L’amour avec un grand O comme ocytocine
Non pas parce qu’elle est une révélation scientifique, mais bien plus parce qu’elle est dans tous les magazines où l’on tente de nous expliquer pourquoi ou comment être amoureux. Qui est réellement cette starlette de la biologie dont le taux grimpe dans notre sang tandis que nous grimpons aux rideaux ?
Petite histoire de cette belle romantique.
Il était une fois, dans une zone reculée de notre hypothalamus, quelques cellules heureuses dont le but était de sécréter de l’ocytocine. Leur vie était merveilleuse puisqu’elles ne travaillaient que dans le bonheur. Chaque fois qu’il y avait des caresses, des lèvres tendres et empressées, du plaisir qui faisait sourire ou des mains qui rendaient douce la peau la plus rebelle, elles se mettaient au travail. Et plus il y avait de bonheur, plus elles travaillaient, faisant de la sorte que la personne qui recevait ses « shoots d’ocytocine » devenait un peu dépendante. Cette faiseuse de plaisir agissait comme une drogue qui rendait de plus en plus amoureux et fidèles ceux qui étaient ainsi perfusés. Par contre ces cellules s’ennuyaient beaucoup chez ceux qui ne vivaient que leur propre ambition sans réel attrait pour la jouissance de l’autre ou chez ceux qui avaient oublié qu’ils avaient des mains et des lèvres pour aimer.
Mais hélas, dans les châteaux cachés du monde de nos cerveaux, les fées ne se sont pas penchées sur les cellules à ocytocine avec le même don. La production de ce philtre d’amour maison ne semble pas similaire chez tous les partenaires. Que s’est-il passé pour qu’une fée carabosse vienne se pencher sur le berceau en criant : « tu ne seras jamais aimé » ou sa variante « tu ne sauras jamais aimer » ? Dans les deux cas, la malédiction de l’amour plonge les cellules du château dans un sommeil mortel et comme la sécrétion d’ocytocine est stimulée par les baisers, la personne non aimée attend toute sa vie le prince charmant qui viendra la sortir de ce sortilège, juste en touchant ses lèvres. Comme quoi les contes de fées ne sont pas aussi stupides qu’on le croit.
La fée des sciences avait été invitée au château pour rassurer le roi et la reine sur le mal d’amour de leur enfant.
Elle leur avait raconté que les récepteurs à ocytocine devenaient de plus en plus importants au cours de la grossesse au niveau de l’utérus afin que celui-ci puisse se contracter efficacement lors de l’accouchement. Elle s’étonnait d’ailleurs que les pics d’ocytocine qui témoignent du plaisir de l’orgasme ou de la relation amoureuse, provoquent aussi à la naissance une expulsion majeure. Comme si amour voulait dire séparation mais en restant fidèle! Double message imprimé dès notre plus jeune âge dans une ambivalence comme si la mère disait « je te mets dehors mais je t’aimerais toujours ». Dans les accouchements normaux, la perception première du fœtus face à cette notion de plaisir sera cette possibilité d’être séparé mais avec amour. Il n’y aura pas de danger à quitter l’autre car au fond de soi, inscrit dans toutes les cellules du château, la trace de ce premier amour flottera au sommet de nos plus belles tours. Les contractions fortes de l’expulsion donneront en plus une sensation d’être soutenu dans les phases de séparation donc d’avoir confiance dans la capacité à faire ce passage. Certains tournent vite la page quand se termine leur attachement amoureux : c’est peut être parce que leur première séparation s’est faite dans une confiance que l’amour existera toujours. Pour d’autres la solitude est trop souffrante et l’amnésie une solution gagnante. Comme toujours, à chacun son refrain.
Bien sûr, la fée psychologie est arrivée en urgence pour dire son mot sur cette dépendance. Elle répéta ce que tout le monde savait sur la fusion, le manque, le sevrage et la difficulté à devenir des adultes sages. Consciente que personne ne l’écoutait, elle montra tout à coup du doigt la fée carabosse et l’accusa d’oser venir faire un tour dans nos histoires d’amour.
Celle-ci a été vue la première fois pendant la grossesse, en train de roder autour de la mère , furieuse de voir cette hormone du plaisir rendre la maman épanouie, le père attendri et le fœtus tout ravi.
Un jour pourtant dans une chambre sans joie, elle vit une mère dont le ventre restait muet, sans tonus pour expulser. Accoucher vient du latin accubare qui signifie se mettre au lit. Les difficultés d’expulsion seraient-elles un reflet des affres d’une sexualité malmenée ? Le père qui doit être un bon guide pour l’enfant, car c’est lui qui accompagne le passage vers le monde extérieur doit aussi être bon amant pour la mère. Mais si il ne lui laisse pas de place, elle serrera dans son ventre ce fœtus qui gardera en lui cette difficulté de s’étendre, de s’abandonner sans danger. Cet enfant serait-il capable d’aimer ? La première empreinte de l’amour respire l’espace que se sont accordés les parents autour du berceau et la mère dans son corps métamorphosé réclame autant d’attention qu’une jeune vierge immaculée. Pour l’enfant qui sort difficilement, séparation signifierait souffrance car pas de plaisir ni de soutien pour quitter cette première expérience. La mère le met dehors avec ce message inconscient de « pars, je ne t’aime plus, je n’ai pas de plaisir ». La fée carabosse se charge alors de cette malédiction où il faut se quitter sitôt qu’on s’ennuie.
Elle adore aussi se promener dans les salles d’accouchement où les péridurales endorment les mères en douleur, ce qui provoque une baisse de la sécrétion naturelle d’ocytocine. Dans ces cas là, la relâche musculaire due à l’anesthésie contraste avec la puissance des contractions engendrées artificiellement par une perfusion de Pitocin ou autre Syntocinon.
Le bébé reste dans une indécision où l’amour est ce paradoxe de dur et de mou, de promesse qui aboutisse à la détresse tel un « oui je te demande de partir mais je ne peux pas t’accompagner » et bien souvent le nouveau né n’aura même pas le réflexe de téter. Comme si le lien animal déjà était coupé.
Normalement au château des nourrices, les cellules à ocytocine s’activent dès que le bébé s’accroche à la tétine maternelle. Elles permettent que le lait soit éjecté dans les canaux galactophores du sein pour venir régaler l’enfant qui s’endort. Une fois de plus, par sa présence, cette chère ocytocine rassure et met en confiance, donne à l’enfant puis à l’adulte la chance de s’éloigner sans danger de cette première expérience de l’amour qu’à l’oreille lui ont chuchoté tous les amants et amantes des parents de sa lignée.
De toutes ces fées penchées sur son berceau, la belle du château du mal amour préféra la fée des bons mots. Car de toutes, c’est elle qui avait le plus d’humour pour parler des princes déguisés en crapauds ou des cendrillons habillées en mannequin. Elle aimait surtout ce petit mot de Cocteau : « il n’y a pas d’amour, il n’y a que des preuves d’amour »
Alors la fée des mots lui apprit à dire je t’aime en quelques cours du soir. L’enfant était doué, on avait juste oublié de lui raconter l’histoire.
Isabelle BURNIER
Pour en savoir plus sur l’auteure, nous vous invitons à visiter sa fiche sur Alchymed.
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