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Les dégâts du décodage compulsif

La connaissance peut-elle être compulsive? Pouvons-nous nous jeter sur des données scientifiques, mystiques ou philosophiques comme sur un pot de chocolat ou une boite de coke ?

Je dirais que c’est probablement une étape inévitable dans notre vie à partir du moment où nous sommes en quête de nous même, quand se ressent le manque de notre connaissance innée. Nous aspirons à trouver dans les sciences ce que notre cœur dit tout bas mais qui reste encore inaudible à nos oreilles d’adulte pas encore sage. Tout comme la fusion avec  notre mère au début de notre existence est un passage nourrissant, la recherche de données extérieures est gratifiante pour notre croissance personnelle. Le  seul danger du stade oral qui boit les paroles de l’autre sans se demander ce qu’il y a dans le biberon est la dépendance à l’autre. On peut donc devenir dépendant de la connaissance, cherchant sans cesse meilleur gourou ou livre-clé qui viendra satisfaire cette urgence intérieure de pouvoir lire en soi-même ce que les autres disent. Les réponses apportées seront très rassurantes pour nos questions existentielles tout comme le bébé repu d’une tétée maternelle pourra s’endormir et retourner à son monde intérieur encore un peu divin.

Deux spécialiste des textes Hébraiques nous parlent de l’évolution de cette quête de soi. Georges Lahy raconte l’histoire de quatre rabbins qui partent explorer le Jardin de la Connaissance. Annick de Souzenelle parlent elle de 4 vergers qui sont autant de niveaux d’appréhension de ce que l’Homme peut percevoir et intégrer de la réalité du monde. Chaque verger donne un fruit qui est un message que le Rabbin doit avoir goûté, digéré avant de pouvoir entrer dans le verger suivant et être à même de rencontrer la Connaissance où « tout est silence et adoration, terre promise. » ces métaphores parlent de comment  nous allons interpréter les connaissances que nous recevons.

Le premier rabbin pénètre le premier verger et  prend tout ce qu’il reçoit  au pied de la lettre, au sens littéral. Il croit dans ce qui est apparent, ce qu’il voit. Il n’interprète pas, il prend tout à fleur de peau et tant de connaissance le laisse mort sur le champ. Le second pénètre et voit des allégories, des signes et des symboles partout. Il s’autoanalyse, scrute  ses conflits chaque fois que son corps émet un rot ou une douleur et il devient fou. Fou de ne pas avoir su à quoi cela lui servait. Le troisième lit aussi les signes et les symboles mais leur donne un sens. Pour donner un sens il est obligé d’interpréter et cela lui permet de tout dire et son contraire. Il perd la foi. Seul le quatrième rabbin sort comme il est entré. Il accepte le mystère et trouve le sens au delà du sens.

Le problème de la connaissance n’est pas d’en avoir mais de savoir que faire avec.
« l’ignorance est source de souffrance » et bien souvent un moyen de pouvoir sur les autres. Mais la connaissance en est un autre tout aussi efficace pour maintenir des gens malades dans une confusion toute aussi nocive que les médicaments chimiques. Tout dépend dans quel verger on travaille.

 Mon intérêt porte surtout sur ce qui est fait avec les nouveaux concepts de médecine holistique où corps et esprit oeuvrent main dans la main pour le bien être et la santé des individus. Avec le 21ème siècle, le stress entre enfin au panthéon des causes de maladie. Les  neurosciences flirtent avec la psychologie et la  spiritualité et de nombreux courants médicaux alternatifs viennent offrir de nouvelles avenues pour rendre à chacun son pouvoir de guérison.

 Dans ce domaine, il est facile d’être premier  rabbin,  prenant tout au sens littéral, buvant comme du petit lait les paroles des maîtres, sans chercher à avoir du recul, appliquant consciencieusement des protocoles qu’ils soient naturels, chimiques ou paroles guérisseuses. Certains malades ont guéris, faisant honneur au concept et au thérapeute sans se demander si il ne s’agissait pas tout simplement de ce bon vieux monsieur placebo qui dans un tiers des maladie suffit avec quelques gouttes d’eau ou d’anges, à nous redonner santé.

On peut aussi devenir rapidement des  deuxièmes rabbins, transformant la vie en recherche de signes désespérément, trouvant dans le moindre mouvement des feuilles d’un arbre,  la solution à nos problèmes. L’auto analyse poussée à l’extrême conduit au nombrilisme et à des projections erronées sur le monde. Si je marche pied nus tout l’été sur des roches saillantes et que la corne pousse sous mon pied, j’appelle cela un mécanisme d’adaptation qui cessera lorsque je remettrais mes pantoufles confortables à l’automne. Je n’appelle pas cela un conflit. Dans ce deuxième verger, on peut facilement rencontrer des gens bien intentionnés, jouant avec les signes pour écrire des scénarios maladisants tout à fait « clairs » mais pas toujours encore avec ce que vit le malade. Un papa téléphone à une thérapeute pour son fils qui a un cancer des testicules. Elle lui fait tout un laïus sur la perte, les enfants etc. Mais sans lui demander une seule fois quel type de cancer des testicules. Celui de son fils  justement n’avait rien à voir avec le conflit de  perte habituel.
Peut être que si elle avait été un troisième rabbin, elle se serait donc abstenue de dévoiler toute sa connaissance par téléphone, respectant une éthique professionnelle et permettant aussi de se renseigner « médicalement »  sur la maladie avant d’avoir son idée sur la question. Elle aurait aussi permis à la personne malade de choisir de comprendre le sens de sa maladie ou de ne pas vouloir le faire. Ce n’est pas parce qu’on s’intéresse au sens de la maladie que l’on est prêt à faire le saut dans le troisième verger. À ce niveau, la connaissance est une compréhension de tous les signes, symboles précédents et Annick de Souzenelle précise que le sens du message implique ici de vivre le message bouleversant que j’ai reçu pour l’intégrer. « s’il ne me trouve pas prêt à être forgé par lui, il me brûle, mais s’il me trouve prêt, il me sculpte et me cisèle » dit-elle à propos du Verbe divin. Le fruit de la connaissance devient un poison pour qui ne le vit pas véritablement. 

« La maladie est un divorce intérieur ». Qu’est ce que je peux ou veux changer alors pour bien signifier à mon corps et à mon esprit que j’ai reçu le message? Tel est la question qui fait grandir. Donner du sens à ce que nous vivons est sagesse qui nous permet de nous éloigner des schémas dualistes de victime et bourreau. À  ce niveau, le rabbin est capable de concevoir qu’il participe à la création de sa vie et donc de sa maladie. Le premier rabbin est victime de la maladie due à des circonstance et facteurs extérieurs. Si il y a un problème avec un patron, la solution sera de changer de patron. Le deuxième  rabbin  est victime  de lui-même, cherchant sans cesse à s’améliorer pour comprendre son conflit avec le risque de vouloir être parfait. Le troisième conçoit l’acceptation, de ce qui est mortel, comme faisant partie de lui et de son histoire.

Quand au quatrième rabbin qui voit le sens du delà du sens, il est capable d’humilité et de compassion face à celui qui souffre, le laissant avec un « qu’il en soit fait selon ta volonté » qui confirme sa foi et sa spiritualité. Il vit dans un monde qu’il crée à chaque instant, sachant que la réalité n’existe pas en dehors de ce que l’esprit y projette. Il comprend la physique quantique et la méditation et ne cherchera jamais à convaincre qui que ce soit de sa vérité. Il sait que l’observateur influence l’expérience et que la science ne prouve que dans l’instant présent, ce qui pourra être faux dans le futur. Il vit dans un monde supra lumineux.

L’histoire des quatre rabbins est très éclairante pour nous permettre de nous demander avec humilité, ce que nous faisons de notre connaissance. Peut-être nous reposer souvent cette question : quel rabbin suis-je dans cette quête de sens ?  Suis-je  encore au stade fusionnel du décodage compulsif, sorte de manie inspirée de magie qui sous prétexte de connaissance, rend autrui prophète de la vie des autres? Suis-je un traqueur de signes, habile à inventer des histoires à tiroirs ou suis-je un  troisième rabbin qui multiplie ses interprétations au risque de ne pas accepter ses erreurs ?

Je souhaite que les racines de votre verger soient  solides ce qui veut dire avoir une base essentielle pour qu’en tout temps, vos branchages et vos feuillages ploient doucement sous le vent des critiques et des difficultés et que cette année, vos fruits soient savoureux et généreux.

ISABELLE  BURNIER
www.consciencecellulaire.com
Prochain cours d’initiation à l’anatomie physiologie
à MONTRÉAL le 21 et 22 janvier au Centre St Pierre.

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