L’envol du papillon : éloge de l’ermitage
Gracieux, léger, il est pourtant robuste et capable de hauts vols et de longs voyages. Ce papillon qui nous émerveille a pourtant été une chenille. Une chenille qui s’est enfermée dans un cocon de soi(e) pour accomplir cette extraordinaire transformation.
Nous, les humains, nous sommes aussi appelés à changer au cours de notre vie et nous avons besoin d’un environnement propice pour y parvenir. Un ermitage est un de ces lieux qui offre, tout comme le cocon, un endroit protégé, solitaire et silencieux, favorable au recueillement et à l’introspection. La chenille semble se replier sur elle-même et se cacher, isolée et solitaire. Elle est en fait à s’accomplir, à se reconstruire, à se métamorphoser, à se préparer à voler avec ses congénères. L’ermite fuit momentanément le bruit et la folie du quotidien, du monde et de la ville pour entendre sa parole intérieure, pour toucher le cœur de son être, se régénérer, et être capable de mieux aimer et entrer en relation avec les autres. La chenille a tout ce qu’il faut en elle-même, simplement, malgré la magie qu’elle opère. Notre inconscient et notre corps sont des guides sûrs pour nous indiquer nos ressources; ils nous révèlent les mystères de l’invisible qu’est notre monde intérieur.
Une chanson dit : « Tu trouveras la paix dans ton cœur, et pas ailleurs ». C’est vrai. Si ce que l’on cherche est d’être en harmonie, enraciné, heureux, connecté à soi, aux autres et à son environnement, il n’est pas nécessaire d’escalader la plus haute montagne ou de se perdre dans un désert où il y a des mirages. Se donner un temps sacré, se retirer dans le calme loin des distractions, c’est une solution pour un nouveau souffle, c’est une vacance pour l’âme et le corps.
Contrairement à la chenille et au papillon, les changements pour nous sont plus nombreux et ils peuvent être de différentes natures. Quand on décide de faire un ermitage, on peut le faire pour diverses raisons. Se reposer, se détendre, afin d’en ressortir rafraîchi, rempli d’énergie. Réfléchir pour pouvoir poser un regard neuf sur sa vie. Traverser un épisode de détresse afin de toucher à l’espérance et à la joie. Panser ses plaies pour guérir d’un problème de santé physique ou psychique. Accepter de ressentir sa souffrance refoulée pour s’en libérer. Oser explorer des zones obscures pour y voir clair.
Il ne faut pas avoir peur de cette expérience qui ramène aux sources, à ses origines, seule manière de prendre contact avec soi, de se sentir cohérent, authentique. Retrouver ses racines signifie aller vers ce qui a un sens réel pour nous, une résonance, et cela doit nous ressembler. Il n’y a pas si longtemps, nos parents ou grands-parents connaissaient bien cette idée d’une retraite occasionnelle et plusieurs la pratiquaient. On allait faire son « examen de conscience », c’est-à-dire réfléchir et éclairer les racoins de son « âme ». Cet héritage, cette tradition de sagesse s’est presque perdue, alors qu’on se cherche éperdument. Si autrefois la retraite se faisait dans un contexte religieux, il existe aujourd’hui quelques rares ermitages laïcs qui ne font la promotion d’aucune spiritualité.
Qu’on ressente de l’insatisfaction face à sa vie, ou un désir de dépassement, ce ne sont souvent pas les quelques jours ou semaines de temps libre qui nous aident vraiment. Au moins une fois dans sa vie, il vaut la peine de s’accorder un temps précieux, de renoncer aux divertissements pour se retirer. Suivre son élan vital, se faire confiance, s’abandonner à son destin. Oser s’entendre, se ressentir, vibrer par tant d’intensité, pour que la chrysalide sorte de l’ombre et prenne son essor dans la lumière.
Et si la chenille avait refusé de s’enfermer dans son cocon?
Jocelyne Tousignant Ms. Sc., ph. D. in i.
Elle a fondé l’Ermitage Clair-Obscur, laïc, dont elle est responsable. Convaincue des bienfaits d’un ermitage pour l’avoir expérimenté, elle accompagne ceux qui y viennent en séjour. Tél.:819-428-9368/1315; [email protected].
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