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Une randonnée à l’Île Valcour, NY

par sylvie alice royer   www.marcheafghane quebec Ce matin-là, il pleuvait. J’avais enlevé mes sandales de randonnée pour marcher en toute liberté. À l’instar des joggeurs et marcheurs avec leurs chaussures minimalistes, je souhaitais me relier au sol. Mais plus encore, je voulais sentir la vibrance estivale de cette piste qui longe si joliment les […]

par sylvie alice royer   www.marcheafghane quebec

Île Valcour

Île Valcour

Ce matin-là, il pleuvait. J’avais enlevé mes sandales de randonnée pour marcher en toute liberté. À l’instar des joggeurs et marcheurs avec leurs chaussures minimalistes, je souhaitais me relier au sol. Mais plus encore, je voulais sentir la vibrance estivale de cette piste qui longe si joliment les pourtours de l’Île Valcour[1].  Tantôt en pleine forêt, tantôt sur la plage. Valcour est posée sur un lit de formations calcaires de la période Ordovicienne. On parle ici de 450 millions d’années. D’étonnants fossiles sommeillent entre les galettes de tufs que la vague incessante vient décoller. Les enfants de passage sur l’île s’amusent d’ailleurs à élever des inukshuk[2] avec ces précieux artefacts. Je crois que l’île apprécie ces gardiens éphémères tout comme les rares marcheurs qui y font retraite.

 

Synchroniser le souffle et le pas

Je pratique la marche afghane au quotidien depuis plus de 25 ans, par toutes les températures et conditions. Il s’agit d’une marche qui demande à synchroniser le souffle et le pas. Il n’est pas nécessaire d’aller rapidement, ni non plus d’aller lentement. L’indispensable, c’est le souffle. Différentes respirations rythmiques sont mises à profit, généralement imposées par la topographie, mais aussi par le type d’expérience souhaitée : exercice de suroxygénation, méditation active, cohérence cardiaque. Inspirée des caravaniers afghans dans les années 80, la marche afghane a été systématisée par l’européen Edouard G. Stiegler. Encore aujourd’hui son développement est principalement redevable à son livre-phare «La régénération par la marche afghane»[3] et rejoint volontiers les adeptes du trekking  et de la marche au long cours. À la fois exercice physique et pratique transcendante, la marche afghane apporte à ses pratiquants une foule de bienfaits, corps et esprit.

 

 

D’Indian Point à Sloop Cove

Marcher pieds nus dans un environnement accidenté commande l’attention. La pluie avait maintenant détrempée la terre de surface. Je suivais une voie de traverse menant d’Indian Point à Sloop Cove, les pieds légèrement poisseux. Bonheur gamin. J’allais pousser cette randonnée jusqu’à Paradise Bay, car là-bas les éminences de galets brassés par la vague recèle un nombre surprenant de pierres en forme de cœur. J’entasse ces trouvailles dans mon sac à dos. Preuve, pour moi renouvelée, de la bienveillance de l’île.  Je déambulais ainsi heureuse sous la pluie chaude. Les racines et les pierres luisantes ponctuaient le balancement de ma marche sans pour autant me faire dévier de mes rythmes. Le corps à la fois souple et vigilant, en une sorte de transe légère. À l’effort, mes rythmes respiratoires se faisaient plus courts, avec ou sans apnée selon la difficulté du terrain. Alors que sur les douces et longues avancées de sentier,  ils s’étiraient sur plusieurs pas dans un souffle profond, enchaînant avec fluidité inspirs et expirs. S’oxygéner n’est pas le terme approprié lorsqu’on parle de la marche afghane. Il s’agit  plutôt de suroxygénation à travers une respiration strictement nasale, appuyée par une grande amplitude pulmonaire qui s’acquiert avec la pratique. Si l’apport accru en oxygène dynamise tous les échanges métaboliques, le système subtil valorisé par la tradition indoue bénéficie quant à lui de l’énergie vitale ambiante, c’est-à-dire le prâna. La respiration rythmique propre à la marche afghane s’apparente ainsi au pranayama[4]. Le corps étant en pleine action, le temps de rétention du souffle est toutefois beaucoup plus court. Marcher et respirer en conscience sur les pistes de l’île Valcour est un vrai régal.

 

Une histoire d’amour

Autrefois française, à l’époque de l’expansion coloniale du Québec en Amérique, l’Isle de  Valcour fut reprise par les britanniques, et ensuite par les américains en 1777 lors d’une bataille décisive de la Guerre d’Indépendance. De nos jours, Valcour Island est un parc inhabité et protégé, accueillant de manière saisonnière des plaisanciers et des riverains de la région de Plattsburgh désirant se mettre au calme, pour quelques jours ou quelques heures.  J’y retourne pratiquement chaque année avec ma famille.  C’est une histoire d’amour qui tient je crois à l’énergie fréquentielle des lieux.  Douze kilomètres de sentiers parfumés, une horde de chevreuils timides, des anses sablonneuses et une atmosphère hors du temps,  à 90 minutes de Montréal.

Ce jour-là, il avait finalement plut toute la matinée. Après Paradise Bay, j’étais allée marcher du côté de Cedar Point où j’avais longée la falaise jusqu’à Pebble Beach, ma plage préférée même mouillée. Ce qui est bien avec la marche afghane, c’est qu’on en vient à apprécier toutes les températures. C’est l’oxygène. On devient accro à l’air du temps. Le lendemain, il ferait beau et c’est l’autre côté de l’île qui accueillerait mes pas. Cystid Point, sur les grandes roches plates en front de lac, sous le vent dominant. De fait, ma résidence sur l’île me conduirait chaque jour en divers endroits, aussi beaux les uns que les autres. Chaque ballade me mènerait à bon port, c’est-à-dire en chacun de mes pas, car c’est la véritable destination.  Derrière l’exercice physique, au-delà de la suroxygénation, je la marche afghane me rappele avec constance que le moment présent est toujours là,  entre inspir et expir.

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Sylvie Alice Royer a fondé Marche afghane Québec en 2011. Elle enseigne la marche afghane au Québec, organise des activités et des randonnées à l’étranger.  www.marcheafghanequebec.com


[1] L’Île Valcour est située sur le Lac Champlain, État de New-York (É-U). Principalement connue des amateurs de voile qui trouve contre ses flancs un abri pour la nuit.

[2] Un inukshuk est un empilement de pierres construit par les peuples inuit et yupik dans les régions arctiques d’Amérique du Nord, depuis l’Alaska jusqu’au Groenland, en passant par l’Arctique canadien. Sa forme et sa taille peuvent varier.

 

[3] «La régénération par la marche afghane», Edouard G. Stiegler, Ed Trédaniel

[4] Prāṇāyāma  est un terme sanskrit qui renvoi au yoga, à la discipline du souffle à travers la connaissance et le contrôle du prāṇa, énergie vitale universelle.

A propos de l'auteur

En route vers la soixantaine, Sylvie Alice Royer pratique la Marche afghane depuis plus de 25 ans avec le même enthousiasme qu'à ses débuts. Quotidiennement, par tous les temps, avec un plaisir ...

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