Les grands saboteurs (suite)

L’autoprivation était le sujet de mon article du mois de juillet. Aujourd’hui, je vous présente une réflexion sur un autre grand saboteur: le jugement.

Lors d’une intervention dans mon dernier atelier, je me prêtais à partager un désir qui semble bien irréel pour l’instant, mais je suis certaine que dans quelques années un tel type d’appareil sera disponible. Par comparaison, je pensais aux personnes qui éprouvent des problèmes avec leur pression sanguine, et à qui on  installe à un bras, un appareil qui pendant vingt-quatre heures par exemple, va enregistrer  leur pression artérielle. En analysant les résultats, le médecin pourra ensuite décider si la personne a besoin ou non d’un support de médication. Cet appareil serait aussi minuscule que ceux qu’on installe dans les oreilles, et il enregistrerait soigneusement chacune de nos pensées qui comporterait un jugement, autant les «positifs» que les «négatifs». Notre surprise serait sûrement de taille!Je n’aime pas trop utiliser ces termes positif-négatif avec une connotation comme étant l’un bon et l’autre mauvais car ils sont tous deux essentiels, par exemple en électricité. Entendons plutôt par «positif» ce qui est source de vie, et «négatif» ce qui est néfaste à une relation, aussi bien avec nous-même qu’avec les autres.

Un certain type de «jugement» est indispensable, sinon nous nous exposerions souvent à de dangereuses situations. Par exemple, lorsque je suis au volant de mon automobile, je juge à la vitesse de l’éclair si je dois accélérer ou ralentir, freiner, exécuter un virage, changer de voie, etc. Je les appelle jugements, mais en réalité ces décisions (ou plutôt réflexes), indispensables à ma survie,  sont prises au niveau de la moelle épinière, donc ne sont pas relayées jusqu’au cortex et ne font pas l’objet d’une décision consciente. Ce n’est donc pas  ce type de «jugement» qui est l’objet de mon propos.

Par contre, lorsque je pense ou que je parle, si je prends le temps de m’entendre, je réalise que malheureusement la plupart du temps mes paroles sortent de ma bouche comme si elle émanaient de la moelle épinière seulement. Les expressions «ça sort tout seul», «j’peux pas m’en empêcher» illustrent bien  cette désastreuse réalité. Je dis bien désastreuse, car elle l’est en effet!

Et en plus, si ma phrase commence par «Tu….» il est fort probable qu’elle contiendra un jugement… et probablement «négatif».
Par exemple avez-vous déjà dit ou vous êtes fait dire :
– tu devrais faire…. Sous-entendu… tu ne sais pas décider ce qui convient…
– tu ne devrais pas…Sous-entendu… moi je sais mieux que toi…
– j’achèterais jamais ça moi…sous-entendu… tu as tort de faire cet achat…
– tu es toujours en retard! En plus, une généralisation sûrement fausse.
– j’peux  jamais compter sur toi! Encore une généralisation…
– ça m’aurait étonné que tu termines ce travail! En plus de l’ironie…

et même apparemment «positifs»
– ça c’est beau!  
– ça ça a de l’allure
– t’es donc gentil!
et aussi se dire soi-même….
– j’aurais donc dû…
– j’aurais pas dû…
et je pourrais continuer une liste presque sans fin de toutes ces expressions sous-tendues par un jugement, que vous connaissez aussi  bien que moi.

Lorsque nous prenons le temps de nous entendre –penser et parler- nous constatons que nous sommes imprégnés d’une activité presque permanente de jugements sur nous-mêmes et sur les autres,  jugements d’ordre moral, esthétique, culturel, psychologique ou autres, à partir bien sûr de nos références personnelles.

Et si je prenais le risque de laisser tomber cette évaluation automatique pour m’autoriser à m’entendre et à communiquer sans préjugés? Comme je n’y suis pas habitué-e, il est fort probable que mon personnage soigneusement construit au cours des années et qui se sécurise dans ces «jugements», se sentira menacé, car il a une peur bleue du changement. «C’est une tâche impossible» me dira-t-on! Sûrement difficile, mais pas impossible. Ne pas se juger et ne pas juger les autres ne veut pas dire que nous sommes d’accord avec les gestes posés et que nous renonçons à notre esprit critique. Nous pouvons remplacer ces jugements en émettant, si nous y tenons absolument, une opinion personnelle dont nous prenons l’entière responsabilité. Il s’agit d’utiliser davantage notre conscience, de  mettre en veilleuse pendant un court moment notre système de valeurs et nos croyances, et accepter peut-être aussi de les re-visiter pour vérifier si elles sont à notre service actuellement. Peut-être que pendant un certain temps de ma vie elles ont assuré ma vie et ma survie même, mais aujourd’hui elles sont peut-être complètement désuètes et je n’ai plus besoin de cette cuirasse pour me protéger. Elles risquent même de nuire considérablement à mes relations avec moi-même et avec les autres. Si j’ai une bonne estime de moi et que j’ai appris à me positionner clairement, je n’aurai sûrement pas besoin de condamner les autres pour me rassurer sur ma valeur.

Il est difficile dans le cadre d’un court texte de couvrir de façon valable un sujet aussi vaste et important. Je désire seulement vous proposer un début de réflexion. Lors d’ateliers que j’offre sur la communication et qui se répartissent sur dix semaines, nous prenons le temps de prendre conscience, de réfléchir, et au quotidien d’expérimenter des outils qui facilitent une meilleure communication. Le thème des jugements est un des thèmes abordés au cours de ces rencontres.

Mon objectif est de mettre de plus en plus de conscience dans nos échanges, et surtout de prendre l’entière responsabilité de ce que nous tenons tellement à dire.

Des ateliers seront offerts dès le début de septembre, de jour ou en soirée, à Québec. Si vous désirez davantage de renseignements, acheminez-moi vos coordonnées, sans obligation ultérieure, et je me ferai un plaisir de vous répondre.

Atelier de Communication Consciente
Hélène Blouin
[email protected]

Pour en savoir plus sur l’auteure, nous vous invitons à visiter sa fiche sur Alchymed.