SHOWMAN OU CHAMANE?
Une femme extravagante et délicieuse
Lorsque j’ai commencé ma pratique comme psychothérapeute en 1981, j’ai été très marquée par la présence, dans mon environnement, de Ma Premo, une remarquable créatrice de rituels. Ma Premo a un intérêt peu marqué pour la psychologie, et ne se gêne pas pour le dire. Ce qui l’intéresse, c’est l’âme, la partie intacte de la personne. Je la vois comme une guérisseuse prenant appui sur une vaste culture ésotérique, une intuition fine et une série de techniques “magiques” qui utilisent largement la respiration, les visualisations, la musique, le théâtre, l’expression picturale et la danse sur un mode rituel, les techniques de régression, les cristaux, le déguisement, les sons et la méditation. Bref, tout l’arsenal des nouveaux chamanes disponible maintenant sur le marché.
Je me rappellerai toujours la joie et le respect qu’elle manifestait à la fabrication d’une espèce de baguette magique (garnie de plumes et de pierres). Cette baguette se terminait par un gros cristal, et elle l’utilisait sur un mode à la fois loufoque et sacré dans ses groupes.
Un jour de novembre, nous avions conçu et animé ensemble un atelier ayant pour thème Passages (Mort et renaissance). Tout le week-end constituait un immense rite de passage qui m’a beaucoup impressionnée, tant par sa créativité que par son pouvoir de transformation chez moi et chez plusieurs de mes clients.
Lorsque plus tard je tombai sur le livre de Stan Grof, L’Inconscient et la mort, dans lequel il décrivait certaines cérémonies ancestrales, j’ai été sidérée par leur analogie avec nos propres rituels. Ils émergeaient, me semblait-il, des profondeurs de notre inconscient.
Les caractéristiques du travail de Ma Premo, je les retrouverai chez la plupart des nouveaux chamanes. La capacité de voyager d’un monde à l’autre et surtout d’amener les participants à un état modifié de conscience. Une façon de travailler qui a quelque chose de terrien, de tellurique et qui se réfère souvent à la nature: l’importance de l’enracinement dans le corps (particulièrement dans les jambes) et dans la sexualité; le but, comme chez Reich, de restaurer la capacité orgasmique, au sens très large de capacité d’extase et d’harmonie avec l’univers; une créativité fantasque, apparemment illogique, amorale au point de vue social et souvent très ludique.
Au début, je n’étais pas très enthousiaste à l’égard de ces méthodes souvent spectaculaires, mais j’ai compris plus tard combien la mise en scène et le spectacle étaient une partie essentielle du travail avec les rituels. L’efficacité de ces méthodes au niveau de la guérison est fascinante. Lorsqu’elles sont appliquées au bon moment et à la bonne personne, elles viennent enrichir grandement les outils des psychothérapeutes et les approches psychocorporelles.
Je parle de Ma Premo, cette femme extravagante et délicieuse pour qui les mots “transfert” et “résistance” n’avaient pas beaucoup de sens à l’époque, parce que c’est à ses côtés que je me suis interrogée sur la tradition à laquelle nous nous rattachions intuitivement, et que j’ai commencé à m’intéresser au chamanisme.
Le but du travail chamanique est de nourrir et de préserver l’âme. La perte du pouvoir personnel entraîne, pourrait-on dire en termes contemporains, une perte de défense du système immunitaire psychique. N’importe quelle cochonnerie peut alors s’infiltrer et contaminer l’essence. Restaurer le pouvoir personnel est, dans ces traditions, une étape essentielle de la guérison. Chez les Amérindiens, on ira chercher sur un autre plan les animaux de pouvoir, les esprits alliés. Autrement dit, on fera de tel ou tel aspect de l’inconscient, l’allié de ce qui se passe au niveau de la conscience.
Rites et guérison
Cette dimension rituelle imbibe de fond en comble la pratique des nouveaux intervenants. Qu’est-ce donc qu’un rituel? Un message direct envoyé à l’inconscient , me dit Ma Premo .
Le rituel sera donc gestuel, dramatisé, mis en scène en quelque sorte. Cette gestuelle symbolique, si on la décode au niveau rationnel, est simpliste et n’a aucun impact. Elle prend toute sa signification et son amplitude quand les personnes qui la pratiquent la font avec une attitude intérieure de grande présence ou encore mieux, sont déjà en état modifié de conscience. On connaît cette histoire du médecin blanc qui donne une prescription à cet homme d’une tribu d’Afrique. Le malade avale la pilule, mais s’attache aussi l’ordonnance autour du cou. Superstition? “Pas du tout, disent les nouveaux chamanes. Cet homme indique clairement à son inconscient que le processus de guérison est en marche.”
“L’homme occidental moderne a perdu le contact avec deux choses essentielles: le contact avec la nature et le contact avec l’esprit”, dit Ma Premo. C’est cette reprise de contact par les deux bouts que semblent tenter nos nouveaux chamanes.
Difficile de faire le tri dans ce domaine où les distinctions entre spiritualité et occultisme, croyance et expérimentation deviennent vite confuses. Mais notre choix est de regarder ce phénomène social, peut-être précurseur, comme l’expression d’un profond besoin de l’inconscient collectif. Bien sûr, les thérapies fumeuses, les thérapeutes fumistes, les niaiseries, le mercantilisme… Mais tout organisme, tout mouvement social produit sa part de déchets.
Constatons en tout cas, l’incroyable glissement dans nos systèmes de croyances et notre conception de la santé. Un glissement très visible depuis à peine 10 ans. C’est le passage des thérapies de l’ego aux thérapies de l’âme. On considère le monde du rêve, de l’imaginaire, de l’extase et de la mort aussi réels que le monde ordinaire.
Glissement dans l’instrumentation et les moyens d’intervention: cristaux, tarots, visualisations, rêves, alliés intérieurs, rythmes, chants et danses rituels. On utilise la ruse avec l’âme, la négociation avec l’inconscient, l’auto-suggestion et la puissance de l’imaginaire comme des moyens maintenant valides d’intervention.
Glissement aussi dans les attitudes: extatiques, ludiques, dramatiques, intuitifs ou fantaisistes, les nouveaux chamanes sont souvent mal compris, parfois considérés comme malades, et la plupart du temps vus comme peu sérieux par leurs confrères patentés férus d’analyse et de diplômes! Peu leur importe! Dans leur système du monde, c’est l’esprit de sérieux qui est une forme de maladie!
Ce texte est un extrait d’un article de Paule Lebrun publié dans le Guide Ressources.
Rites de guérison spirituelle
HO Rites de passage avec Ma Premo
Du 4 au 8 août 2006
Rites panculturels de guérison et de « healing »
Pour infos :
Gaëtan Barrette
514-990-0319 ou 1-877-990-0319
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Site web : www.horites.com