« Un printemps à Saint-Surprenant »
Pour moi, ce fut d’entendre ma mère raconter des histoires qui m’a donné le goût d’en écrire. Les histoires de ma mère, première conteuse de la famille!
Quand elle entame le récit d’une anecdote, toute sa physionomie se transforme, elle commence par se camper confortablement et ostensiblement sur son siège, puis, avec deux doigts, essuie la commissure de ses lèvres et prend un air satisfait qui prédit l’histoire goûteuse. Elle n’a pas émis un son que je suis pendue à ses lèvres dans la charmante extase de l’attente. Elle a le don pour dépeindre avec éloquence et en quelques mots colorés un personnage qu’elle a connu, de cerner et d’exploiter ce qu’il y a d’inédit dans une situation, et d’y mettre sa couleur. Elle ponctue de : « Pis c’est pas toute… écoute bien ça… » et nous garde ainsi en haleine jusqu’au punch final. Elle a naturellement ce rythme, ce « timing » comme l’appellent les professionnels.
C’est à ma mère que je dois l’élan qui m’a soutenue pour construire et imaginer la vie des gens de Saint-Surprenant. Mon grand-père a possédé deux hôtels de campagne où ma mère a grandi. Par ailleurs, c’est l’un de ses hôtels qui illustre le volume.
J’ai voulu raconter toute la drôlerie qui émergeait d’un débit de boisson et qui va au-delà des pitreries d’hommes éméchés (bien que je ne pouvais me permettre de les ignorer…), de même que toute la détresse dissimulée que portent en eux, par moments, plusieurs êtres humains. J’ai tenté de décrire le paradoxe entre ce que les gens laissent paraître et ce qu’ils sont. J’espère que j’ai réussi à rendre hommage aussi à ceux qui sont capables d’étaler au grand jour leur folie, leurs espérances et leurs différences.
Le début des années soixante était une époque pleine de contradictions tout à fait dans le ton de mon histoire. Les temps changeaient, les mentalités et les individus aussi. Les grands changements sont toujours accompagnés de tensions et de doutes mais il en naît souvent un meilleur temps…
J’espère que vous aimerez les gens de Saint-Surprenant autant que moi, au point où j’en oubliais parfois les avoir inventés.
Bonne lecture !
Brigit Tremblay