Diane Fournier
Je venais de passer quelques jours merveilleux à sillonner les routes du Québec, au volant de mon véhicule “ 4×4 ” de marque Geo Traker, que je surnommais “ mon petit bolide ”. J’étais seule pour accomplir mon périple, mais la solitude ne me pesait aucunement. Munie d’une petite tente afin de pouvoir dormir à l’abri, d’une glacière de camping pour transporter jus et fruits frais, n’ayant que quelques vêtements de rechange dans mes bagages, je me déplaçais un peu à l’aventure, m’arrêtant lorsque l’envie me prenait d’explorer un site nouveau. Un matin, je m’étais même retrouvée sur une plage avec, pour seuls compagnons, quelques phoques venus se reposer sur les rochers à quelques mètres du rivage. J’avais longé ainsi la rive sud du fleuve Saint-Laurent, jusqu’aux abords de la Gaspésie.
En me levant, ce matin-là, j’avais décidé qu’il était temps de rentrer au bercail, mais je m’étais promis de récidiver aussitôt que j’en aurais l’occasion. Je roulais donc en direction de Québec, toit et fenêtres baissés, cheveux au vent, bénéficiant de la température très clémente. Je me sentais libre et choyée, remerciant le ciel pour les magnifiques vacances que je venais de passer. J’éprouvais beaucoup de satisfaction face à mon petit bolide qui, malgré ses dix ans d’usure, avait encore fière allure et dont la mécanique était suffisamment en bon état pour me permettre de parcourir les routes à ma guise.
J’avais vraiment l’impression d’avoir vécu, ces derniers jours, le paradis sur terre. Je me trouvais dans cet état de grâce lorsque, suite à une manœuvre pour tourner vers la gauche, je ressentis un choc du côté de la portière gauche accompagné d’un bruit sec ; je fus projetée dans les airs et eus le réflexe de m’agripper fermement au volant. Je vis des morceaux de métal rouge voler de tous côtés ainsi qu’une des roues tournoyer dans les airs avant d’atterrir moi-même dans le champ en bordure de la route.
Je n’eus pas le temps d’éprouver de la peur, mais mon cœur battait la chamade lorsque je réalisai ce qui s’était passé. J’étais assise derrière le volant de mon véhicule qui venait de voler en éclats suite à une collision avec une autre automobile. Je regardais autour de moi, totalement incrédule. Je ne pouvais concevoir qu’au moment où je vivais tant de plénitude, il se soit produit une catastrophe de cette envergure, sans que je pressente ce qui allait venir. Je me sentis coupable, comme si je devais payer pour cet instant de bonheur sublime.
C’était un miracle qu’il n’y eut aucun blessé dans cet accident majeur. Retrouvant mes esprits, je m’éloignai un peu pour regarder la situation de l’extérieur. Il était évident que mon petit bolide était une perte totale. Je ne comprenais pas la raison de la situation dramatique que j’étais en train de vivre, mais j’en vins à me dire qu’il ne s’agissait sûrement pas d’une punition et que je finirais bien par y découvrir un côté positif.
Je me sentais apte à conduire et louai sans plus tarder une voiture neuve pour rentrer chez moi. Je repris la route vers Québec, appréciant le confort de la suspension et de l’air climatisé dont le véhicule était muni. Je me sentis à nouveau protégée et choyée par la Vie, à l’encontre de toute logique après ce qui venait de se passer. J’arrivai sans encombre à la maison, quatre heures plus tard.
Dans les jours qui suivirent, je réfléchis à la perte que j’avais subie. J’aimais beaucoup ma voiture et le seul inconvénient qu’elle avait à mes yeux était sa conduite manuelle qui me demandait beaucoup d’efforts physiques. Il s’agissait d’un petit camion non équipé d’une servodirection, dont le volant ainsi que le bras de vitesse étaient très rigides. Il m’arrivait souvent de penser que j’aimerais avoir une voiture automatique avec un volant plus facilement manœuvrable, mais je repoussais à chaque fois cette idée, me disant que je n’avais pas d’argent à investir dans une nouvelle auto et que cet achat serait déraisonnable.
Je compris que, étant donné que je ne me serais jamais départie volontairement de mon auto, l’Univers venait de me la retirer pour m’obliger à me procurer une voiture correspondant à mes désirs. Mais encore fallait-il que je trouve la perle rare et que celle-ci ne dépasse pas mon budget. Il n’était pas question, pour moi, d’investir dans l’achat d’une voiture neuve.
Je n’eus pas à chercher longtemps, car quelques jours après l’accident, je vis la réplique “ rajeunie ” de mon petit bolide à vendre dans une cour de garage : la voiture était du même modèle et de la même couleur. Mais c’était un véhicule de trois ans, avec très peu de kilométrage au compteur et une carrosserie en parfait état, ce qui lui donnait l’aspect d’une voiture neuve, à s’y méprendre. Et surtout, fait extraordinaire, le petit camion rutilant était équipé d’une transmission automatique, comme je l’avais si souvent rêvé.
Au premier coup d’œil, je n’eus aucun doute que cette voiture m’était envoyée par l’Univers pour remplacer mon petit bolide. La transaction s’effectua rapidement. J’obtins un montant équitable des assurances et pus me permettre d’investir la somme manquante à l’achat, sans dépasser mon budget.
J’adore conduire mon “ nouveau bolide ” quelle que soit la saison. Je ne peux cependant m’empêcher d’admirer la sagesse de l’Univers qui a orchestré les événements pour m’amener à m’offrir le cadeau dont je rêvais, mais que je n’osais m’acheter parce que cela ne me semblait pas raisonnable.
Ainsi, chaque événement qui se produit dans notre vie, même s’il nous semble tout d’abord négatif, possède toujours un côté positif. Submergés dans notre monde émotionnel, il nous faut parfois un certain temps pour voir l’effet bénéfique d’une situation dramatique. Mais il est important de demeurer attentifs et d’explorer tous les aspects de l’expérience, en conservant en mémoire qu’une Énergie Supérieure supervise, avec amour et doigté, tout ce que nous vivons au quotidien. Cette conviction nous sécurise et nous permet de dédramatiser tout ce qui survient à l’improviste dans notre vie.