tête de toute façon ; ce qui vous causera, à toi, à maman ainsi qu’à tout notre entourage, bien du souci. Je vous promets donc de l’action. Cependant, cher papa, sois bien conscient que tout cela peut changer en cours de route. Chaque décision prise par l’humain, à quelque moment que ce soit dans son existence, peut faire basculer son destin et l’entraîner vers d’autres chemins que ceux qui avaient été prévus originellement pour lui.
« Quant à toi et à maman, votre rôle vis-à-vis de nous en sera un de soutien, de tolérance et de respect. Nous apprendrons beaucoup plus de ce que vous serez que de ce que vous pourrez nous dire. Soyez sans crainte, l’amour qui vous lie fera tout le travail. Quelles que soient les décisions que vous prendrez à notre égard, elles seront toujours les meilleures, n’en doutez jamais. Tous les parents de la terre devraient comprendre qu’ils sont toujours à la hauteur du rôle qu’ils doivent jouer auprès de leurs enfants. Peu importe les décisions qu’ils prennent, si elles sont mues par l’amour, elles auront invariablement un effet positif sur leurs enfants, à court ou à long terme.
« Il n’y a jamais d’erreurs dans la vie. Seule l’expérience vécue par les personnes concernées compte. Tout peut faire avancer l’être humain, qu’il s’agisse de l’échec le plus cuisant ou du plus retentissant succès. Alors, tiens-toi-le pour dit, papa, tout ce que tu feras pour nous sera la meilleure chose qui puisse nous arriver. »
Ces dernières paroles laissèrent Yancy quelque peu songeur. Il se rappelait encore avec précision son récent passage dans la chambre du pardon alors qu’il y avait fait le bilan de sa précédente vie. Tout était encore si frais dans sa mémoire. Il venait de terminer une existence où il s’appelait Patrice. Toute sa vie durant, il avait été un homme aigri, égoïste et superficiel qui n’avait semé que la pagaille autour de lui. Il avait fini par s’attirer un fatal accident d’automobile. C’était son autopunition pour avoir été si méchant envers son entourage. Il avait même causé la mort de son meilleur ami, Éric, qui était maintenant devenu le petit Philippe…
Au terme de sa courte, quoique enrichissante expérience dans l’après-vie, il en était arrivé à conclure qu’il avait, malgré tout, fait ce qu’il avait à faire, même et surtout dans sa dernière vie qu’il avait eu tendance à considérer comme un échec monumental du début jusqu’à la fin. On lui avait simplement fait comprendre qu’il avait été merveilleux dans le rôle détestable qu’il avait accepté de jouer durant cette incarnation, voilà tout !
À l’aube de cette nouvelle naissance, Yancy se sentait prêt à continuer son cheminement sur la route de l’évolution. Il s’était enrichi des connaissances acquises dans cette fameuse chambre du pardon, en compagnie de l’âme extraordinaire qui allait devenir son frère jumeau pendant des années à venir. Grâce à ce dernier, Yancy avait appris à se pardonner ses frasques passées, en reconnaissant simplement son rôle d’acteur dans la grande pièce de théâtre qu’est la vie.
Ironiquement, la femme qui l’avait tant fait souffrir jadis en le quittant pour un autre homme se préparait aujourd’hui à devenir sa mère. Et, comble de malheur — ou de bonheur, pensa-t-il en souriant —, cet homme qui avait été son rival et qu’il avait tant haï pour lui avoir ravi sa femme, allait maintenant devenir son… père ! « Quelle ironie du sort ! Quel scénario burlesque ! songea-t-il. » Comme on lui disait dans le temps : « Les voies de Dieu sont vraiment impénétrables… et bien peu prévisibles… ».
Mais tout cela faisait désormais partie du passé, et Yancy savait très bien qu’il était inutile de regarder en arrière. La nouvelle existence qui s’amorçait avait besoin de lui dans l’instant présent, et il se sentait tout à fait prêt à y faire face, sachant que tout serait pour le mieux. Cela, il l’avait très bien compris. Restait maintenant à l’expérimenter.
Philippe avait perçu le retour en arrière qu’effectuait son frère jumeau. Pour éviter que ne se rompe le fil de ce moment magique et intense, il s’était tu, le temps que tout s’apaise. Jean-Pierre fit de même, prenant lui aussi conscience — sans trop savoir pourquoi — de l’importance de ce qui se passait chez la petite âme demeurée en retrait.
Les trois hommes — si on peut les appeler ainsi — continuèrent de plus belle à discuter de choses et d’autres, de leur passé et de leur avenir, lorsqu’un étrange évènement se produisit soudain. Un appel lointain se fit entendre, une sorte de plainte qu’ils ne pouvaient ignorer, et dont ils ne pouvaient encore moins se détacher. Se redressant d’un bond, Philippe lança un coup d’œil à ses deux compères en s’écriant : « Suivez-moi, on nous appelle ! »

CHAPITRE QUATRE
Non, maman !

Grâce à la totale liberté de mouvement que leur apportait leur corps de lumière, les trois âmes, unies par une nouvelle complicité, furent littéralement aspirées en un rien de temps vers la voix qui semblait les appeler. Arrivées à destination, elles se retrouvèrent dans une minuscule chambre aux murs ternes et sans vie. Une jeune fille, qui n’avait sûrement pas plus de vingt ans, gisait nonchalamment sur un misérable lit de fortune. Son âme flottait au-dessus de son corps physique, tandis qu’une petite ombre rose semblait pleurer à ses côtés.
Les trois compères comprirent que les cris plaintifs qui les avaient attirés à cet endroit venaient de cette petite ombre. Celle-ci tentait désespérément d’entrer en contact avec l’âme de sa future mère, ce qui se produisit sur-le-champ. Tout en se frôlant amoureusement sur elle, elle lui tint ces propos en y mettant toute sa tendresse :
« Non, maman, ne te sens surtout pas coupable de vouloir me rejeter. Tu sais, je comprends exactement ce que tu ressens, en cet instant. La décision de garder en toi ce minuscule corps en formation t’appartient, à toi et à toi toute seule. Et si cela peut te consoler, sache que bien avant que tu rencontres cet homme qui allait devenir mon père, mais qui n’a pas eu le courage d’assumer sa paternité, je savais parfaitement que tu aurais un jour à prendre une terrible décision : me garder en ton sein ou me retourner dans le monde de l’âme d’où je suis issu.
« Je te le répète, chère maman, je savais toutes ces choses bien avant qu’elles ne se produisent. C’est pourquoi je te demande maintenant, sans craindre de subir quelque représaille que ce soit, de choisir la solution qui te remplit le plus d’amour, même si cela signifie que tu doives te faire avorter de moi.
« Si cela devait être, ne te laisse pas détruire par d’inutiles remords. Je suis bien consciente que tu n’accomplirais pas ce geste de gaieté de cœur. Ce serait pour mon bien, considérant que je ne serais pas heureuse dans les conditions de vie que tu aurais à m’offrir. Sache pourtant que je saurais m’accommoder de peu ! Juste un peu d’amour me suffirait, même si tout le reste était absent. »
La mère écoutait, stoïque, tentant désespérément de trancher la question une fois pour toutes ; mais tout lui semblait si difficile. Un homme était passé dans sa vie, lui laissant ce cadeau empoisonné dans son ventre. Lorsqu’il avait appris la nouvelle, il s’était enfui, et elle ne l’avait plus revu depuis. Maintenant, la petite maman en puissance avait à prendre la décision la plus difficile de sa vie. Cette décision lui appartenait à elle seule. C’était un fardeau dont elle se serait pourtant très bien passé.
Épuisée d’avoir tourné et retourné dans sa tête, des heures et des heures durant, toutes les solutions qui s’offraient à elle, elle s’était affalée sur son lit. Elle était loin de se douter que c’est en dormant qu’elle remettrait en place toutes les pièces du puzzle…
Fébrile, la petite âme rose se tenait toujours à ses côtés. Le seul fait de voir sa maman malheureuse la rendait toute triste. Elle avait toutefois profité du moment d’abandon où la fatigue avait plongé sa mère pour lui parler, de cœur à cœur, sans que l’émotion vienne brouiller la communication entre elles. Lorsque le mental est au repos, l’âme s’ouvre toute grande !
« Maman, continua la petite entité rose sans s’occuper outre mesure des visiteurs dont elle avait quand même remarqué la présence, j’ai un grand désir de vivre ; mais il faut pour cela que tu le veuilles aussi. Je tiens mordicus à ce que ta décision ne soit mue que par ton amour pour moi, non pas par des préjugés, des croyances religieuses ou sociales, des questions d’ordre moral ou un sentiment de culpabilité. Tu sais, rien n’est le fruit du hasard.
« Écoute-moi bien maintenant, car ce que je vais te dire revêt une importance primordiale. C’est la clef qui te permettra de comprendre et de dédramatiser la situation actuelle. J’ai déjà été ta mère dans une autre vie. Comme toi, j’ai eu à décider si je devais ou non me faire avorter de toi. À cette époque, je n’avais pas vraiment le choix. J’étais membre d’une communauté religieuse et je n’avais pas su résister à l’amour physique auquel on obligeait mon jeune corps à renoncer.
« Je t’ai alors conçue, chère maman, avec un amant de passage, exactement comme tu l’as fait toi-même. Puis, on t’a arrachée à moi, en agissant dans le plus grand secret. Et durant plus de cinquante longues années, je suis restée là à pleurer sur mon sort, à te demander pardon, à me sentir sale et honteuse, à nourrir cette culpabilité qui a fini par dégénérer en maladie.
« Si tu savais comme je t’aimais ! Même si tu n’étais pas là, je continuais à te parler chaque soir avant de m’endormir, je versais sur mon oreiller toutes les larmes de mon corps, un corps qui s’amaigrissait de jour en jour.
« Sache qu’à cette époque, c’est quand même par amour que je t’ai refusé la vie, car je voyais notre avenir comme un inimaginable enfer si tu avais vu le jour. Jamais, au grand jamais, je ne t’ai haïe, petite maman. Ma façon de t’aimer était de t’éviter cette existence infernale qui aurait été la tienne, même au prix de ta mort.
« Ah ! Si j’avais eu la connaissance que j’ai maintenant, j’aurais pu t’expliquer les raisons de mon geste avant de te déposséder du peu de vie que tu tentais de faire grandir en moi. On ne m’en a pas laissé le temps ; il fallait faire vite pour éviter le scandale.
« Si j’avais pu t’expliquer tout cela, je ne serais pas morte de remords cinquante-deux ans plus tard. Mais, dans sa grande bonté, Dieu m’a permis de venir boucler la boucle aujourd’hui avec toi. Il me fallait expérimenter ce que c’était que de se sentir rejetée par sa future mère et, crois-moi, l’expérience est très douloureuse.
« Même si tu prétends que tu ne m’aimes pas et que tu ne m’as jamais désirée, je sais pertinemment que ce n’est pas de moi que tu parles, mais de la situation que ma présence en toi provoque. Ce que je peux te dire face à cela, c’est que le geste que tu feras n’a aucune importance à mes yeux, seule la façon dont il sera exécuté en a. Personne ne peut détruire la vie, sois-en assurée. C’est pourquoi, maman chérie, je te demande de te recueillir dans ton cœur et de choisir ce que tu crois être le mieux pour nous deux. Ensuite, continue à avancer sans regarder en arrière…
« Si tu décides de me renvoyer dans le monde de l’âme, je ne te demande qu’une seule chose : agis avec amour et respect. J’ai déjà compris ma leçon et je reviendrai peut-être plus tard vers toi, lorsque les circonstances seront plus propices. Si, par contre, tu choisis de me garder, sache que ce sera pour moi une explosion de joie ! Tu me donneras alors la plus belle leçon d’amour qu’un être humain puisse recevoir. Dès lors, quelles que soient les conditions de vie qui seront les miennes, et même si tu devais m’abandonner à la naissance, mon âme serait quand même comblée à jamais. Maman, je t’aime et, je te le répète, peu importe quelle sera ta décision, ces quelques semaines passées à ton contact m’auront permis de trouver tout ce dont j’avais besoin.
« Bien sûr, si j’avais à décider moi-même, j’opterais sans hésitation pour la vie, car l’amour d’une mère est un cadeau très précieux. De plus, nos liens karmiques étant enfin dénoués, nous pourrions nous aimer avec un tel détachement ! Mais si je dois te quitter, ce ne sera que partie remise, je te le promets.
« Si tu m’aimes vraiment, conclut la petite âme rose devant les visiteurs attendris qui n’avaient pas osé bouger d’un centimètre depuis leur arrivée, de peur de briser le charme, ne te sens jamais coupable. Tu me ferais alors beaucoup de peine. Tes remords seraient tout simplement un fardeau supplémentaire pour moi. Souviens-toi que je suis morte de culpabilité il y a très longtemps et que je ne souhaiterais pour rien au monde que tu suives ma trace. La culpabilité est un mot vide de sens quand on croit en la perfection de toute chose dans cet univers créé par un Dieu d’amour.
« Dors encore un peu et, au réveil, tout sera clair dans ton cœur comme dans ta tête. Prends alors TA décision et ne permets à aucun jugement de t’atteindre. Dans ce genre de situation, les juges ont tendance à surgir de partout. Pense alors à moi qui ne te juge pas et ne te jugerai jamais. Sois maître de ta vie et ne te soumets à rien d’autre qu’à l’amour du Dieu qui t’a créée. Puisqu’il est amour, comment pourrait-il vouloir que l’un de ses enfants croupisse dans la culpabilité et la souffrance pour le reste de ses jours ? À bientôt, petite maman, ou à plus tard ! Je t’aime. »
S’appuyant alors sur le ventre de celle qui portait en elle son minuscule fœtus, l’ombre rosée s’y assoupit. Pleinement conscients du cadeau inestimable qu’ils venaient de recevoir, Yancy, Philippe et Jean-Pierre remercièrent ce moment d’intimité qui s’était installé dans la chambrette et comprirent qu’il était temps de revenir « à la maison ». En un instant, ils se retrouvèrent tous dans la chambre où dormait Jean-Pierre. Celui-ci commençait d’ailleurs à reprendre vie et ses membres se mirent à bouger. Le sommeil tirait à sa fin, le corps appelait l’âme ; les deux fusionnèrent lentement et Jean-Pierre se réveilla. Yancy et Philippe reprirent leur place auprès de leur mère. Marie s’était levée quelques heures plus tôt pour se plonger dans la lecture d’un livre, car elle n’arrivait plus à fermer l’œil.
« Marie, s’écria Jean-Pierre d’une voix éraillée, j’ai vu les enfants ! »
Mais qu’est-ce qu’il venait de dire là ? Ces paroles étaient sorties de sa bouche sans qu’il le veuille. Il était lui-même le plus surpris de sa bizarre déclaration.
« Quels enfants ? » demanda Marie qui se trouvait dans la pièce voisine.
« Viens vite ici, lui lança son époux un peu inquiet. Il faut que je te raconte ce qui vient de m’arriver, pendant que c’est encore frais dans ma mémoire. Tu sais, moi qui ne rêve jamais… eh bien ! cette fois, j’ai été servi. Imagine-toi qu’aussitôt endormi, hier soir, je me suis senti soudain tout léger, à un tel point que je me suis élevé dans les airs et… »
Les yeux brillants de bonheur, Jean-Pierre relata en détail l’expérience qu’il avait vécue au cours de sa randonnée nocturne, insistant sur sa rencontre avec les deux petites âmes qui se disaient être ses futurs fils. Lorsqu’il parla de son incursion dans la chambrette sombre, Marie écarquilla les yeux de surprise. Sa meilleure amie vivait exactement la même chose et elle devait prendre incessamment la décision de se faire avorter ou de poursuivre sa grossesse. De plus, la description que faisait Jean-Pierre de la situation était étrangement ressemblante. Était-il possible que ce soit elle et son futur bébé, qui aient reçu la visite de son mari durant la nuit ? L’évidence s’imposait. Elle allait lui téléphoner dans la journée…
Marie écouta avec intérêt la suite du récit. Il était si rare que son mari s’ouvre ainsi à elle. Pour rien au monde, elle n’aurait voulu perdre une seconde de ces moments d’une tendresse extrême. Tombant ensuite dans les bras l’un de l’autre, ils firent l’amour avec frénésie, sous les yeux ébahis et rieurs de deux minuscules lumières bleues qui nageaient dans la même béatitude qu’eux…

CHAPITRE CINQ
La naissance

Les quelques mois qui suivirent cette nuit mémorable se passèrent dans une sérénité tout à fait magique. Conscients de la présence constante des deux petites âmes à leurs côtés, Jean-Pierre et Marie commencèrent à prendre plus au sérieux leur rôle de parents. Aussi veillèrent-ils à ce qu’une perpétuelle harmonie soit maintenue autour d’eux. Les rêves prirent également une place de plus en plus importante dans leur vie.
Jean-Pierre ne refit aucune autre sortie astrale consciente, mais il prenait minutieusement en note, à chacun de ses réveils, ce qu’il avait retenu de sa nuit. Marie en faisait autant. Si bien qu’une nouvelle complicité s’installa entre eux. Ils cherchaient toutes les occasions de se parler de leurs songes, de leurs intuitions et des émotions ressenties face aux deux petits êtres qui allaient bientôt se matérialiser. La rencontre astrale qu’avait faite Jean-Pierre avec ses fils l’avait complètement transformé. Autant il avait été fermé au monde de l’âme avant cette expérience, autant il s’y intéressait maintenant. Tout était prétexte pour recueillir chaque jour un peu plus d’information sur le sujet, et cela comblait Marie qui se sentait désormais appuyée dans sa démarche spirituelle. Ses « deux petits anges bleus », comme elle se plaisait à les appeler, avaient déjà opéré leur premier miracle : ils avaient amené leur père à enlever ses œillères et à s’ouvrir enfin aux « vraies choses », au langage du cœur. Ne serait-ce que pour cette raison, elle leur en serait éternellement reconnaissante.
Les neuf mois de sa grossesse se déroulèrent sans incident. Consciente depuis le début de la vie qui s’était solidement implantée en elle, Marie ne cessait de parler à ses fils et de les réconforter. En agissant ainsi, elle voulait qu’ils se sentent en totale confiance au moment de leur naissance. Celle-ci se fit d’ailleurs en douceur, excepté pour le deuxième rejeton qui aurait peut-être aimé se blottir un peu plus longtemps dans la sécurité de l’utérus maternel… Mais l’heure de la rentrée avait sonné, et la vie ne tolère aucun retardataire… Pas de temps à perdre ! Tout le monde au boulot !
Par un beau matin ensoleillé de mai, le vingt-six, aux alentours de onze heures, Yancy et Philippe naquirent comme prévu. Les années qui suivirent se passèrent sans histoire. L’amour qui régnait dans la maison permit aux deux jumeaux de grandir en force et en sagesse. Jean-Pierre ne jurait que par ses fils et ne cessait de parler du bonheur que ces êtres lui apportaient. Marie, quant à elle, se disait entièrement comblée par « ses hommes ». Elle avait tellement rêvé d’avoir une vraie vie de famille, chose qui lui avait tellement manqué lors de son premier mariage. Son conjoint d’alors, un alcoolique violent prénommé Patrice, s’était en effet progressivement enlisé dans son rôle de victime, de sorte qu’il n’avait jamais réussi à se sortir de ses mille et un malheurs. Tant et si bien qu’elle avait dû le quitter en désespoir de cause quelques mois avant qu’un tragique accident ne l’emporte définitivement, au grand soulagement de tous, il faut bien le dire. Marie n’avait pourtant jamais oublié cet homme. C’était un être maladivement introverti, mais qu’elle avait quand même aimé comme une folle. Malheureusement, la profonde déchéance dans laquelle il avait sombré avait effacé en lui toute trace d’amour, pour lui comme pour les autres.
Quelques semaines après sa mort — elle s’en souvenait comme si c’était hier — elle l’avait revu en rêve. Il se trouvait alors dans une grande chambre aux murs tout blancs. Il baignait dans une indescriptible sérénité. Il lui avait dit quelques mots tendres — elle ne se rappelait plus exactement lesquels, mais ceux-ci l’avaient apaisée. Ce dont elle se souvenait très bien par contre, c’est qu’il disait nager dans un immense bonheur. Elle lui avait alors accordé spontanément son pardon, pour qu’il poursuive plus librement sa route dans l’au-delà, béni et allégé d’avoir été ainsi libéré.
Deux enfants, Benoît et Geneviève, étaient nés de leur union. Après le décès de leur père — ils étaient alors âgés respectivement de neuf et dix ans —, les enfants avaient passé une période très difficile. Elle fut heureusement de courte durée, grâce à un rêve qu’ils avaient fait simultanément et dont leur père était encore une fois le centre. Un beau matin, Benoît et Geneviève étaient accourus dans la cuisine, le sourire aux lèvres et les yeux étincelants.
« Nous avons parlé à papa, nous avons parlé à papa », s’étaient-ils écriés en dansant autour de la table. Ils racontèrent alors dans les moindres détails à leur mère qu’ils avaient tous les deux rencontré leur père en rêve cette nuit-là. Après avoir longuement bavardé avec lui dans la fameuse chambre aux murs blancs et constaté le merveilleux état de calme dans lequel il se trouvait, Benoît et Geneviève s’étaient finalement réveillés. Ils avaient alors décidé, d’un commun accord, de cesser de verser d’inutiles larmes sur leur papa, puisqu’ils étaient maintenant convaincus qu’il avait enfin trouvé la paix. Depuis ce temps, ils ne parlèrent pratiquement plus de lui, sinon en termes élogieux et sereins. Contrairement aux adultes qui se font parfois une spécialité de compliquer les choses, les enfants parviennent à tout simplifier avec une telle facilité !
Par la suite, Benoît et Geneviève demandèrent à aller vivre chez leur oncle Thomas, où ils trouvèrent enfin une famille unie et où ils se firent une nouvelle vie. Ils passèrent une grande partie de leur jeunesse à cet endroit, venant toutefois visiter régulièrement leur mère et son nouvel amoureux avec qui ils s’entendaient d’ailleurs très bien. Cet oncle Thomas qui, en réalité, était plutôt un ami de la famille, avait toujours été disponible dans les moments de crise, en particulier pour Marie qu’il affectionnait particulièrement. Il était ce grand sage qui a réponse à tout et qui ne porte jamais de jugement sur personne. Marié depuis plus de trente-cinq ans à la même femme, Mathilde, il resplendissait de bonheur. Et leur amour n’avait jamais cessé de grandir.
C’est d’ailleurs vers lui que Marie s’était tournée instinctivement lorsqu’elle avait dû se séparer de Patrice, désespérée de ne pouvoir rallumer la flamme entre eux. Son amour pour son mari n’avait cessé de se détériorer depuis les dernières années. Le manque d’ouverture d’esprit de cet homme et sa propension à s’apitoyer sur son sort avaient fait de lui un être aigri, centré sur lui-même. Il n’avait aucune considération pour son entourage, encore moins pour sa femme. Celle-ci avait même dû entreprendre une démarche spirituelle pour ne pas sombrer elle aussi et pour essayer d’améliorer son sort.
Plus les jours passaient, plus leurs routes s’éloignaient. Même le désir pour cet homme qu’elle avait pourtant aimé s’éteignait progressivement. Sous prétexte de faire subsister leur amour, Patrice lui avait lancé un jour l’ultimatum de redevenir comme avant, sinon il allait la quitter. Mais Marie se sentait incapable de le faire. Quand on a connu la libération que procure un véritable cheminement spirituel, il est impossible d’envisager ne serait-ce qu’un instant un éventuel retour en arrière. On n’attache pas un oiseau qui vient de découvrir qu’il a des ailes…
Voyant s’élargir le fossé entre eux, Marie fut envahie par un sentiment de panique. Elle commença à être perturbée, se sentant diminuée et, pour couronner le tout, lamentablement coupable de s’être laissée ainsi détruire. Faire l’amour était même devenu un fardeau pour elle, le plaisir sexuel étant pratiquement inexistant. Empêtrée dans cette situation apparemment sans issue, elle s’était rendue, en désespoir de cause, chez ce cher Thomas et sa divine Mathilde, qui l’avaient accueillie à bras ouverts.
De ce couple sans histoire qui respirait l’amour avec un grand A émanait la fraîche complicité et la joie toute simple d’être bien ensemble, leurs yeux brillaient l’un pour l’autre comme au premier jour. Et c’est avec la sagesse qui se dégageait d’eux qu’ils purent voir l’état lamentable dans lequel se trouvait leur petite Marie qui venait ainsi frapper désespérément à leur porte. L’émotion des premières étreintes passée, Marie expliqua la situation de long en large à ses amis. Elle alla même jusqu’à leur confier sa panne de désir sexuel qui ne cessait de s’aggraver. Allait-elle retrouver un jour le goût de faire l’amour, ou était-ce une chose sur laquelle elle devait mettre définitivement une croix ?
Sur ce point, Marie prenait toute la responsabilité sur ses frêles épaules, considérant que cette situation ne dépendait que d’elle. Thomas et Mathilde vinrent alors mettre leur grain de sel, ce qui allait redonner espoir à la pauvre petite fleur fanée qui se trouvait devant eux. Elle n’avait besoin que d’un puissant rayon de soleil pour que sa tête se redresse et qu’elle continue à grandir.
« Faire l’amour, lui dit Mathilde, encouragée par le regard complice et moqueur de son homme, ça ne se fait pas que le soir ! » Marie fronça les sourcils d’étonnement ! « Faire l’amour, continua-t-elle tendrement, ça commence le matin, avec le premier regard que l’on se donne, le premier sourire, la première caresse, le premier bonjour. Faire l’amour, tu sais, c’est offrir à l’autre un café ou un jus de fruits, accompagné d’une petite chanson d’amour ou de mots tendres récités avec toute la gaucherie que l’on peut imaginer…
— Tu vas rire, l’interrompit Thomas, les pommettes soudain empourprées comme celles d’un enfant qui se fait surprendre, mais, depuis des années, j’ai pris l’habitude d’apporter chaque matin le café au lit à ma… divine, en lui chantant de ma voix rauque « Bon anniversaire », mais sur un air différent chaque fois. Pour nous, ce moment est magique. C’est le rayon de soleil qui entretient la chaleur de notre couple. »
Marie goûtait ces paroles avec émerveillement. Elle les laissait pénétrer en elle et s’en délectait comme on s’enivre de l’odeur du premier muguet qui vient flatter nos narines à l’aube du printemps.
« Faire l’amour, reprit Mathilde, c’est envoyer à l’autre un clin d’œil dans la glace lorsqu’il fait sa toilette ; c’est aussi l’embrasser sans raison, juste pour le plaisir, sans rien attendre en retour. Faire l’amour, c’est demander à l’autre quelle nuit il a passé et écouter attentivement sa réponse. C’est prendre le temps de se regarder, de se parler, de se toucher avant d’entreprendre une nouvelle journée de travail. Faire l’amour, c’est accompagner l’être cher à la porte au moment où il va partir ; c’est lui donner un baiser et lui souhaiter une bonne journée ; c’est s’installer à la fenêtre et lui faire un signe de la main en arborant son plus beau sourire.
« Faire l’amour, c’est se téléphoner pour un rien, juste pour se dire qu’on s’aime ou pour prendre des nouvelles ; c’est se faire des surprises sans rien attendre en échange. Faire l’amour, c’est prendre l’autre dans ses bras chaque fois que c’est possible, juste pour sentir sa chaleur, pour rétablir le contact et se donner de l’affection.
« Faire l’amour, c’est parfois accorder à l’autre la liberté de vivre pour lui-même, sans l’entraver avec un attachement excessif ; c’est lui faire sentir qu’on l’aime toujours, même si notre corps est éloigné du sien ; c’est être assuré que nos âmes se moquent des distances et qu’elles sont tendrement enlacées en toute situation, peu importe le nombre de kilomètres qui les séparent.
« Faire l’amour, c’est s’accueillir et s’étreindre tendrement au retour à la maison ; c’est s’informer de ce que l’autre a vécu durant sa journée ; c’est également se servir un petit verre de vin et prendre le temps de le déguster ensemble en se racontant toutes sortes de choses ou en se laissant simplement entraîner dans la richesse du silence. Faire l’amour, c’est même écouter la télé, serrés l’un contre l’autre ; c’est rire ou s’émouvoir ensemble ; c’est vivre à deux et nourrir une complicité à toute épreuve. »
Mathilde se tut, pour laisser son homme conclure d’un ton chaleureux : « Mais ne te leurre pas, faire l’amour, c’est aussi faire l’amour. Ce qu’on veut te faire comprendre, cher ange, c’est que cela fait partie d’un tout indissociable… comme un dessert qui vient couronner un repas déjà succulent ! Tant de couples ont perdu, ou n’ont jamais connu, cette notion du véritable amour. Mathilde et moi avons traversé courageusement bien des tempêtes pour parvenir à cet état merveilleux que nous connaissons actuellement. L’amour est quelque chose que l’on construit à deux, et qui reste constamment vivant parce que nourri tous les jours, comprends-tu ? »
Marie n’eut pas à répondre à cette question et se contenta de sourire. Elle accueillit avec gratitude et tendresse ces parcelles de sagesse qui lui étaient ainsi largement distribuées. L’énergie générée par les paroles entendues lui permettait de laisser tomber le lourd fardeau des culpabilités qu’elle avait accumulées depuis trop longtemps sur ses épaules. Elle croyait ne plus être à la hauteur sexuellement et se considérait comme la seule responsable de sa baisse de désir pour son mari.
Un long silence s’installa naturellement dans la pièce après la dernière intervention de Thomas. Marie prit alors conscience que Patrice avait cessé de lui faire l’amour il y avait de cela très longtemps. Il se contentait de combler ses propres désirs sexuels certains soirs, souvent à la suite d’une beuverie, après quoi il s’endormait rapidement, laissant sa conjointe amère et sur sa faim…
Durant leurs dernières années de vie commune, les journées ne se déroulaient vraiment pas comme un festin d’amour ! Dès le réveil, Patrice affichait déjà une mine déconfite. Il prenait son petit déjeuner à la hâte et se dépêchait de partir à son travail le premier contact qui s’établissait entre eux se produisait uniquement à midi, quand il rentrait pour prendre son repas. Il en profitait alors pour proférer ses mille et une critiques sur son entourage et sur tous ceux qui n’étaient pas d’accord avec ses idées. Et il y avait cette éternelle promesse de quitter cet emploi où personne ne le comprenait, et cela, aussitôt que l’occasion allait se présenter. Il passait ensuite ses soirées, tout seul devant la télévision ou caché derrière son journal. Il évitait ainsi de devoir se dévoiler en répondant à des questions aussi inutiles et dérangeantes que : « Est-ce que tu m’aimes encore ? T’es-tu ennuyé de moi aujourd’hui ? Comment te sens-tu face à notre situation de couple ? »
Marie se rendait bien compte que cet être souffrait ; mais il ne voulait vraisemblablement pas s’en sortir, préférant jouer à l’autruche et ignorer le problème. Le mot « émotion » ne faisait d’ailleurs pas partie de son vocabulaire. Son éducation rigide de « mâle-digne-de-ce-nom-qui-n’a-pas-le-droit-de-pleurer » l’en avait occulté il y a très longtemps, et il ne se permettait aucun écart à ce propos — c’eût été une marque de dégradante faiblesse. Il n’avait d’autre choix que de refouler dans son jardin secret ses sentiments et ses pensées les plus intimes. À agir de la sorte, sa carapace de protection s’épaississait de plus en plus. Le soir venu, quand il décidait de faire l’amour, c’était à sa façon, évidemment, et pour sa seule satisfaction. Pendant ce temps, sa partenaire — il la considérait uniquement comme telle — perdait tout désir et, face à son attitude dominatrice et imperturbable, elle se sentait de plus en plus coupable de ne rien ressentir. Quel gâchis !
À l’issue de sa rencontre avec Thomas et Mathilde, Marie prit conscience qu’elle ne voulait plus se contenter de « dessert » pour le reste de ses jours. Elle désirait le repas au complet, et le dessert n’était pas indispensable à la fin d’un festin. Elle comprenait enfin qu’elle était normale. En l’absence d’entrée et de mets principal, elle avait inconsciemment décidé de se priver de dessert, ce qui s’était traduit par une panne de désir.
Elle appuyait sans réserve la théorie de Thomas qui affirmait que l’amour, ça se faisait à deux, et qu’il fallait s’y consacrer du matin au soir. La communication, le respect et la complicité étaient les trois ingrédients indispensables pour entretenir la chaleur au creux du nid de l’amour, même et surtout après de nombreuses années de vie commune.
De retour chez elle, Marie tenta une ultime fois de s’infiltrer dans l’étanche carapace de Patrice. Elle voulait lui expliquer sa nouvelle vision de l’amour, la seule chose qui pouvait raviver la flamme entre eux. Ce fut peine perdue. Il l’entendit… mais ne l’écouta pas pour autant. Il se replia un peu plus sur lui-même, se fermant à toute solution qui l’aurait obligé à révéler sa fragilité et son incapacité à voir les choses en face. Encore une fois, l’alcool lui servit de refuge. C’est alors que Jean-Pierre est entra dans le décor. Lassée d’attendre le miracle qui aurait pu changer son époux, Marie avait imploré Dieu de l’aider à se sortir de cette situation insoutenable.
Jean-Pierre, un ami d’enfance, fut la bouée de sauvetage lancée dans l’océan où elle se noyait peu à peu. Il devint vite le confident de celle qu’il avait toujours aimée en silence. En peu de temps, l’étincelle devint flamme, et celle-ci, à son tour, se transforma en un brasier ardent. Une fois assouvie, la passion des premières rencontres, un sentiment d’amour véritable s’installa, ce qui se traduisit par un constant plaisir à être ensemble. Jean-Pierre la comblait en lui donnant à profusion tout ce qu’elle avait espéré recevoir de Patrice. Elle quitta alors celui-ci sans remords, satisfaite d’avoir tout tenté avant de partir.
Aussitôt qu’elle eut mis un pied hors de l’enfer, elle entra dans le paradis qui s’ouvrait à elle. Sa prière avait été exaucée. Comme Thomas et Mathilde l’avaient suggéré aux nouveaux amants, ceux-ci s’appliquèrent à se faire l’amour du matin au soir. Il se dégageait d’eux une aura d’une telle brillance qu’elle attira en un rien de temps les deux merveilleuses petites âmes qui devinrent leurs jumeaux adorés. C’est dans cette atmosphère sereine que leurs fils firent leurs premiers pas dans leur nouvelle vie… Marie ne se doutait pas alors que l’un d’entre eux était… Patrice.

 

Les sept portes du bonheur

Qu’est-ce que le bonheur au juste ?

Vous êtes-vous déjà demandé ce que représentait le bonheur pour vous ?
Pourquoi certaines personnes semblent y avoir accès < peut-être vous ? < si
peu de temps dans leur vie ? Lorsque je me suis posé la question, j¹ai
réalisé que le bonheur est un état auquel chaque humain aspire, mais qu¹il
ne peut jamais atteindre totalement. Que chacun naît avec le bonheur, bien
niché au plus profond de lui, mais qu¹il réussit très rarement à l¹admettre.
C¹est vrai, on vient au monde avec le bonheur. C¹est un fait indéniable. Il
ne s¹agit que de regarder un nouveau-né et l¹étincelle qui se dégage de ses
yeux. Dès les premiers instants, il semble si heureux d¹être simplement en
vie. Mais pourquoi alors l¹oublie-t-on si vite ? Pourquoi dès la sortie de
l¹enfance se met-on à rechercher à l¹extérieur quelque chose qu¹on possède
déjà en soi ? Voilà la grande question !

Un être « heureux » ne se pose jamais
la question à savoir s¹il est heureux.

Pour lui, le bonheur est un état de bien-être continuel, peu importe les
joies ou les peines qui parsèment sa route. Parce qu¹il croit fermement que
tout a sa raison d¹être, il accueille un à un les événements qui se
présentent à sa porte, qu¹ils soient heureux ou malheureux. Il vit quand
même des émotions, même qu¹il les vit pleinement. Pour cette raison, il ne
perd pas pied facilement. Ainsi, il peut passer rapidement à autre chose,
sans perdre de temps à analyser à outrance… à se poser mille et une
questions qui ne feraient que l¹enliser davantage dans son mental-menteurS

La quête du bonheur est un but inaccessible, pourrait-on dire, mais un but
qui nous motive à avancer et à faire des pas en sa direction chaque jour.
Sans ce but, tout devient grisaille. Le soleil se voit constamment entouré
de nuages. On cesse de chercher, on cesse de se battre et on s¹endort dans
ce que je m¹amuse parfois à appeler la « victimite ». Mais je reparlerai de
cela plus tard. Ne brûlons pas d¹étapes.

Le bonheur, c¹est un simple état de sérénité dans lequel on peut se
permettre de vivre pleinement le moment présent et cela, comme je l¹ai dit
précédemment, peu importe la joie ou la peine qui le meuble. En effet, quand
on est bien dans sa peau, on émane du bonheur autant dans les situations
agréables que désagréables. L¹être qui est imprégné de sagesse a appris, par
son expérience, que le bonheur est une façon d¹être qui dissout d¹elle-même
les souvenirs malheureux. Lorsqu¹on baigne dans le bonheur et dans la joie,
le passé est automatiquement transcendé. Il n¹a plus d¹emprise sur nous.
J¹ai lu quelque part cette phrase pleine de sens : « Le bonheur brûle le
passé ». En effet, la meilleure thérapie pour guérir une blessure intérieure
n¹est-elle pas de mordre à pleines dents dans la vie, se mettre à jouer
comme des enfants, s¹amuser dans notre existence plutôt que de raconter
inlassablement les mêmes histoires, le récit de ses mésaventures et de ses
malheurs à quelqu¹un qu¹on paie en plus pour ça, en grattant ainsi
inexorablement les mêmes bobos ? Combien de fois ai-je constaté que quelques
moments de joie vécus intensément, équivalent amplement à de multiples
heures passées à suivre des thérapies de toutes sortes ? Mais attention, je
ne dénigre pas ces dernières. Bien au contraire, elles peuvent être fort
utiles. Il ne faut pas négliger l¹aide de certaines thérapies qui peuvent
s¹avérer essentielles pour traverser les barrières du mental et atteindre en
bout de ligne le point névralgique : le c¦ur. Un retour dans le passé peut
être d¹un grand secours. Mais, à l¹excès, il peut aussi devenir néfaste si
personne ne nous montre la porte de sortie, et nous pousse à la franchir au
plus vite. Par contre, la joie, vécue intensément dans le moment présent, ne
passe pas par quatre chemins. Elle a la particularité de nous mener
directement au but visé. Si nous sommes bien ancrés dans l¹instant présent,
le passé se dissipera tout seul et, le croiriez-vous ? sans souffrance. Ses
effets négatifs s¹évaporeront comme de l¹eau sous l¹effet du soleil, le
soleil étant en l’occurrence iciS le bonheur. Lorsque seule la vie nous
intéresse, ici et maintenant, on n¹a plus jamais à déterrer les morts…

Avez-vous déjà pensé que lorsqu¹on est malheureux
ou qu¹on pleure, c¹est qu¹on est ailleurs que dans le présent ?

Quand on est le moindrement heureux, aucun événement extérieur ne peut nous
affecter outre mesure. Le bonheur se retrouve dans l¹instant présent. Les
humeurs maussades de notre entourage ne nous affectent plus, pas plus que le
mauvais temps. Dans le moment présent, tout est « bin correct de même »,
comme on se plaît à le dire au Québec. On constate que tout événement est
parfait en lui-même, à l¹instant où il se produit, et cela, même si notre
mental éprouve de la résistance à l¹admettre.

Quelques instants de bonheur par jour peuvent suffire
à raviver la flamme qui s¹est peu à peu éteinte
sous l¹action de nos pensées négatives et défaitistes.

Le feu créé par la joie que l¹on se donne se chargera de brûler le passé
inutile et rempli de toute la souffrance que l¹on traîne derrière soi. N¹en
avez-vous pas assez de souffrir à cause des innombrables fantômes que vous
avez créés à force de vous obstiner à vivre ailleurs que dans le moment
présent ? Oui ? Alors, cessez de le faire. Il n¹y a pas une minute à perdre,
agissez immédiatement. Vous n¹avez qu¹à le décider, pas demain ni la semaine
prochaine, mais aujourd¹hui, pour que le processus s¹enclenche tout seul.
Tout ça parce que vous l¹aurez ordonné.

Après avoir franchi ce pas, certains d¹entre vous pourront entendre leur
Esprit, leur voix intérieure, leur crier : « Ah ! mon vieux. Il était
temps ! Je n¹attendais que ça, que tu me fasses un signe, que tu me donnes
carte blanche pour mettre sur ta route les gens et les événements qui
t¹apporteront la joie que tu souhaites. Ouvre très grand les bras et accepte
enfin ce que la vie essaie désespérément de t¹offrir depuis longtemps. »

Ainsi se bâtit le bonheur, de petits plaisirs en
grandes joies, en admettant au fil des jours
qu¹on a tous et chacun un droit absolu au bonheur.

C¹est juste la victime qui sommeille en nous qui fait monter bien souvent à
notre conscience le doute et la peur : peur d¹être trop heureux, ou d¹avoir
à payer pour nos instants de joie.

Tout au long des pages de ce livre, je vais vous dévoiler les sept portes du
bonheur. Elles sont mes propres portes, car tout ce que je vous dirai est
tiré de mon expérience personnelle, pas de livres, de religions ou d¹aucune
philosophie particulière. De MA vie. Un jour que je m¹amusais < tout est un
jeu pour moi < à faire un retour sur mon passé, j¹ai réalisé que lorsque
j¹étais malheureux, c¹était parce que je fermais, volontairement ou non,
certaines de ces portes. En fait, ce n¹était pas moi qui le faisais, mais
mes peurs. Je vais donc vous les partager, pour qu¹elles vous servent de
pistes de réflexion. Vous réaliserez probablement après coup que ce sont
peut-être des choses que vous saviez, mais qu¹il vous reste toutefois à
assimiler et à expérimenter.

 

Les yeux du coeur
Un livre accompagné de 10 nouvelles chansons

PRÉFACE

L’air du temps est à l’amour, ni fleur bleue, ni passion, ni quête infinie… l’Amour… celui qui se respire, qui monte du plus profond de notre être, de chaque partie de notre corps, l’amour en pleine conscience qui se vit en dehors de nos propres limites.

L’unique point commun de tous les êtres humains est sans aucun doute le besoin d’amour, autant d’être aimé que d’aimer. Notre objectif commun est de développer cet amour, en commençant par nous même car c’est le seul chemin possible. L’amour est là, de vie en vie, de jour en jour, d’instant en instant, et toutes les valeurs que l’on dit « humaines » ne servent qu’à développer notre amour en tout.

L’amour est l’énergie la plus abondante et la plus puissante qui soit, il permet tout.

Alors, pourquoi en manquons-nous ? Pourquoi tant d’hommes et de femmes meurent-ils de solitude ? Pourquoi le monde se détruit-il ? Pourquoi nous faut-il le plus souvent perdre les gens pour réaliser ce qu’ils étaient pour nous ? Pourquoi passons-nous notre temps à nous cacher sous des masques divers, à nous protéger ?

Cet amour est en nous, nous naissons avec une capacité intacte d’amour vrai et jamais cette ressource ne disparaît. Mais nous transformons notre sensibilité, nous construisons des remparts, nous nourrissons notre ego qui propose de nous couper de cette source de vie pour des privilèges bien réels mais aussi, tellement ponctuels.

Appliquons-nous à savoir qui nous sommes avec courage, tendresse et détermination, et reconnaissons-nous avec une lucide tolérance, sans faux-fuyant, sans fausse compassion, sans tristesse ni culpabilité, visitons-nous avec autant de légèreté et d’humour que nous pouvons. Soyons fermes, sans nous prendre au sérieux, soyons clair vis-à-vis de nous-mêmes et nous pourrons l’être vis-à-vis des autres.

Ce que nous sommes nous appartient et nous devenons ce que nous décidons de devenir. Ce monde nous appartient et il devient ce que nous décidons d’en faire… Apprenons donc à aimer sans condition, à reconnaître sans jugement, à apprécier sans envie. Regardons, écoutons, sentons, chaque jour un peu plus avec le cœur car il nous unifie, alors que le mental nous divise. Soyons attentifs à l’être, celui que nous sommes, celui que sont les autres et nous nous rapprocherons de l’Être unique que nous formons avec l’humanité entière et tout ce qui fait notre univers.

La vie est une danse dont nous faisons tous partie, c’est pourquoi, autant vous prévenir tout de suite, vous qui vous apprêtez à entrer dans l’univers des « yeux du cœur » : CECI N’EST PAS UN LIVRE !

J’en entends certains murmurer : « Ben voyons ! Une affirmation surréaliste ? ». Oui, sans aucun doute, si on l’entend dans le sens « au-dessus » de la réalité, notre réalité quotidienne et habituelle. Ceci est une ode à la Vie, avec un grand « V ». C’est, en fait, un des plus jolis tableaux musicaux qu’il m’ait été donné de vivre ! Et je ne dis pas « vivre » à la légère, car il s’écoute et se regarde avec le cœur. Et dès que l’on s’ouvre aux sens du cœur, on comprend ce que veut dire « vivre ».

Ouvrez vos oreilles à l’écoute du cœur, ouvrez vos yeux au regard du cœur et plongez dans cet univers essentiel qui vous est offert aujourd’hui.

Vous n’avez qu’une seule chose à faire, vous installer confortablement, les sens en éveil, et vous laisser porter par la valse des notes et des mots d’André Harvey en laissant votre mental en vacances, il en a probablement grand besoin ! Vous vous apercevrez vite que tout votre être se mettra à se mouvoir dans un rythme tout à la fois doux et joyeux pour effectuer une danse dont vous ne vous seriez jamais cru capable auparavant.

André Harvey, troubadour de cœur, se transforme, dans ce nouveau CD en magicien de l’âme. Si vous savez vous abandonner à ce cadeau, il saura vous toucher par ses « chansons de vie », tantôt intimistes, tantôt enjouées, mais toujours vraies ! Il vous parlera de vous avec tout son amour pour l’être humain, car ses partages nous concernent tous.

Alors, profitez de ce cadeau sans limite et sans retenue… avec les yeux de votre cœur !
Anne-Lise Hupperts

LES YEUX DU CŒUR

La passion de vivre était le fil conducteur de mon précédent ouvrage « Renaître par la passion de vivre » dans lequel, pour la première fois, je mariais mes talents de musiciens et d’écrivains dans une seule œuvre. Je disais alors combien la passion de vivre était un excellent moyen de nous empêcher de nous endormir dans une sécurité avilissante et des croyances inculquées, pour la plupart, par les autres. Avec les années, j’ai heureusement constaté que lorsqu’on se met à vivre notre vie avec enthousiasme, à la jouer au lieu de la subir, ce n’est plus notre tête qui est à la tour de contrôle, mais plutôt notre cœur qui devient le grand régisseur de toutes nos actions.

Avec ce nouveau livre/CD, que vous tenez actuellement entre les mains, je vous propose de faire un grand pas en avant, vers une vie plus libre et allégée des souffrances auxquelles nous avons souvent tendance à nous accrocher tout au long de notre passage sur terre. J’ai longtemps cherché un titre pour ce nouvel ouvrage. Et puis, un jour, il s’est imposé de lui-même : « Les yeux du cœur ». A travers les paroles de mes nouvelles chansons, je vous lèguerai des bribes de mon propre cheminement, comme j’ai coutume de le faire depuis quelques années, afin de vous donner l’envie d’accéder à ces « yeux du cœur » qui sont en fait la clé principale nous donnant accès à notre être.

Voir la vie avec les yeux du cœur, c’est s’abandonner à la totalité de ce que nous sommes, sans se casser la tête à se poser trop de questions. Un malheur survient ? On le vit totalement en réagissant selon l’impulsion du moment, sans pudeur. En cessant de s’y opposer, ses effets s’effriteront plus rapidement. Eckart Tolle, ce grand humaniste et écrivain, citait ceci dans son livre intitulé Le pouvoir du moment présent : « Toute souffrance existe du fait qu’on résiste à ce qui est ». Je peux dire aujourd’hui que cette phrase a changé ma vie, du moins la conception que j’ai de tout ce qui la compose !

Si, par exemple, on cesse de se battre psychiquement contre les effets négatifs d’une maladie, en les accueillant plutôt comme des réactions normales et temporaires de notre corps et en s’ouvrant en toute confiance à la guérison et aux moyens dont nous disposons pour la contrecarrer (médicaments, thérapies, etc.), elle disparaîtra beaucoup plus rapidement et facilement que si on s’accroche aux souffrances qu’elle engendre.

Il en est de même pour le bonheur. Lorsqu’il apparaît sur notre route, il faut s’appliquer à en savourer pleinement les bienfaits, à en prendre les moindres parcelles, en évitant surtout de se dire qu’on devra payer plus tard pour l’avoir accueilli… Le bonheur n’a pas de prix… les joies non plus ! Pourquoi devrait-on payer pour quelque chose qui nous est dû par droit divin, diront certains ? Le bonheur est à la portée de tous. Encore faut-il y croire et le laisser entrer quand il frappe à notre porte, sinon il passera chez le voisin, puis chez l’autre, et frappera ainsi de maison en maison jusqu’à trouver preneur. Ce n’est que notre foutu mental qui, durant nos moments de doutes et de fatigue nous prend d’assaut et tente de nous faire croire que le bonheur est éphémère.

Parlons-en donc de ce mental. Qui est-il finalement ? Un ami ou un ennemi ? Et que vient-il faire dans notre vie ? Sert-il à quelque chose ou est-il simplement un rabat-joie, créé uniquement pour nous compliquer l’existence ? Ne vous en déplaise, le mental est essentiel à notre survie, car c’est lui qui régit, avec brio d’ailleurs, nos corps émotionnel et physique. Le corps physique est évidemment celui que nous connaissons le plus. Il vit et ressent dans sa chair tous les effets de chacune de nos pensées et de nos émotions. C’est lui qui pleure quand on a de la peine, qui est malade quand on se retrouve en déséquilibre, qui tombe épuisé suite à une fatigue excessive. Au bout du compte, c’est le corps physique qui subit tout. On pourrait même aller jusqu’à dire qu’il est le souffre-douleur de tout le reste notre être. Mais alors, sommes-nous en droit de nous demander, quelle est donc la source de toutes ces souffrances qui se matérialisent en lui ? Eh bien, les coupables, ce sont les émotions ! Lorsqu’elles se forment, pour une raison ou pour une autre, elles feront réagir le corps physique pour qu’elles puissent s’exprimer au lieu de… s’imprimer ! Par exemple, une émotion de peine se matérialisera dans le physique par des larmes, la colère par un mal de ventre, la peur du futur par des brûlures d’estomac, etc. Il existe sur le marché de nombreux ouvrages traitant du décodage des malaises et maladies, ils sont en général de très bons guides en la matière.

Le corps émotionnel est donc ce qui fait réagir le physique. En effet, sans l’émotion, ce dernier ne serait qu’un zombie inerte, n’obéissant qu’à ses pulsions primaires de survie. Il est donc ce qui permet au physique de s’exprimer, autant dans la joie de que dans la souffrance, entendons-nous bien. Mais l’émotion est-elle roi et maître de l’être humain ou a-t-elle aussi un patron ? Qu’est-ce qui la crée ? Quelle en est la cause ? Vous l’avez sûrement deviné : son grand patron, c’est le mental, ce sacré mental-menteur qui passe son temps à projeter en nous des films d’horreur (booooh) et à inventer toutes sortes de stratagèmes pour tenter de nous faire peur : peur du futur, de l’inconnu, peur de prendre l’avion, peur des araignées, peur de mourir, peur de ne pas être à la hauteur, etc. et en désespoir de cause, la peur… d’avoir peur !

Lorsqu’une pensée se crée dans notre cerveau, une émotion l’accompagne presque immédiatement, une émotion de joie, de peine, de peur, tout y passe, la panoplie est presque infinie. Il est très rare qu’une pensée puisse nous laisser complètement indifférent. En effet, à chacune d’elles se rattache habituellement un scénario particulier. Et c’est ce dernier qui fera naître des émotions. En résumé, dès que le mental réussit à utiliser une situation pour nous faire peur, une émotion est créée et transmet, à court, moyen ou long terme, l’information au corps physique, pour qu’il l’exprime par une souffrance quelconque. Comprenez-vous le processus ? Cela explique les bienfaits de la relaxation et de la méditation qui permettent d’apaiser le mental. Notre corps émotionnel peut alors prendre une pause et, par conséquent, permettre au physique de relâcher les tensions avant le prochain assaut qui, habituellement, ne tardera pas à venir !

Nous venons de parler des corps physique et émotionnel mais, le mental, lui, a-t-il un patron ? Eh oui ! Au-dessus de lui se trouve une force supérieure, appelons-la l’Esprit, l’âme ou le cœur. Gardons ça simple. En réalité, rien n’est séparé car nous sommes l’ensemble de toutes nos composantes : physique, émotionnelle, mentale et spirituelle. Prises ensemble, elles s’appellent l’« ÊTRE ». Et celui-ci regarde par… les yeux du cœur ! Tout un détour n’est-ce pas ? Mais nous y sommes finalement arrivés ! (Ah ! Ah ! Ah !)

Ce n’est que lorsque nous réussissons à nous élever au-dessus des pensées qui nous assaillent et des émotions engendrées qui nous perturbent que nous pouvons enfin entrevoir l’omniprésence et la richesse de l’Être. Nous n’avons pas à le comprendre, à l’analyser ou même à le former car il EST, et cela depuis la nuit des temps. Mais nous en sommes si peu conscients ! La seule façon de le toucher de plus près, et même de s’y fondre, c’est de cesser de juger et de se juger, s’ouvrir à la vraie tolérance. Cela ne peut se faire qu’à l’aide de la vision du cœur, une vision globale et pourtant si simple que je vous propose à travers mes chansons et ce livre qui les accompagne.

Tous les textes de mes chansons ont un point commun : ils parlent de nous en tant qu’êtres. Que l’on traite de la mort, de l’avortement, de la sexualité, de nos rêves, de nos différences, etc. Le jugement n’y trouve pas sa place. Les yeux du cœur ne font jamais preuve de ségrégation en quelque matière que ce soit… Car ils sont conscients d’être et de profiter de tout ce qu’ils voient ! Pour eux, tout est expérience et rien n’est vécu sans raison. Le cœur est totalement convaincu que tout a sa raison d’être.

Si vous le voulez bien, partons ensemble à l’aventure, dans le monde fascinant de l’humain et découvrons son essence à travers des textes traités avec humour et simplicité, pimentés parfois même d’un soupçon de cynisme, mais toujours avec amour et respect pour tous. Empruntons cette voie du non-jugement, avec les yeux… de notre cœur !

 

L’art de pardonner
…facilement… et pour de bon !

Il y un mot qui a le don d’écorcher toutes les lèvres sur lesquelles il ose
se poser, c’est bien le mot pardon. Très tôt dans ma vie, je me suis demandé
pourquoi les gens s’en voulaient tant que ça et semblaient se faire un
plaisir fou à se haïr entre eux. C’était pour moi une énigme, moi qui,
étant enfant, ne ressentais jamais de haine envers qui que ce soit. Et
d’ailleurs, je n’ai jamais pu haïr quelqu’un par la suite. J’ai bien essayé
pourtant. Mais, il faut croire que ce n’est pas dans mes gènes ! Pour moi,
tout a sa raison d’être et chaque événement peut aider à nous améliorer. La
haine freine le but ultime de l’être humain : la totale conscience de sa
divinité.
Mais pourquoi donc tous ces gens se donnent-ils tant de mal à se faire
souffrir ? Telle fut l’une des questions existentielles qui me hanta durant
mon enfance et d’ailleurs, encore aujourd’hui, il va sans dire. À force
d’écouter les gens me raconter inlassablement leurs mille et un malheurs,
dont ils mettent évidemment la responsabilité sur le dos des autres, je
réalisai un jour qu’il leur était beaucoup plus facile de haïr que de
pardonner. Pourtant, la haine détruit inexorablement l’être qui l’alimente,
tandis que le pardon le fait renaître. Faut croire que l’autodestruction
intéresse beaucoup plus la majorité des humains que la renaissance.
Je me suis donc intéressé très tôt au phénomène du pardon et, avec les
années, j’ai pu me faire une assez bonne idée de ce qui se passe dans la
tête des gens qui ne peuvent absolument pas l’accorder. J’ai pu ainsi mettre
des mots sur ma philosophie de vie innée dans laquelle le pardon est un mot
obsolète, vide de tout sens. Dans ce livre, comme dans le CD qui
l’accompagne, je vous ferai part de ma vision de la vie, en n’espérant pas
vous convaincre, mais plutôt vous faire réfléchir sur la totale inutilité
d’en vouloir à quelqu’un et, surtout pas à soi.

Le pardon : une affaire de jugement ?
Le pardon est quelque chose qui préoccupe la plupart des gens en ces temps
dits modernes où tout va si vite. On a beau chercher à vivre en harmonie
avec notre entourage, mais comment est-ce possible quand le sabre du
ressentiment pend constamment au-dessus de notre tête ? Il s’agit qu’un
événement déplorable se produise pour qu’on mette alors tout en ¦uvre pour
trouver un coupable, le juger et le condamner illico. Sans appel, monsieur
le juge. La ranc¦ur prend alors naissance chez les belligérants et se
retourne invariablement contre eux.
Contrairement à ce qui se passe habituellement dans les cours de justice où
seul le condamné écope d’une sentence, ici c’est le juge lui-même qui, au
terme du procès, devra purger lui-même sa peine. Je m’explique. Quand on en
veut à quelqu’un au point de le juger et de le condamner, ce n’est pas lui
qui, en bout de piste, devra en payer le prix, mais c’est nous-mêmes. EnfinS
n’allons pas trop vite car je risquerais alors de vous étourdir et de vous
inciter à fermer ce livre avant la finS D’ici à ce que vous ayez terminé de
lire toutes les pages, vous pourrez tirer vous-mêmes vos propres
conclusions. Mais, commençons par le commencement.
La première question à se poser est celle-ci : « Est-il vraiment utile de
vouloir pardonner ? »
La deuxième : « Si on cessait de juger les autres, le pardon deviendrait-il
un mot inutile et vide de sens, un mot qui devrait être effacé à tout jamais
de nos dictionnaires ? » Regardons ça de plus prèsS

Le pardon de la tête versus celui du c¦ur
Tout au long de ce livre, je vais vous entretenir du pardon, mais peut-être
pas de la façon dont vous êtes habitués d’en entendre parler la plupart du
temps. En effet, mon approche en ce qui concerne le pardon en est une du
c¦ur, pas de la tête. N’oublions surtout pas qu’un semblant de pardon,
accordé de force grâce à des raisonnements mentaux, ne dure jamais
longtemps, car le travail du mental consiste beaucoup plus à se souvenir
qu’à oublier. C’est son boulot de se remémorer les choses, surtout les
négatives et à cela, il excelle. Et il tient mordicus à cette mission,
croyez-moi, c’est sa raison d’exister.

Pour qui te prends-tu pour parler ainsi de pardon ?
Avant d’aller plus loin, j’aimerais vous parler quelques instants de mon
cheminement personnel face au pardon. Qu’est-ce qui m’a amené à parler
aujourd’hui si ouvertement de pardon facile et durable ? Qui suis-je pour
prétendre que le pardon est un mot vide de sens et qu’on devrait plutôt le
supprimer de notre vocabulaire ? Comme plusieurs d’entre vous, j’ai grandi
dans un milieu plutôt religieux. J’ai également passé sept longues années de
ma vie d’adolescent et de jeune adulte au Petit Séminaire de Québec, école
très prisée de la ville du même nom, dont cinq en tant que pensionnaire,
est-il est important de le spécifier ? Imprégné jusque dans la moelle des os
d’une innocence d’enfant qui croit encore qu’il pourra sauver le monde,
j’aspirais du fond de mon âme à devenir prêtre, à l’instar d’un grand nombre
de mes compagnons séminaristes. Nous appartenions à l’élite, nous
rappelait-on, en appuyant presque tous les jours sur l’importance que nous
allions avoir dans la société de demain. Je me souviens, comme si c’était
hier, que si un élève démontrait une ferme intention d’adhérer plus tard à
la prêtrise, il obtenait bien facilement ses bourses d’études.

J’ai cru en la souffrance…
Durant ces années de réclusion, je croyais fermement au pouvoir purificateur
de la souffrance. En effet, à l’image d’un homme qu’on nous citait très
souvent en exemple, un laïc du nom de Gérard Raymond, si ma mémoire est
exacte, reconnu pour pratiquer allègrement la mortification, je cultivais en
moi la certitude qu’il fallait absolument souffrir pour plaire à Dieu.
Nourrissant inlassablement cette croyance qui devint avec le temps une
conviction profonde, je m’étais inventé un subtil stratagème pour souffrir
en silence ­ les masochistes n’ont qu’à bien se tenir… Eh bien ! croyez-le
ou non, j’eus un jour l’idée ­ que je ne qualifierai pas de brillante, vous
comprendrez bientôt pourquoi ­ de placer sous ma ceinture quelques punaises,
pointes dirigées vers la peau. Un peu plus tard, comble de malheur, j’en mis
également dans mes souliers, vous savez, dans le creux du pied où la peau
est si tendre. Je plaçais mes petits instruments de torture avec grand soin,
faisant preuve d’une minutie digne d’un moine, de façon à bien sentir en
tout temps sur mon épiderme le léger picotement de leur pointe. Cette
pratique avait pour but de me rappeler à chaque moment où je ressentais de
la douleur, comment Dieu devait m’aimer pour tous les sacrifices que je
subissais en son nom et que je lui offrais par surcroît ! Je persistai donc
durant de longues semaines à jouerS aux punaises. J’étais évidement seul à
connaître mon secret. Comment aurais-je pu d’ailleurs en parler à quelqu’un
sans qu’il m’enduise de ridicule devant mes copains. Je m’adonnai à ce jeu
jusqu’au jour où ma petite voix intérieure, mon vieux sage, comme j’aime
bien l’appeler aujourd’hui, me lança à la figure, dans un moment où la
douleur devenait plutôt insupportable :
« André, quand tu auras des enfants, est-ce que tu vas vouloir qu’ils se
fassent souffrir pour toi ?
­ Non, fut évidemment ma réponse.
­ Alors, continua la voix avec autorité, si Dieu est ton père comme tu le
crois, pourquoi voudrait-il que tu souffres pour lui ? »
Vous devez vous imaginer que cette phrase eut un effet b¦uf sur moi et
réussit heureusement ­ il était plus que temps ­ à m’éveiller au fait que la
souffrance n’était nullement « nécessaire » à l’élévation de l’être. Qu’elle
pouvait être utile, certes, quand elle passe, mais jamais nécessaire. Je
jetai alors tout de go ma collection de punaises aux poubelles et, à partir
de ce moment-là, je demandai à l’Être suprême ­ je croyais à cette époque
que Dieu était une entité extérieure à moi ­ de me faire grandir désormais
dans la joie et la sérénité, jamais dans la souffrance. Je considérais que
j’avais suffisamment donné en la matière. Je spécifiai toutefois, à mots à
peine couverts ­ comme les petits caractères que l’on retrouve au dos de
certains contrats de vente ­ que si j’avais la tête trop dure pour
comprendre certaines leçons essentielles et que la souffrance s’avérait dès
lors nécessaire, j’allais l’accepter sans rechigner. Mais je me promis de
tout faire pour ne pas y avoir recours.
Durant les jours qui suivirent cette période de mon existence que nous
pourrions qualifier à juste titre deS piquante, je réalisai l’ampleur de ma
naïveté et je m’en voulus d’avoir été aussi stupide et influençable. Ce fut
alors ma première véritable expérimentation du pardon, l’ultime pardon,
pourrait-on dire, celui que l’on doit s’accorder à soi en tout premier lieu.
Dans ce livre, je ne vais pas vous montrer où se trouve le bouton magique en
vous sur lequel vous pourriez appuyer pour que se fasse instantanément un
pardon ou, pire, pour rayer de votre mémoire un événement malheureux qui
vous hante. Ce serait un mensonge, car, vous devez bien vous en douter, ce
bouton n’existe pas. Par contre, à l’aide d’exemples tirés de la vie
quotidienne et d’histoires vécues, je tenterai plutôt de préparer en vous un
terrain propice pour que le pardon en vienne un jour à s’opérer tout seul,
sans effort ni techniques. Facile n’est-ce pas ? Trop simple peut-être?
Donnez-moi le bénéfice du doute et vous verrezS
Le principe qui sous-tend tout ce que je vous dirai sur le pardon est le
suivant : « quand on ne peut pas pardonner, c’est qu’on s’efforce de le
faire avec notre tête par l’intermédiaire de notre personnalité ».
Nous tenterons donc de contourner cet ego qui a le don de tout compliquer
sur son passage, pour aller nous installer bien confortablement au niveau du
c¦ur. Car c’est en cet endroit de notre être que le pardon durable et facile
trouvera sa source. Laissez donc passer les mots de ce livre et les paroles
du CD qui l’accompagne par la voie de votre c¦ur d’enfant, les accueillant
avec amour et humour, sans essayer toutefois d’en analyser le sens à
outrance. Ce faisant, les liens vous menant au pardon se feront peut-être
plus tard et, bien souvent, à votre insu, mais ils se feront. Soyez donc
assurés que rien de ce que vous lirez ou entendrez ne sera lu ou entendu en
vain. Détendez-vous et amusez-vous avec nous. Le jeu a pour effet immédiat
de faire décrocher le mental. Le plaisir est le siège des plus grandes
découvertes de soi.

Pardonner, ce n’est pas oublier
Il y a deux sortes de pardons, le premier étant, comme on l’a dit
précédemment, celui de la tête, nécessitant d’ailleurs un exercice aussi
ardu et fastidieux qu’inutile. Ce pardon mental peut se résumer en cette
phrase : « Je lui pardonne, MAISS Cette personne est mieux de ne pas
recroiser ma route sinon je ne sais pas ce que je lui ferai. MaisS je lui
pardonne quand même ». Ah ! Ce fameux MAIS qui fait toute la différence et
qui applique mille et une conditions à tout ce qu’il touche !
Le pardon de la tête consiste bien souvent à vouloir effacer de notre
mémoire un événement malheureux, ainsi que la ou les personnes impliquées.
Vous avouerez comme moi que ce projet est au départ une entreprise vouée à
l’échec. Comment peut-on en toute honnêteté oublier un mauvais coup que nous
a infligé quelqu’un ? C’est impossible, voire inhumain. Par contre, si on
réussit à s’élever au-dessus de nos souvenirs désagréables et à s’attarder
plutôt au dépassement que cette expérience malheureuse nous a obligé à
faire, on commencera dès lors à toucher à la deuxième sorte de pardon, le
vrai cette fois, le pardon du c¦ur. Si on réussit à mener à bien cette
entreprise de dédramatisation, le pardon tant espéré s’effectuera tout seul.
Aucun effort, aucune technique, aucune prière, aucune visualisation, c’est
fascinant. Le processus de pardon s’engagera de lui-même aussitôt qu’on aura
réussi à se donner une vue d’ensemble de la situation conflictuelle en
question et à accepter de voir poindre au loin les effets bénéfiques qui
s’ensuivent. Il faudra alors se vêtir d’un large manteau de neutralité et de
non-jugement ­ c’est peut-être le plus difficile dans cet exercice ­ pour
admettre les effets positifs de ce que l’on considérait auparavant comme une
impasse.

Je lui ai pardonné, MAISS
Une dame de quatre-vingts ans vint un jour me voir après une conférence.
Faut dire que c’était une magnifique petite bonne femme remplie d’une
énergie incroyable et dont les yeux débordaient de vie. Au fil de la
conversation, elle se mit à me raconter tout bonnement, sans préambule,
avoir eu bien des problèmes avec son père durant son enfance. Suite à quoi
elle suivit thérapies par-dessus thérapies durant une longue partie de sa
vie pour tenter de se défaire de son profond ressentiment envers son
paternel. « Je lui pardonnais, me disait-elle en riant, MAIS ! J’avais
tellement hâte de mourir pour aller à sa rencontre dans l’au-delà, le
confronter et lui jeter une fois pour toutes à la figure mon lot d’amertume.
Eh bien ! après avoir lu tout d’un trait ton livre L’Ultime Pardon,
continua-t-elle les yeux brillants comme des soleils, tu ne me croiras
peut-être pas André, mais je pardonnai à mon père facilement. Cela se fit
d’un revers de la main, insista-t-elle, en l’espace d’un instant. Ton
bouquin m’a fait réaliser que, par ses agissements que je jugeais
répréhensibles à cette époque, cet homme m’avait quand même obligé à me
surpasser toute ma vie. S’il n’avait pas agi comme il l’a fait, je ne serais
pas devenue aujourd’hui cette solide octogénaire qui se tient droite devant
toi, les pieds bien ancrés sur terre et animée d’un tel goût de vivre. Je
n’ai pas oublié la conduite de mon père, certes, et je ne l’oublierai
jamais. Par contre, ça me fait drôle de le dire, je ne lui en veux plus. Au
fond, cela peut paraître paradoxal vu sous un certain angle, mais cet homme
a été à sa façon mon plus grand maître. Et, compte sur moi, termina-t-elle
avec humour et en lançant un rire tonitruant qui toucha tout le monde dans
la salle, je lui dirai quand même ma façon de penser quand je le
rencontrerai après ma mort, mais cette fois, je terminerai mes remontrances
en le remerciant. » Cette dame avait compris le sens profond du message que
j’avais voulu passer à travers l’histoire de L’ultime pardon. Tout a sa
raison d’être et peut servir à l’élévation.

Pardonner, serait-ce juger ? … oups !
Soyons honnête, voulez-vous ? Lorsqu’on ressent un quelconque désir de
pardonner à quelqu’un, n’est-ce pas à prime abord parce qu’on l’a jugé
d’avoir mal agi ? Dans un processus honnête de pardon, il ressort toujours
une vérité qui n’est pas du tout agréable à admettre la plupart du temps :
« Pardonner, c’est avant tout juger ». L’un ne peut aller sans l’autre. Ce
qui veut dire que si nous pouvions éliminer les jugements de notre vie ­ et
c’est possible ­ le mot pardon deviendrait alors une conception complètement
vide de sens.
À force de m’émerveiller devant les moments magiques que me concocte
continuellement la vie, je crois aujourd’hui dur comme fer en la perfection
du plan, appelons-le divin si vous voulez, qui dirige tout dans l’univers,
gérant de main de maître et avec perfection tous les mondes : minéral,
végétal et animal.
Mes expériences dans ce domaine m’ont également appris que personne ­ du
moins je n’en connais pas ­ n’agit vraiment dans le but avoué de faire du
mal. Le mal pour l’un peut être un bien pour l’autre. Lorsqu’un bourreau
tranchait la tête d’un condamné, même si pour certains il pouvait être
considéré lui-même comme un assassin, il le faisait pour la bonne cause,
soit débarrasser la société d’un être indésirable. Sans vouloir faire un
vilain jeu de mots c’est notre tête qui se fait un devoir de trancher
constamment entre le bien et mal, selon ses propres critères évidemment. Le
but qu’elle recherche est de pouvoir ainsi avoir raison, refermer au plus
vite le dossier et passer à autre chose.
Mais notre « être » sait pertinemment que rien n’arrive par hasard en ce bas
monde. Tout a sa raison d’être. La clef du véritable pardon réside donc en
notre capacité de voir les événements dérangeants de notre vie avec les yeux
de notre âme, pas avec ceux de notre ego. Telle est la direction que nous
suivrons dans notre cheminement vers le pardon.

 

RENAÎTRE PAR LA PASSION DE VIVRE
Pour ceux qui en ont assez de dormir leur vie…

« C’est à l’instant même où l’on se met à refuser de se renouveler en
s’opposant au changement, que l’on commence à mourir. »

orsque j’ai entendu cette phrase, j’étais justement sur une pente
descendante et en train de m’endormir profondément. Inutile de vous dire que
ces mots eurent l’effet d’une bombe dans ce jardin de sérénité que je
m’étais affairé à bâtir au fil des annéesS pour assurer la tranquillité de
mes vieux jours. En fait, je réalisais à quel point je m’enlisais dans ma
recherche illusoire de sécurité. Je m’ennuyais. Plus le temps passait, plus
je ressentais la torpeur de la mort intérieure m’envahir. Et le pire c’est
que je ne m’y opposais même plus. J’accueillais plutôt benoîtement cette
mort, sans chercher à la combattre. Qu’il est confortable ce nid du statu
quo rempli d’habitudes acquises des autres, de principes établis et
respectés par tous. En réalité, cette léthargie qui m’enveloppait pourtant
de ses ailes rassurantes, renforcée par le refus quasi inconscient du
changement, devenait avec le temps un très subtil bourreau qui allait avoir
ma peau si je ne réagissais pas tout de suite. Un bourreau qui pouvait me
tuer en moins de deux si je le laissais faire.
J’ai alors décidé de me réveiller. Il était grand temps, car je m’engluais
déjà dans ces habitudes destructrices de plus en plus profondément ancrées
en moi. Je réalisais que la vieillesse ­ intérieure comme extérieure,
entendons-nous bien ­ n’était tout simplement que l’acceptation de l’«
ancien » comme base et règle immuables de vie. La vieillesse chronique dont
sont atteints les gens qui sont convaincus de leur inutilité et de leur
impuissance à changer les choses, est constamment nourrie par le déni du
nouveau jour qui se pointe pourtant le bout du nez à chaque lever de soleil.
Elle se traduit en un refus de voir la lumière naissante de l’aube. Le
matin, ils tardent à ouvrir les volets de peur de se faire agresser par
l’astre du jour qui les obligera à bouger et à créer. Les volets fermés, il
est si facile de se rendormir.
À l’opposé de l’ancien et de ses vieux adeptes, se retrouve le « tout
neuf », la jeunesse de c¦ur, grâce à laquelle tout est à découvrir ou à
redécouvrir. L’ouverture à la passion de vivre se manifeste par l’étincelle
qui se rallume magiquement dans les yeux aussitôt qu’on les ouvre. C’est le
oui retentissant et sans équivoque qu’on prononce à l’approche d’un défi,
faisant fi de la peur qui bien souvent l’accompagne. C’est ça la passion de
vivre, dire oui à tout challenge : « j’accepte et je traverse » et cela,
sans regarder derrière, sans laisser ralentir nos ardeurs par notre peur de
l’inconnu.
Chaque être humain en arrive un jour à devoir décider s’il veut toujours
vivre intensément ou s’il préfère plutôt se laisser mourir à petit feu. Si
nous vivons dans l’inconscience, l’option « sommeil » sera la plus tentante
et nous nous y enliserons sans nous en rendre compte. Ce qui nous amènera
lentement vers la mort, pas nécessairement la mort physique, mais celle
encore plus destructrice : la perte du plaisir de vivre. Par contre,
l’ouverture de la conscience ouvrira la porte à la seconde option, celle de
la passion qui se mettra à éveiller nos pulsions créatrices. Celle-ci nous
poussera hors du nid, exactement au moment propice, nous prenant souvent par
surprise. Elle nous enjoindra à regarder au-delà de notre vie désuète que
nous menons comme des automates depuis des années, avec les yeux de notre
c¦ur cette fois, pour voir s’il n’y aurait pas une nouvelle existence qui
traînerait quelque part…
Peu importe la voie vers laquelle l’être conscient et éveillé sera entraîné,
il ne pourra résister longtemps à la tentation de l’explorer et cela, quel
qu’en soit le prix. La passion de vivre n’a effectivement pas de prix. Quand
le « nouveau » appelle, il dérange celui qu’il frappe en le propulsant bien
malgré lui dans des avenues plus souvent qu’autrement inconnues et
insécurisantes. Mais une chose est sûre, l’invitation au nouveau est plus
forte que tout. L’être conscient ne pourra longtemps résister à cet appel à
l’éveil, même s’il s’avère brutal, un éveil demandé désespérément par son
être qui en a ras le bol de voir son corps et son esprit s’endormir et
s’éteindre lentement. L’être n’a qu’une priorité : il veut vivre, jouer et
expérimenter le plaisir et la joie en tout. Peu importe son âge physique,
l’humain se retrouvera un jour ou l’autre devant ce choix crucial : se
laisser vieillir et mourir en paix en favorisant l’ancien au nouveau, en
optant pour la fade sécurité au détriment de l’aventure et en privilégiant
la mort à la vie, ou emprunter le sens inverse et se mettre à rajeunir
jusqu’à la renaissance.
Vous devez bien vous douter que lorsque cet appel s’est fait sentir en moi,
mon choix a été clair. Je n’ai pas hésité une fraction de seconde à
choisir la vie. Depuis, tout a changé dans mon existence et chaque jour
s’avère un éternel recommencement dans ce sens. J’ai retrouvé instantanément
l’étincelle dans mes yeux, ne cessant dès lors de cultiver en moi le goût de
la plus merveilleuse aventure qui soit : découvrir et ressentir à chaque
instant qui passe que je suis vivant. M’abandonnant au mouvement de la
vague, j’ai retrouvé la passion de vivre qui s’était évanouie avec les
années. Et maintenant, en plus de l’écrire, je me suis mis à la chanter.
Au fil de ces pages et à l’écoute du CD inclus dans ce livre, je vais vous
transmettre du mieux que je le peux cette passion qui m’anime. Vous allez la
ressentir profondément si vous ouvrez grand vos bras et votre c¦ur, si vous
écarquillez vos yeux et laissez vos oreilles capter le moindre son qui saura
vous captiver. Voici mes textes et mes chansons, comme autant de rayons de
soleil pointant dans votre horizon. Laissez-vous atteindre par leur chaleur.
Éveillez-vous, levez-vous et ouvrez les volets de vos fenêtres. Laissez-moi
vous entraîner vers la passion de vivre.

Pourquoi retrouver sa passion de vivre ?
Jordi Bonnet, un artiste réputé, a un jour été mandaté pour exécuter une
murale gigantesque en trois volets de plus de 12 000 pieds carrés sur l’un
des murs du Grand Théâtre de Québec. Lorsqu’il dévoila enfin au grand public
le fruit de son ¦uvre, il provoqua un tollé de protestations, un tohu-bohu
qui s’atténua heureusement après coup, dès que les gens eurent compris le
sens profond d’une phrase qu’il avait inscrite au milieu d’une nuée de corps
démembrés : Vous n’êtes pas tannés de mourir, bande de caves ? C’est
assez ! Cette inscription, jugée par les bien-pensants comme scandaleuse,
fut reproduite en gros caractères dans tous les journaux. Les commentaires
fusèrent de toute part. Cette fresque n’était pourtant qu’un appel
retentissant à l’éveil de la masse qui était en train de s’endormir, voire
de s’autodétruire. Ces quelques mots de Jordi Bonnet résonnent encore en moi
comme un cri effréné à la passion, une invitation ultime au mouvement et à
la liberté d’être.
Prenez donc quelques instants de réflexion pour vous demander si vous êtes
encore animés par la passion de créer, la passion de vous émerveiller des
petites choses de la vie, la passion de bâtir votre présent sur autre chose
que des ruines, la passion de découvrir en vous de nouveaux élans, de
développer de nouveaux talents. Quand vous vous levez le matin, êtes-vous
curieux de ce que vous allez découvrir de merveilleux durant la journée ? À
moins que vous vous disiez plutôt : « Encore une longue journée à passer » !
Vous arrive-t-il de temps en temps de lancer un clin d’¦il complice au
soleil qui se lève à l’horizon ? À moins que vous ne le voyiez tout
simplement plus ! Pour certains, la seule consolation matinale est de penser
qu’ils se coucheront de nouveau le soir pour récupérer le sommeil perdu.
Quel gâchis ! Le matin, vous vient-il des buts précis que vous désirez
atteindre dans les 24 prochaines heures, ou n’y a-t-il que le mot « néant »
qui clignote au centre de votre cerveau ? Selon les réflexions qu’ont
suscitées ces questions, vous avez déjà une bonne idée à savoir si vous êtes
un être passionné ou au contraire, un être à l’agonie.
Voici un autre test facile. Allez devant une glace et regardez vos yeux,
comme si c’était ceux d’un autre. Si l’étincelle n’y brille plus, c’est que
votre vie est devenue pour vous une corvée, un boulet à vos pieds. Si c’est
le cas, allez, hop ! Il est grand temps d’y voir, sinon votre prochaine
station risque d’être les portes en fer forgé du cimetière le plus près de
chez-vous. Et je ne suis pas sûr que c’est ce que vous voulez vraimentS
On dit qu’après la mort, on rejoint dans l’au-delà les esprits qui ont les
mêmes affinités que nous. Croyance intéressante si elle en est une. Vous
imaginez ? Passer l’éternité endormi, avec des millions de gens tout aussi
endormis ! Wow ! Quelle belle perspective d’avenir, n’est-ce pas ? Aussi
bien commencer à bailler tout de suite ! Blague à part, si vous constatez
que vos yeux sont éteints, il est probablement grand temps de réagir et ce
n’est pas le fruit du hasard si ce livre et ce CD sont actuellement entre
vos mains. Replacez-vous devant la glace, souriez et ouvrez les yeux si
grands que vous aurez l’impression qu’ils veulent sortir de leur orbite. Et
constatez déjà le résultat que cet exercice banal a sur la luminosité de
votre regard ! Gardez ensuite cette attitude à ouvrir grand les yeux en tout
temps. Continuez à regarder les gens et les choses avec cette même intensité
et vous les verrez se transformer en même temps que vous.
Ce livre et ce CD sont le résultat de trois ans de dépassement continuel et
de découvertes sur moi-même, sur l’être que je suis. Après des années de
lecture, de formations de toutes sortes et de démarches spirituelles toutes
aussi mentales les unes que les autres, je croyais être arrivé à me
connaître à fond. Mais en réalité, je n’avais effleuré qu’en superficie la
couche extérieure de ma carapace. Je ne m’étais analysé qu’à travers mes
propres masques. Aujourd’hui, ma nouvelle vision globale, « êtrique » ­
j’entends par ce mot « êtrique » la totalité de tout ce que nous sommes :
corps, âme, Esprit, etc. ­ est le témoin vibrant de la flamme ardente que
j’attise chaque jour en moi et autour de moi, chez ceux que je touche par la
passion de vivre profondément installée en moi. C’est pourquoi chaque mot
que vous lirez, chaque son et mélodie que vous entendrez éveilleront en
vous, à votre insu, un petit quelque chose de plus qui sommeillait au
tréfonds de votre être.
Les chansons écrites avec amour ont de particulier qu’elles éveillent un
sentiment d’amour tout aussi grand chez les gens qui les accueillent. C’est
pourquoi certains d’entre vous sentirez parfois monter des émotions : une
boule dans la gorge, un souvenir très clair de cette vie ou même d’une
incarnation passée, une situation qui vous a apparemment empêché d’avancer,
une haine non réglée, un amour trop attachant, etc. Ne vous battez pas.
Laissez remonter à la surface ces trésors enfouis ­ car ce sont bel et bien
des trésors malgré leur apparence trompeuse ­ sans essayer de les
comprendre, encore moins de les analyser ou pire encore, de les bloquer. Le
CD Passion de vivre engendre très souvent un grand ménage intérieur chez les
gens qui prennent le temps de s’en laisser imprégner. Je rigole parfois en
disant que « ce disque vient avec, en prime, un immense balai magique
invisible qui nettoiera les vieilles poussières enfouies dans les plus
petits recoins de votre maison ». À votre insu, le ménage du printemps se
fera, sans souffrance ni cris. Étant moi-même devenu avec le temps un
fervent disciple de la douceur, je ne peux que générer les mêmes sentiments
chez mes lecteurs et auditeurs.
Ce livre et ce CD permettront également à l’adulte et à l’enfant en vous de
se fondre l’un dans l’autre, le temps de renouer les liens, de commencer à
s’apprivoiser et d’apprendre à travailler ensemble au lieu de se chamailler
continuellement. Saviez-vous que la sagesse consiste à maîtriser ces deux
côtés de nous et à les utiliser pour faciliter nos décisions et motiver nos
actions ? Les véritables grands sages ont en commun qu’ils agissent la
plupart du temps comme des adolescents en pleine crise de croissance, au
grand désarroi de leur entourage qui ne sait évidemment jamais où donner de
la tête. Mais par contre, lorsqu’ils ont besoin de leur côté adulte pour
exprimer leur sagesse, ils s’arrêtent, vous regardent droit dans les yeux,
prononcent des paroles justes dont vous avez besoin dans le moment présent.
Après quoi, l’adulte se retire et l’enfant se remet à jouer.
Développer sa passion de vivre, c’est donc, tout d’abord, redécouvrir
l’enfant en soi et dans bien des cas, lui réapprendre à s’amuser en tout.
C’est ensuite permettre à l’adulte de se manifester quand il le faut, juste
assez longtemps pour laisser sa sagesse faire son ¦uvre. Ce mélange « enfant
adulte » est un excellent barème par lequel nous pouvons détecter si une
personne qui se targue de posséder la vérité ou la sagesse dit vrai ou fait
semblant. Si elle ne possède pas la maîtrise de ces deux états d’être, si
elle n’est animée que par l’un au détriment de l’autre, par un côté enfant
constant ou un adulte sérieux à s’en pourfendre l’âme, il y a de fortes
chances que la sagesse n’y ait probablement pas encore fait entièrement son
nid. Mais encore cela n’est-il qu’un jugement dont il faut aussi se méfierS
La passion de vivre naît très souvent d’une furtive graine semée en soi par
notre être profond à un moment précis de notre vie, suite à un événement
difficile ou paradoxalement, à un événement heureux. C’est comme si notre
être profitait de notre vulnérabilité émotionnelle du moment, négative ou
positive, pour insérer en nous une semence de vie nouvelle alors que nous
échappons à la diligence de notre mental. Même si ce n’est pas toujours le
cas, la souffrance semble pourtant et malheureusement être une occasion
parfaite pour que ce genre de semailles êtriques, pourrions-nous dire,
s’opère ! Force est de constater en effet qu’elles se font, pour la plupart
des gens, à la suite d’une période de douleur intense, de peine, de
dépression, de léthargie, alors que les défenses sont pratiquement
inexistantes. Après des décennies de sommeil intérieur de plus en plus
profond, un événement provoquera l’éveil. Si le coup réussit, la passion
renaîtra. Sinon, nous risquons de nous enfoncer encore plus dans un sommeil
gluant et morne.
Mais, me direz-vous, est-il possible de s’éveiller sans que notre être doive
toujours avoir recours à un événement tragique pour semer en nous la
passion ? Bien sûr que cela est possible, à condition toutefois de demeurer
vigilant et de prendre les devants maintenant. C’est d’ailleurs probablement
pour cette raison que vous lisez ces lignes. Si vous pensez que vous vous
éteignez peu à peu depuis un certain temps, si vous constatez l’effritement
de vos rêves, la mise au rancart de vos projets, de vos fantasmes, eh bien,
n’attendez pas que la vie vous fasse passer par un tout petit trou de souris
avant de réagir. Pendant que vous le pouvez encore, empruntez plutôt la
grande porte qui s’offre à vous. Vous savez, le seul fait d’avoir l’humilité
et la sagesse de reconnaître son état de sommeil, allié à un profond désir
d’action, est suffisant pour faire naître en nous la passion qui rallumera
illico notre feu intérieur. Cet éveil à la passion de vivre se manifestera
pour certains d’entre nous par l’apparition soudaine d’un talent enfoui qui
fera tout à coup surface sans crier gare. Certains peuvent, par exemple,
ressentir un insatiable goût de faire quelque chose qu’ils n’ont jamais
fait, mais dont ils ont toujours rêvé : une envie folle de peindre,
d’écrire, de danser, vous savez ce genre de choses qui se manifestent à
l’improviste et nous propulsent sans qu’on ne puisse rien faire. Chacun
d’entre nous possède des aptitudes non exploitées, des aptitudes qui ont été
pour la plupart reléguées aux oubliettes à cause du manque de temps ou de
confiance en soi.
Par exemple, combien de poètes en herbe ont-ils vu leur talent occulté
durant leur jeunesse, surtout chez les garçons, alors que leur père les
forçait à pratiquer des sports de « vrais hommes » au lieu de s’adonner à
l’écriture ? Combien de peintres dans l’âme ont-ils enfouis au creux de leur
jardin secret leur passion pour la peinture à force de se faire dire qu’ils
n’étaient bons à rien, surtout pas à dessiner ? Combien d’écrivains
potentiels ont-ils laissé s’éteindre leur talent alors qu’ils se sont sentis
jugés par un professeur de français dogmatique ou un peu trop zélé qui
passait son temps à leur reprocher leurs fautes d’orthographe ou leur façon
d’écrire non conventionnelle au lieu de reconnaître leur véritable génie ?
C’est ce qui est arrivé à une de mes amies qui, dans sa jeunesse, avait
remis avec fierté son devoir de français à son enseignante. Cette dernière
eut alors l’indélicatesse de lire son travail devant toute la classe, en
prenant soin de souligner toutes les erreurs qui s’y étaient glissées.
« Voilà ce qu’il ne faut pas faire » avait conclu ce professeur, ignorant la
portée de son geste. Depuis ce jour, mon amie n’a jamais osé écrire plus que
quelques mots à la fois, de peur de se faire juger par ses pairs, convaincue
qu’elle était nulle en français. Eh bien ! croyez-le ou non, le seul fait de
prendre conscience que son problème de manque de confiance était simplement
issu de cet évènement, un écho de la frustration du professeur en question,
fit que mon amie s’est remise à l’écriture et compose maintenant de très
jolis poèmes.
Vous est-il déjà arrivé de vous dire quelque chose comme : « Je sais au plus
profond de moi qu’un jour je ferai de la peinture, ou que j’écrirai un
livre, ou que je sculpterai, etc. mais je n’en ai pas eu vraiment le temps
jusqu’ici » ? Si tel est le cas, pourquoi n’oseriez-vous pas aujourd’hui
même mettre des choses en marche pour réaliser votre rêve ? Pas demain,
aujourd’hui. Comme le dit la célèbre expression anglaise : Just do it now
(faites-le maintenant).
Une dame vint un jour me voir après un concert conférence que j’avais donné.
Elle m’avoua candidement qu’elle avait toujours rêvé d’apprendre la guitare
mais n’avait jamais osé ni trouvé le temps de le faire. Après avoir entendu
mon témoignage ­ que je vous raconterai tout de suite après ­ elle me promit
de se rendre dès le lendemain au magasin de musique pour s’acheter une
guitare et de commencer des cours durant la semaine qui allait suivre. Après
avoir vu l’étincelle dans ses yeux, je suis tout à fait sûr qu’elle a tenu
promesse. Cette dame a simplement osé laisser monter en elle ce talent
refoulé et reconnaître cette passion pour quelque chose de nouveau. Chacun
de nous possède une ardeur latente. Pourquoi latente ? Quand on est entouré
de gens endormis, le sommeil nous gagne aussi et, en même temps, notre
passion de vivre s’amenuise. Il devient alors très difficile de se garder
éveillé.
Un des buts poursuivis par ce livre et ce CD est d’éveiller en vous le
talent qui sommeille, l’idée, le petit quelque chose de plus qui rallumera
l’étincelle dans vos yeux et qui vous donnera l’envie de vous lever plus tôt
le matin pour faire quelque chose de nouveau et de différent des autres,
l’ardent désir de vous dépasser. Ouvrez-moi momentanément la porte de votre
jardin secret pour que je puisse y semer quelques graines de passion de
vivre. Juste quelques-unes, le temps de vous imprégner de leur vivacité, de
les faire germer et de les voir pousser par la suite.

Histoire de passion… en Inde
Depuis aussi longtemps que je me souvienne, j’ai toujours eu la profonde
conviction que j’allais un jour écrire des chansons. Que je les interprète,
ça c’était moins sûr ! Évidemment, comme tout bon saboteur de bonheur que
j’étais, je ne me trouvais pas le talent nécessaire pour réaliser ce rêve.
Malgré tout, il était constamment présent au fond de mon jardin secret. Je
me rappelle comme si c’était hier avoir un jour osé écrire une chanson
intitulée Un vieux sage m’a ditS et l’avoir envoyé à une très grande
chanteuse québécoise, Ginette Reno. À ma grande surprise, je reçus quelques
mois plus tard une lettre de son agent me disant de façon très polie que
c’était bien, mais que la madame Reno n’en avait pas besoin pour l’instant,
rah rah rah… En d’autres mots, que c’était pourri et sans intérêt ­ ce fut
mon interprétation défaitiste. Faut dire qu’à cette époque, je n’étais pas
prêt à assumer une telle chose et mon indécision a mis suffisamment de sable
dans l’engrenage pour bloquer le mécanisme. Heureusement d’ailleurs. Je peux
m’en rendre compte aujourd’hui.
C’est durant mon premier voyage en Inde où j’agissais en tant
qu’accompagnateur de groupe, que mon être profond décida qu’il était temps
de procéder aux semailles de ma vie nouvelle. L’Inde sacrée a ce don de nous
retourner comme un gant et de nous couper de nos racines aussitôt qu’on en
foule le sol. « Profitons de l’instabilité et de la vulnérabilité de notre
petit André, a probablement dit mon être profond. Quand il est déstabilisé,
il s’ouvre plus facilement à tout. »
Mais commençons par le commencement. Dès ma sortie de l’avion à l’aéroport
de New Delhi, je réalisai en remplissant mes poumons d’une pleine bouffée de
cet air pollué qui caractérise malheureusement la plupart des grandes villes
indiennes, que je n’étais pas en train de mettre les pieds sur le sol d’un
nouveau pays, mais sur la surface d’une autreS planète. En effet, je
débarquais en Inde, désabusé de la vie, engourdi certes par les vapeurs du
décalage horaire, mais surtout par les croyances et préjugés cultivés en moi
depuis des décennies envers cette étrange terre de fous de près d’un
milliard d’habitants. Faut dire qu’en plus, je m’étais bien programmé à ce
que l’Inde ne change rien en moi. Chez les autres voyageurs, oui,
assurément, ils étaient venus pour changer leur vie. Mais pas moi ! Si vous
saviez comme je me leurrais.
J’avais donc été mandaté par Les routes du monde pour accompagner
« spirituellement » ­ hum ! ça paraît bien ­ avec mon amie Johanne Lazure,
un groupe de voyageurs en Inde du nord, tous des gens à la recherche
d’aventure et de spiritualité. Moi qui de plus n’étais jamais allé de ce
côté du globe. Quel guide j’allais faire, moi qui ne connaissais même pas
mon terrain de travail. Enfin ! Ça promettait ! Par contre, ces gens avaient
tous comme moi senti un jour le besoin ­ ou l’appel ­ de se rendre en Inde
dans le but inavoué de se rapprocher d’eux-mêmes. Quel paradoxe, quand on y
pense ! Mon rôle consistait donc à les aider à garder les deux pieds bien
ancrés sur terre pour éviter qu’ils se laissent un peu trop emporter par les
volutes d’encens de l’Inde et qu’ils s’envolent trop haut. Notre expérience
indienne avait pour but de nous ramener vers soi, pas de nous extirper de
notre réalité et nous propulser vers des lieux encore plus vaporeux.
J’arrivais donc sur la fascinante planète India avec mes nouveaux amis.
J’étais rempli de bonne volonté, mais je ne me doutais pas un seul instant
que c’était moi qui allais être l’un des premiers à voir sa vie personnelle
et professionnelle chamboulée du tout au tout ­ positivement,
entendons-nous. En effet, à partir de ce moment, rien ne fut pareil dans mon
existence.
Au fil des heures et à mon insu, il va sans dire, l’Inde réveillait en moi
une passion de vivre que je ne me connaissais pas. L’intensité qui se
dégageait de son sol, la vivacité de ses habitants et leurs drôles de m¦urs,
eurent tôt fait de me faire sortir abruptement du sommeil profond dans
lequel je m’étais engouffré depuis les dernières années. À l’instar de la
plupart des voyageurs de ce groupe, j’avais vivement l’impression que je
revenais chez-moi. Par le fait même, ce sentiment bizarre de déjà vu et de
déjà vécu redonna force à mes racines qui commençaient ­ je m’en aperçois
aujourd’hui ­ à s’atrophier à force de les ignorer. Au cours des jours qui
suivirent, je sentis un flot de nouvelle sève remonter en moi, un flot
assorti de tous les bouleversements et peurs qui accompagnent habituellement
ces raz de marée. Mon mental me rassura. Il mit cet état d’excitation
incontrôlé sur le dos du décalage horaire, mais contrairement à l’effet de
ce dernier, l’état extatique lui ne s’atténua pas. Au contraire, il ne fit
que s’accentuer de jour en jour. Tout mon corps vibrait comme il ne l’avait
jamais fait auparavant. Mon esprit était alerte et tous mes sens étaient
aiguisés à l’extrême. C’est alors que mon talent de compositeur interprète,
profondément enfoui sous mes multiples couches de non-confiance, sortit
enfin de l’ombre comme une marmotte à l’apparition des premiers rayons du
printemps et remonta à la surface. Je venais de découvrir MA passion : la
musique et la chanson à textes.

 

L’ULTIME PARDON
…ULTIME PASSAGE

Introduction
Un jour où je me préparais à me rendre à un Salon du livre, une amie me demanda de lui dénicher un bouquin traitant du pardon. Elle voulait l’offrir à l’un de ses amis hospitalisé à la suite d’un grave accident d’automobile. Les circonstances de cet accident étaient telles que nous avions présumé qu’il découlait d’un profond sentiment de culpabilité, se cristallisant en un désir inconscient d’autopunition.
Après une recherche poussée à travers les kiosques du Salon, je me rendis compte que rien ne correspondait à mes attentes sur le sujet.
Le vieux sage qui sommeille en moi me souffla alors ces paroles : « Tu ne l’as pas trouvé parce que c’est toi qui doit l’écrire. » Le soir même, je me mets à l’ouvrage, permettant à cette partie divine qui est en moi de s’extérioriser par le biais de ma plume.
Un an plus tard, le manuscrit se retrouvait sur le bureau d’une maison d’édition. Je vous l’offre maintenant comme je l’ai reçu, avec beaucoup d’amour et harmonisé d’un brin d’humour.

CHAPITRE UN
Le fardeau d’une vie

10 octobre, 2 h 32 du matin. La route interminable se déroule dans la lumière des phares qui balaient la nuit. Cette route n’a plus le moindre secret pour Patrice, depuis les dix-sept ans qu’il la parcourt, dans un sens comme dans l’autre, pour se rendre à son travail ou en revenir. Cet aller-retour sur un chemin de désolation, presque vide de toute présence humaine, est devenu pure routine pour lui. La plupart du temps, seul son corps de chair demeure au volant, son esprit en profitant pour s’évader très loin, dans le rêve, se déchargeant ainsi du fardeau, si lourd à supporter, du quotidien. Mais cette fois, les pensées l’assaillant le plongent dans un opaque brouillard.
La réunion à laquelle il venait d’assister demeurait au centre de ses préoccupations. Les reproches, les propos blessants qui lui avaient été adressés revenaient un à un à sa mémoire, comme pour le culpabiliser encore plus d’être ce qu’il était, lui renvoyer une image de lui-même qu’il avait peine à regarder en face. Il en était rendu à se considérer comme un enseignant incompétent, dépassé par les événements, inapte à prendre en charge des étudiants de plus en plus difficiles, et bien différents de ceux qu’il avait connus jusque là.
Depuis quelques semaines, en effet, Patrice avait en quelque sorte perdu la maîtrise de sa classe. Le règne de terreur qu’il avait tenté d’imposer à ses élèves depuis le début de l’année scolaire s’était bizarrement retourné contre lui, contrairement à ce qui s’était passé les années précédentes, alors que ce stratagème lui avait toujours réussi. Cette fois, ses élèves avaient mis à jour l’être vil et sans consistance qu’il était. Ils l’avaient totalement débusqué. Pour des raisons qui lui échappaient encore, le processus de rébellion qui s’était installé semblait maintenant irréversible. Chaque fois qu’il avait le malheur de hausser la voix, d’amorcer la moindre réprimande, ses étudiants se mettaient à chahuter, annihilant par le fait même tous ses efforts pour maintenir la paix.
Le brouhaha associé à ces « manifestations » impromptues se répercutaient souvent au-delà des murs des classes avoisinantes, y déclenchant des vibrations négatives, aussi difficiles à gérer que contagieuses. Il n’en fallait pas plus pour qu’une dizaine de lettres de plaintes se retrouvent empilées sur le bureau du directeur de l’institution, l’incitant à prendre les mesures nécessaires pour que cesse ce tintamarre. Une réunion avait aussitôt été convoquée avec toutes les personnes concernées. Patrice avait alors été montré du doigt comme l’unique responsable du désordre. Sans trop de conviction, il avait gauchement tenté d’expliquer les raisons de son manque de discipline, mentionnant brièvement les difficultés personnelles qu’il vivait à la suite de son divorce. Mais ses interlocuteurs ne voulaient rien entendre de ses problèmes affectifs, et encore moins ceux qui étaient reliés à sa consommation excessive d’alcool, cause principale de ses déboires. Craquant sous la pression, Patrice se laissa emporter par le flot de ses émotions et un déluge de paroles aussi provocatrices qu’insensées jaillit de sa bouche, ce qui ne fit qu’accentuer sa déroute. Finalement, les autorités lui servirent un avertissement sévère, qui devait être considéré comme le dernier, sinon, ce serait le renvoi instantané.
Se soustrayant aux reproches de ses accusateurs, Patrice se retira en claquant la porte et il se retrouva seul dans sa voiture, recroquevillé sur lui-même, le cœur tordu.
Il s’était montré indigne de la confiance qu’on lui avait accordé durant toutes ces années d’enseignement. La culpabilité, cette compagne qu’il connaissait si bien et qui le hantait depuis longtemps avait encore réussi à le rattraper. Parviendrait-il à l’esquiver un jour ?
Sur la route glissante et mal éclairée, secoué dans tous les sens par les cahots qui font tanguer la voiture, Patrice ressasse inlassablement les incessants échecs de ses quarante-trois années de vie.
Du fond de son marasme intérieur surgit alors un visage familier, qui hante depuis dix ans les moindres recoins de sa mémoire, tel un fantôme auquel on a fini par s’habituer et qu’on ne peut plus laisser partir, de peur de s’ennuyer. Les yeux pleins de larmes, la bouche tordue par le désespoir, Patrice laisse tomber ces quelques mots, à peine audibles :
« Éric, mon grand ami, me pardonneras-tu un jour de t’avoir assassiné ? »
Cette phrase, il l’a répétée des milliers de fois depuis ce fatal accident qui a fait chavirer sa vie, en détruisant un être merveilleux qui ne demandait qu’à vivre… Comment savoir si, de son nuage, le « petit frère », comme il se plaisait à l’appeler dans le temps, lui avait pardonné, à lui, son assassin ? Ces interrogations sur le pardon au-delà de la vie l’obsédaient depuis des années. Si, comme il l’avait toujours cru, tout se terminait avec la mort, si rien ne survivait après la disparition du corps physique, Éric ne saurait jamais comment son meilleur copain était désolé du geste involontaire, quoique définitif, qu’il avait posé ! Si, au contraire, l’âme continuait à vivre dans l’au-delà, dans cette après-vie si mystérieuse, quelle rancune devait-il entretenir ?
Ces questions existentielles tourbillonnaient dans la tête de Patrice pendant que son automobile continuait de rouler à vive allure sur la route sinueuse, conduite par un homme dont les pensées se trouvaient à des milliers de kilomètres de là, tout en haut, un homme dont les deux mains étaient presque laissées à elle-même. Alors, commencèrent à défiler devant ses yeux les images de ce film d’horreur qu’il connaissait par cœur, pour l’avoir vu et revu si souvent durant les dix dernières années. C’était comme s’il voulait garder bien vivants dans ses souvenirs les remords qui l’habitaient depuis cet accident mortel.

CHAPITRE DEUX
Éric

Dix ans plus tôt, jour pour jour — ce détail s’imposa à son esprit comme un présage menaçant — Patrice revenait chez lui par cette même route sombre et déserte qu’il parcourait en ce moment.
Ce jour-là, il s’était lamentablement saoulé pour tenter de chasser de ses pensées le souvenir de Marie, cette femme si merveilleuse, qui avait été le soleil de sa vie, mais qu’il n’avait pas su garder auprès de lui. Trois courtes années avaient suffi pour les éloigner l’un de l’autre. Depuis leur douloureuse séparation, Patrice avait trouvé refuge dans l’alcool, un refuge précaire peut-être, mais souvent si réconfortant. Tout cet alcool qu’il avait ingurgité avait endormi la plupart de ses réflexes. Même s’il en était conscient, il se disait : « Tant pis si je meurs, ce ne sera qu’un bon débarras pour la société… et j’aurai enfin la paix ! »
Pendant qu’il ruminait ces sombres pensées, Éric, un ami d’enfance qui avait toujours été en quelque sorte son ange gardien et qui n’avait jamais cessé de l’aimer malgré ses défauts, se trouvait sur la même route que lui, vingt-cinq kilomètres plus loin, mais roulant en direction opposée. En effet, quelques minutes plus tôt, Jeannine, la nouvelle flamme de Patrice, avait appelé Éric pour lui dire que Patrice n’était pas encore rentré et qu’un pressentiment bizarre la tenaillait. Redoutant le pire, Éric s’était habillé en toute hâte. Puis, tendrement, il avait effleuré la joue soyeuse de son épouse, cette magnifique fleur endormie à ses côtés. Il avait ensuite pris la route pour venir à la rescousse de cet idiot de Patrice qui s’était probablement encore mis dans l’embarras, comme à son habitude.
Ce n’était pas la première fois qu’il se faisait ainsi réveiller au beau milieu de la nuit, mais c’était toujours plus fort que lui, il accourait constamment, sans poser de questions, poussé par les élans de son cœur. Une force irrésistible le poussait à venir en aide à cet être sans scrupule appelé Patrice. Combien de fois avait-il eu envie de le laisser tomber, d’abandonner à lui-même ce vieil imbécile, ivrogne de surcroît, qui semblait se complaire dans les mille et un malheurs qu’il ressassait sans cesse, comme pour mieux se faire plaindre ?
Même en se torturant les méninges, Éric n’arrivait pas à comprendre pourquoi il ne trouvait pas la force d’abandonner à son propre sort cet énergumène. Ce lien d’amitié qui les unissait depuis toujours était aussi incompréhensible qu’indestructible. À la vérité, deux jumeaux n’auraient pas été plus près l’un de l’autre que ne l’étaient Patrice et Éric. Peut-être qu’un jour Éric pourrait trouver les raisons qui le poussaient ainsi à poursuivre cette mission d’entraide qu’il s’était donnée et qui semblait devoir se perpétuer indéfiniment. Cependant, il était très loin de se douter que la réponse à cette énigme lui viendrait quelques instants plus tard.
Une pluie fine s’était mise à tomber, s’intensifiant à chaque kilomètre que l’auto dévorait. Dans ce terrain montagneux, les nuages rasaient le sol et c’était encore pire quand il pleuvait. Éric réussit à transcender les effets de la triste situation dans laquelle il se trouvait et se surprit même à esquisser un sourire. La pensée de cet ange qu’il venait de laisser derrière lui, au creux de son lit, ensoleillait son cœur. Pendant une fraction de seconde, son âme alla retrouver sa belle qui sommeillait doucement sous les draps soyeux de leur nid d’amour. Soudain, son univers bouscula. Droit devant lui, les phares d’une voiture surgirent dans la nuit, juste à la sortie de cette stupide courbe qu’il avait si souvent maudite. Puis, ce fut l’impact fatal, l’explosion de la vie, la grande noirceur… Éric était mort, tué par son meilleur ami…

CHAPITRE TROIS
La vie suit toujours son cours

Ce film intérieur qu’il venait de visionner, et dont il connaissait maintenant les moindres détails, éveillait chez Patrice des souvenirs empreints d’horreur et de remords, mais également de tendresse, car les images mettaient en évidence une amitié qu’il ne rencontrerait plus jamais. Depuis dix ans, chaque fois qu’il s’apprêtait à prendre cette courbe, comme il le faisait présentement, une vague d’émotions lui remontait à la gorge, et il revivait immanquablement la terrible scène. Bien des choses s’étaient pourtant passées depuis…
Après les mois interminables qu’il avait passé à l’hôpital à la suite de son accident, Patrice avait peu à peu repris la maîtrise de sa vie. Il n’avait, pour un temps, pas touché à un seul verre d’alcool, et les innombrables heures où il avait pleuré la disparition de son « petit frère » Éric, avaient quelque peu cicatrisé ses blessures intérieures. Cependant, l’une d’elles avait laissé sa chair à vif : à ses yeux, il était un meurtrier et il le demeurerait toujours !
La femme d’Éric n’avait jamais manifesté le désir de le revoir ni d’avoir quelque relation que ce soit avec l’ « assassin » de son mari. Malgré elle, elle avait entretenu une haine farouche, tenace, envers cet homme, même si, au fond de son cœur, profondément enfoui dans son inconscient, elle avait le sentiment que Patrice n’était pas réellement coupable de cette mort, puisqu’il n’avait pas agi de façon délibérée.
La famille d’Éric, en particulier ses parents, n’avait pas non plus pardonné au supposé « grand copain » de leur fils décédé… dans un geste de mépris, dicté autant par le désarroi que par la rancœur, ils étaient même allés jusqu’à envoyer à Patrice, immobilisé sur son lit d’hôpital, une couronne mortuaire en forme de croix portant l’inscription suivante : « Au meurtrier de notre fils… Puisse-t-il se repentir jusqu’à la fin de ses jours ».
Patrice n’avait plus jamais eu de nouvelles d’eux, pas plus qu’il ne les avait revus. Ce que ces gens lui avaient légué, c’était la pire, la plus cruelle des vengeances : un bouquet de remords éternels. Cette gerbe de fleurs transformée en couronne mortuaire avait réussi à provoquer chez lui un sentiment profond et tenace de culpabilité qui allait le hanter et le miner à chaque instant de sa pénible vie qui, elle continuait pourtant !
Comme prévu, ce cadeau imprégné de fiel empoisonna chacune des journées de Patrice, qui se referma de plus en plus sur lui-même. Sa vie sombrait dans la plus morne mélancolie, projetant sur lui l’ombre de son passé. Petit à petit, une monstrueuse « forme-pensée » s’imbiba en lui : un assassin ne mérite pas de vivre heureux ; il devait donc payer… Quand ? Comment ? Patrice l’ignorait, mais cela devait se réaliser un jour, et ce jour arriva plus vite que prévu.
Toujours au volant de son automobile, Patrice essayait d’échapper à ces pensées harassantes qui, depuis belle lurette, étaient devenues les fidèles compagnes de son triste quotidien. Comme il se penchait pour atteindre le bouton de la radio, deux énormes phares surgirent de l’ombre, dans cette même courbe où son cauchemar avait commencé, dix ans plus tôt. Les menaçantes lueurs fonçaient droit sur lui, à toute vitesse. Patrice n’eut pas le temps de les esquiver. L’impact fut terrible. En une fraction de seconde, Patrice se sentit expulsé de son corps physique et projeté dans un univers jusqu’alors inconnu. Cette partie de lui-même qui semblait avoir survécu à l’accident se retrouva flottant au-dessus des carcasses fumantes et tordues des deux automobiles. Dans un ultime effort pour reprendre sa vie en main, Patrice tenta de réintégrer ce corps qui reposait dans la voiture, quelques mètres plus bas. Mais l’amas de chair ensanglanté et inerte qu’il y trouva le détourna de son dessein. À travers les yeux de son âme, Patrice aperçut le conducteur de l’autre voiture qui se hissait tant bien que mal hors de son véhicule par le pare-brise éclaté. Se remettant péniblement debout sur ses jambes, il avança en titubant, prononçant des paroles vides de sens qui en disaient long sur son état.
Se laissant flotter au-dessus de la scène, Patrice renifla les odeurs d’alcool qui se dégageaient et il se rendit compte que cet homme était ivre. De plus, il ne semblait aucunement intéressé par le sort du conducteur emprisonné dans l’autre véhicule. Dans un geste de rage et de dépit, Patrice tenta de saisir cet individu par les épaules pour le faire réagir, mais ses mains le traversèrent sans qu’il sembla en avoir la moindre conscience.
Le choc fut terrible, pire que l’accident lui-même. Avec stupeur, Patrice comprit qu’il était mort et que ce corps méconnaissable qui gisait dans cet amas de ferraille, en plein centre de la route ténébreuse, c’était en fait le sien ! Mais pourquoi continuait-il à vivre s’il était mort ? Tout cela n’avait pas de sens. S’agissait-il d’un rêve, d’une hallucination ? Mais non, ce qu’il ressentait était bien trop réel…
Il avait souvent éprouvé cette sensation de légèreté au cours de ses rêves. Il avait alors vraiment l’impression de danser et de voler librement dans les airs, un peu comme Superman dans le ciel de New York. Même qu’au réveil, il se rappelait exactement, dans les moindres détails, les prouesses aériennes qu’il avait accomplies durant son sommeil. Malheureusement, à cette époque, son ouverture spirituelle était tellement limitée qu’il avait vite fait de ranger aux oubliettes ces « rêves stupides » dépourvus de toute logique. Mais maintenant, voilà que la fiction devenait réalité. Patrice devait se rendre à l’évidence : l’être humain possédait bel et bien quelque chose d’immortel et d’indestructible qui survivait au corps. Une âme peut-être ?
Un bruit déchirant la nuit le tira de ses pensées. C’était l’ambulance qui venait briser l’ineffable silence qui avait établi sa loi depuis déjà quelques minutes. Deux hommes descendirent en trombe et, avec un zèle tout à fait remarquable, ils tentèrent de ramener à la vie cet amas de chair à la forme vaguement humaine qui se trouvait là, tel un chiffon abandonné, dans l’une des voitures. Se rapprochant de l’ambulancier qui s’évertuait à pratiquer sur « lui » différentes techniques de réanimation, Patrice lui souffla à l’oreille :
« Pas la peine, mon vieux, je ne reviendrai plus. Merci quand même. »
L’homme ne broncha pas et continua son travail de plus belle, l’intensité de ses émotions l’empêchant sans doute d’entendre quoi que ce soit. Patrice répéta sa phrase, mais cette fois, il s’adressa à l’autre ambulancier qui, lui, avait su garder son calme. Regardant son collègue, celui-ci fit un signe de la tête :
« Trop tard, laisse tomber, il n’y a plus rien à faire, je le sens. »
Constatant l’inutilité de leurs efforts de réanimation, les deux hommes cessèrent leurs manœuvres. Ils aperçurent alors le conducteur de l’autre véhicule qui s’était affaissé un peu plus loin et qui cuvait son vin dans une profonde insouciance et une déroutante inconscience du drame qui venait de se produire. En moins de deux, celui-ci fut placé dans l’ambulance qui s’enfonça rapidement dans la nuit.
Dès que le calme fut revenu, Patrice voulut s’éloigner de cet amas de ferraille qui le retenait prisonnier et qui dégageait une atmosphère intenable de violence et d’émotions désagréables. Il se dirigea quelques mètres plus loin pour faire le point sur la situation dans laquelle il se trouvait. Il se laissa pénétrer par le silence, ce même silence qui lui faisait tellement peur durant ces dernières années parce qu’il le mettait face à lui-même, face aux innombrables fautes qui avaient jalonné sa vie manquée. Prenant même un certain plaisir à se laisser ainsi flotter, tel un nuage au gré de la brise, Patrice entreprit de faire une espèce de rétrospective des heures qui venaient de s’écouler. Il tenta encore, sans grand succès d’ailleurs, de se convaincre que tout cela n’était qu’un rêve, un cauchemar dont il allait à coup sûr sortir brusquement. Mais il dut se rendre à l’évidence : tout cela était bel et bien réel.
Regardant autour de lui, il vit que tout était redevenu calme. Seules les carcasses encore fumantes des automobiles indiquaient qu’un événement tragique avait eu lieu à cet endroit. Lentement, Patrice était en train de retrouver la paix. Soudain, une force irrésistible fit jaillir de lui un grand cri qui se répercuta dans la nuit, un cri rempli à la fois d’amertume et de soulagement. Puis, une pensée émana de son âme en peine :
« Enfin ! c’est fait. J’ai payé pour le crime que j’ai commis ! On ne m’en voudra plus maintenant. Je suis libéré. »
C’était tellement clair dans sa tête… Depuis des années qu’il cultivait sa culpabilité, il avait enfin réussi à attirer vers lui, et même à provoquer — il se surprit à penser cela — cet accident fatal en guise d’autopunition. Il s’était lui-même infligé ce châtiment et semblait si heureux d’avoir maintenant expié… Tout devenait de plus en plus limpide dans son esprit ; chaque minute, chaque seconde prenait un sens précis.
Mais en dépit de cette prise de conscience, Patrice se sentait très seul, désespérément seul. Si bien que la panique s’empara de lui. Son regard se mit à scruter l’espace infini qui l’entourait, dont l’immensité amplifiait encore son sentiment de solitude. Personne à qui parler ! Aucune communication possible ! Rien d’autre autour de lui qu’une vaporeuse réalité qu’il ne pouvait même plus toucher. Que faisait-il là, pour l’amour du ciel, à flotter entre deux mondes ?
Bien sûr, Patrice connaissait l’univers qu’il venait de quitter brutalement, mais il n’avait pas la moindre idée de celui dans lequel il venait tout juste d’être projeté et encore moins de l’endroit où il allait se retrouver. Cependant, il devenait de plus en plus évident pour lui que la vie ne s’arrêtait pas là, qu’il devait y avoir autre chose, plus haut, ou plus bas, ou plus loin, enfin quelque part ailleurs. L’éternité ne pouvait vraisemblablement pas s’écouler stupidement au-dessus d’une route déserte, dans un monde où le temps semblait ne plus exister, dans un univers où la solitude prenait tant de place qu’elle rendait impensable tout espoir de survie.
Cette période de découragement obligea Patrice à effectuer un profond questionnement intérieur, ce qui lui permit d’amorcer un bénéfique cheminement. C’est alors que le miracle se produisit. Une réflexion faite par Éric, très longtemps auparavant, retentit subitement en lui, au moment où il s’y attendait le moins :
« Tu sais, Patrice, lui avait-il un jour lancé de guerre lasse, tentant une ultime fois d’ouvrir une brèche dans l’épaisse carapace dont s’était, hélas, entouré son ami, j’ai lu dans un bouquin qu’après la mort, la vie continuait, que notre âme et notre Esprit quittaient notre corps de chair et qu’on se sentait alors si léger, libre comme l’air… Apparemment, selon ce qui était écrit, ajouta Éric, surpris de l’attention qu’il avait suscité chez son interlocuteur, il suffit de croire qu’il existe autre chose au-delà de la vie, un ciel, un endroit lumineux où il fait bon vivre, et de demander l’aide d’une personne décédée qu’on a aimée ou d’un guide pour qu’on nous y conduise tout de go. Cela semble un bizarre, présenté de cette façon, j’en conviens, mais moi, j’y crois sincèrement… »
Patrice se rappela avoir alors bêtement ri au nez de son ami, écartant ainsi toute possibilité de se laisser séduire par de stupides croyances concernant l’après-vie, le prolongement de l’existence au-delà du plan physique. Le ciel et l’enfer étaient d’ailleurs, et depuis longtemps, les deux derniers endroits où il aurait voulu se retrouver après sa mort, et pour cause ! Quel homme normal aurait pu être tenté par un séjour éternel avec l’effroyable Satan et ses nombreux acolytes munis de fourches rougies par les flammes? Ou encore par une éternité passée dans l’oisiveté, assis à la droite de Dieu, avec comme seul loisir la contemplation des beautés de l’univers en compagnie de petits anges innocents et d’une myriade de grands êtres tous plus sages les uns que les autres ? Foutaise ! La conception qu’il avait de ces endroits, quelque burlesque qu’elle pût paraître, était tout ce que son esprit déjà borné avait retenu de l’éducation religieuse et austère de son enfance. Tout ce qu’on avait réussi à lui apprendre, c’était les pages interminables du petit catéchisme.
Bien vite, l’adulte qu’il était devenu avait balayé de son esprit toutes ces sornettes, se gardant bien de s’engager dans des discussions concernant une quelconque survie de l’âme après le trépas. Quand on abordait le sujet devant lui, il évitait soigneusement d’y prendre part, se contentant d’arborer un petit sourire narquois pour signifier que pour lui, après la mort, c’était le trou, point final ! « Quel beau programme ! » se disait-il alors au fond de lui-même. Mais cela valait mieux à ses yeux qu’une éternité à rôtir aux enfers ou à s’embêter au paradis.
Mais voilà que maintenant, tout était différent. La situation qu’il vivait avait chamboulé toutes ses conceptions d’un anéantissement ultime. Ce n’était plus son corps physique qui pensait, parlait et agissait ; mais de quoi s’agissait-il, bon sang ? Même privé de son enveloppe charnelle qui était restée dans cette automobile de malheur, la vie s’obstinait à suivre son cours, comme si rien ne s’était passé. Le cerveau de Patrice semblait n’avoir jamais cessé d’envoyer des signaux à tous les membres de son nouveau corps de lumière. Par la force des choses, Patrice devait se rendre à l’évidence : nier cet état de choses ne serait que stupide entêtement à s’accrocher à ses vieux préjugés avec lesquels il avait toujours si habilement couvert sa profonde ignorance. Éric avait peut-être raison après tout… Aussitôt que l’homme tourmenté eut ouvert son esprit à l’infini, un autre miracle se produisit.
Dans l’élan sublime de son cœur réagissant à son impuissance et à sa solitude, Patrice laissa jaillir de ses entrailles un déchirant appel à l’aide dans cette nuit désolante, demandant incessamment l’assistance d’un guide comme l’avait jadis prescrit son vieil ami. Sa volonté étant clairement exprimée, une brillante sphère de lumière s’approcha rapidement de lui comme une étoile filante naissant de l’infini. Plus cette splendide lueur avançait, plus un être d’une beauté indescriptible semblait s’en détacher. Patrice avait souvent vu des représentations d’anges dans sa jeunesse, mais comme celle-ci… jamais ! L’entité qui s’avançait maintenant vers lui portait une robe d’une blancheur éclatante, sans fil ni aucun autre artifice. Ses yeux d’un bleu azuré faisaient l’effet de deux magnifiques diamants d’où émanaient des reflets dorés et perçants qui véhiculaient par surcroît un amour tout à fait désarmant. L’être de lumière arborait un large sourire aussi profond qu’honnête, une mine réjouie qu’il n’avait jamais rencontrée auparavant.
« On jurerait que tu t’ennuies, seul dans ton coin, murmura l’ange à l’oreille d’un Patrice complètement hébété, dépassé par la soudaine tournure des événements. Aurais-tu besoin d’un peu de compagnie, par hasard ? »
L’être de lumière se mit alors à rire avec tant de candeur que Patrice, d’un seul élan, se précipita dans ses bras en toute confiance, sanglotant comme un enfant qui vient de retrouver sa mère. L’ange le serra tendrement contre sa poitrine, lui permettant ainsi de se débarrasser du surplus d’émotions qui s’était accumulé au cours des dernières heures. Relâchant son étreinte, il poursuivit :
« Mon nom est Éleutra. L’humble travail que j’accomplis dans cet immense univers dont tu ne connais qu’une très infime partie, consiste à accompagner vers des dimensions plus élevées les âmes qui en expriment clairement le désir comme tu viens d’ailleurs de le faire… assez bruyamment, tu en conviendras… Mais il faut ce qu’il faut, n’est-ce pas, pour se faire entendre ? »
Le guide céleste s’arrêta quelques secondes pour rire un bon coup, le temps de permettre à l’atmosphère de se détendre un peu plus.
« Qu’est-ce que je disais ? reprit-il. Ah oui ! mon rôle est d’escorter les âmes vers leur véritable maison, vers le paradis, comme vous le dites si bien. Toutes les âmes qui se détachent définitivement de leur corps physique se retrouvent, dès leur arrivée dans l’au-delà, au seuil d’une porte. J’ouvre la porte et je les dirige vers l’autre monde. Éleutra fit silence pendant quelques instants pour permettre à Patrice de se familiariser davantage avec son nouvel état de conscience. Dès qu’il sentit que Patrice avait bien saisi le sens de ses paroles, Éleutra poursuivit ses explications :
« Je comprends parfaitement ce que tu peux ressentir en ce moment, car moi aussi, j’ai eu à traverser des centaines de fois cette étape de la transition, il y a très longtemps. Chaque fois, je m’en souviens, ce fut une période très difficile. Mais ne t’en fais pas. Ce qui t’attend plus haut est si beau qu’il te suffira de quelques instants pour oublier ces brefs moments d’insécurité que tu vis actuellement. »
Les paroles de cet être magnifique caressaient comme une brise légère les oreilles de Patrice, faisant bientôt place à un silence absolu. Rassuré, Patrice restait là, blotti contre cette entité d’Amour. Peu à peu, il commençait à accepter sa mort terrestre. Des bribes de souvenirs très anciens refaisaient surface et la situation qu’il vivait maintenant si intensément lui semblait soudain familière, comme s’il l’avait déjà vécue auparavant.
Sentant la soudaine ouverture d’esprit de son protégé, Éleutra reprit la parole :
« J’ai accepté cette mission d’accompagnateur, il y a des milliers d’années, selon votre conception du temps évidemment, car tu te rendras rapidement compte qu’ici, le temps n’existe tout simplement pas. Il t’en reste encore quelques notions, mais très bientôt, tu en perdras presque le souvenir. Ce travail, donc, que j’ai choisi d’exercer m’aide à parfaire mon évolution, en me permettant de manifester un amour désintéressé aux âmes que je dois guider vers la Lumière. L’amour est d’ailleurs la seule préoccupation de tous les êtres qui œuvrent sur l’ensemble des plans divins. »
Sentant l’étonnement de Patrice, l’ange ajouta, comme pour le réconforter :
« L’évolution ne se fait pas que sur terre, tu sais ! Quand une âme atteint la perfection terrestre, ce n’est qu’une toute petite marche qui est gravie alors, une première étape vers la fusion avec l’Amour dit universel. La progression de l’être ne s’arrête jamais. Tout est en constant mouvement. L’atteinte d’un objectif n’est qu’une initiation ouvrant la porte sur un autre objectif encore plus grand. »
Ces propos prononcés avec tant de simplicité et de bonhomie avaient atteint profondément le cœur de Patrice, car l’amour avait eu pour lui une toute autre connotation pendant son séjour terrestre. Il avait toujours été convaincu que tout acte posé par une personne était forcément intéressé. Et ce foutu ange qui venait de lui prouver le contraire en lui disant tout bonnement qu’il remplissait son rôle dans un seul but d’évolution, pour manifester sa compassion et un amour désintéressé ! Patrice se sentit soudain devenir méfiant devant tant de magnanimité. Y avait-il anguille sous roche ? Est-ce qu’on lui tendait un piège ? Était-il habilement tenté par le « démon » de ses croyances, qui essayait ainsi, par un étrange stratagème, de l’entraîner avec lui en enfer ?
Comme pour brouiller davantage les cartes, d’autres questions assaillaient sauvagement son esprit : était-il en train de se faire avoir ? Éleutra serait-il un ignoble imposteur ?
Le doute devenait insoutenable. Heureusement, le calme revint et son tumulte intérieur s’apaisa. Patrice releva la tête et ses yeux se posèrent sur celui dont il tentait de percer les véritables desseins. Ce qu’il vit le rassura. Cette lumière et cette sérénité qui émanaient de l’ange ne pouvaient avoir une source autre qu’un véritable amour, un amour authentique et divin. Le Malin, s’il existait, ne pourrait jamais se déguiser de façon aussi parfaite en un personnage d’une telle splendeur, autant de l’intérieur que de l’extérieur.
Peu à peu, les soupçons de Patrice s’estompèrent, pour finalement fondre comme glace au soleil. « Non, l’amour véritable ne peut être feint, dut-il conclure. Un être qui n’en serait pas complètement imprégné se trahirait sans aucun doute par un quelconque détail, par une incongruité impossible à masquer. »
Abandonnant toute résistance, notre voyageur décida alors de vouer désormais une entière confiance à son nouvel ami, lequel, mine de rien, était pleinement conscient des idées qui se bousculaient dans la tête de son protégé.
À l’instant même où il accepta de lâcher prise, Patrice sentit monter en lui une force intense, une flamme céleste qui envahissait de lumière son corps entier. Ce feu divin ne le brûlait pas, mais le transportait plutôt vers un état de bien-être indescriptible, lui laissant entrevoir pendant un très court instant la sensation que l’on peut ressentir lors de l’Illumination, au moment de la fusion complète avec l’Esprit.
Dans quel monde mystérieux avait-il donc mis le pied ? Patrice s’aperçut qu’il avait quitté l’enfer terrestre pour pénétrer dans un monde éblouissant, libre de toute frontière, un monde où l’amour et le désintéressement faisaient foi de tout. « Quel fantastique rêve suis-je en train de vivre ? », se surprit-il à penser.
Comme pour donner un peu plus de valeur à cette découverte magique, Éleutra serra dans ses bras cet enfant nouvellement admis en ce monde de splendeurs. Puis, relâchant quelque peu son étreinte, il demanda à Patrice s’il était maintenant prêt à le suivre vers sa nouvelle demeure.
Avec l’enthousiasme d’un jeunot en quête d’aventure, Patrice hocha la tête sans aucune hésitation en signe d’approbation. Un dernier coup d’œil vers les débris encore fumants de sa voiture et vers ce paysage terrestre si familier, à quelques mètres sous lui, et ce fut le véritable signal de départ vers une vie future remplie de mille promesses.

 

 

 

A propos de l'auteur

André Harvey est canadien. Il est un autodidacte qui, suite à des années de recherche et de travail sur lui, a toujours cherché à se prendre en charge lui-même, à devenir son propre maître. ...

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