Du Brésil…. avec amour
Ciranda, Brésil, Février 2009
Bom dia…
Je vous écris du Brésil. Je viens ici depuis quelques années déjà pour prendre part à un type de pèlerinage bien particulier : le chemin précieux de l’ayahuasca. Un chemin de plus en plus fréquenté, par un nombre grandissant d’Occidentaux en quête de sens, en quête d’eux-mêmes. La foule ici en ma compagnie est composée d’individus en provenance de partout dans le monde. Des compagnes et compagnons de voyage, saltimbanques de l’âme et de l’apprentissage, courageux et en quête d’eux-mêmes.
L’ayahuasca est en fait une concoction ancestrale fabriquée à partir de deux plantes (banisteriopsis caapi et psychotria viridis) utilisée depuis des siècles par les chamanes et guérisseurs du grand bassin amazonien. Cette concoction unique, familière ici en Amérique du Sud, est en effet de plus en plus redécouverte, connue et reconnue en Occident pour son pouvoir thérapeutique et visionnaire. L’utiliser dans son contexte d’origine se révèle à chaque fois une expérience puissante, fondatrice et hors du commun. Car on ne peut jamais prédire les conséquences de l’absorption de ce « thé » au goût amer – un thé qui se boit froid soit dit en passant – et qui permet de reconnecter avec la source de l’existence, avec le tout, avec la source de soi en soi.
On dit d’ailleurs de l’ayahuasca que c’est une plante maîtresse, une master plant, une plante privilégiée dans la flore du continent sud-américain qui en compte pourtant des centaines sinon des milliers d’espèces. Son goût particulièrement amer et rebutant constitue une sorte de protection face à d’éventuels abus, sans compter l’imprévisibilité du thé. Car l’effet, s’il peut être totalement euphorique, peut au contraire aussi s’avérer ardu et presque insoutenable par moment. De moins toujours minimalement décoiffant. Car, contrairement à plusieurs autres substances psychotropes, le voyage à l’ayahuasca n’est jamais facile ni simple, loin de là. En fait, chaque gorgée, chaque séance, chaque cérémonie est un périple en soi, dont il est absolument impossible d’en prédire la teneur et le déroulement. Mais la plante se révèle toujours être un contact franc et direct avec soi, avec des zones de son être insoupçonnées ou oubliées. Un retour vers son centre que l’on a oublié depuis longtemps et que l’on retrouve avec émerveillement et parfois même stupéfaction. Qu’il est révélateur ce chemin, au-delà de la simple théorie et compréhension uniquement fondée sur la rationalisation et le mental. Le chemin de l’ayahuasca est un voyage pour les courageux de l’âme, pour les aventuriers, pour ceux et celle qui désirent expérimenter concrètement, se connaître et faire le chemin direct vers soi. Un accès vers notre horizontalité, vers notre destinée intrinsèque cachée dans le corps physique et qui contient toute notre existence, passée et à venir.
La prise de ce thé rebranche directement sur le coeur, sur le corps, sur l’âme. Il permet non seulement d’acquérir des visions riches de sens, mais aussi de reprendre un contact bien senti avec le corps physique en délogeant les tensions et les blocages qui empêchent l’énergie de circuler librement. Le chemin de la purge est un élément essentiel de la médecine sud-américaine. Et c’est là que le thé peut être particulièrement difficile pour certains car il contribue à libérer de nombreuses émotions et émotions refoulées au plus profond de son être, ce qui est parfois pénible. Il n’est pas rare que ce nettoyage en profondeur des mondes émotionnel, physique et psychique provoque pour plusieurs expérimentateurs nausées et vomissements, ce qui est plus fréquent lors des premières expériences. Par la suite, s’il devient plus connu de manoeuvrer avec les effets provoqués par la prise du médicament, rien n’est jamais prévisible pour autant. Mais le chemin se familiarise graduellement.
Pour les Sud-Américains, l’ayahuasca est considéré comme un médicament (d’où son nom de medicina) et non comme une drogue, contrairement à notre conception de nord-américains obsédés par les lois prohibitionnistes des cent dernières années. J’en suis à mes premiers pas de ce quatrième périple en deux ans en cette terre. Au moment d’aller sous presse, je vous livre les réflexions de trois premières nuits de ce voyage qui en comptera six au total sur une période de deux semaines… Tout un défi que de décrire l’indescriptible… alors voici tout de même.
17 février, première nuit…
La terre du Brésil m’a de nouveau parlé par le biais du thé. Mon dernier voyage remonte à une année. Hier soir, première cérémonie, à mon arrivée sur place, directement sorti de l’avion, toute la nuit durant, le thé a fait une fois de plus son chemin jusqu’à mon âme, me souhaitant la bienvenue, décapant des zones corporelles surprenantes. Après un voyage Montréal-Rio s’échelonnant sur plus de 24 heures, ponctué de halls d’aéroport divers, de quelques retards et de connexions manquées, le thé m’a dit de relaxer, de ne pas forcer la note, de prendre ça relax et de faire confiance. La terre du Brésil prend soin de ses enfants, des gens qui l’aiment.
Le thé vient d’ici, pousse ici, il prend tout son sens ici. Des millénaires fondent l’expérimentation en ce sol. Tous les chamanes et pèlerins ont contribué et contribuent toujours à cette recherche. L’épuisement du voyage est comblé par le profond repos du thé. L’arrivée et l’atterissage sont donc amorcés.
19 février, deuxième nuit
Quelle nuit !
À chaque prise de la medicina, le chemin vers soi se creuse, s’approfondit, se précise, se raffine. Car en effet, si nous, Occidentaux, considéront les substances enthéogènes comme des drogues, les chamanes des peuples fondateurs les utilisent en tant que médecines de l’âme, comme des révélateurs de notre état fondamental. Les plantes nous amènent directement en des endroits en nous qui ne sont pas accessibles autrement.
À chaque prise de la substance, les obstacles fondent, les icebergs du corps et de l’âme se désagrègent et se désintègrent. La digue rompt et l’énergie circule, passe en moi. L’âme s’allège à mesure que le corps se libère de ses chaînes. En fait le corps donne ancrage à l’âme, à son essence. Le nettoyage et l’ouverture se poursuivent sans que l’on ait à décider quoi que ce soit, la plante nous guide et sait. On n’a qu’à dire oui.
La prise du thé permet de voyager dans les différents mondes, dans les multiples réalités qui composent cette existence. La musique, intrinsèque aux rituels, soutient le voyage, lui donne une profondeur, une vie qui lui est propre.
21 février, troisième nuit… à venir
Umbanda ce soir. Contrairement aux autres nuits où l’on est généralement assis, à chanter et à prier, ce soir, toute la nuit durant, nous danserons. En compagnie de quelques autres percussionnistes, dans quelques heures et pour plusieurs heures, je garderai le rythme alors que nos compagnes et compagnons de voyage danseront leurs pas sur le chemin et chanteront leur chemin toute la nuit durant. Le fait de danser et de chanter constitue une discipline rigoureuse, une ligne directrice quand les mouvements de l’âme sont trop bouleversants. À un niveau subtil, les mouvements constituent un exercice de bioénergie qui stimulent l’énergie du corps, activent la guérison corporelle autant qu’émotionnelle. Je vous reviens demain matin….
22 février…. aux aurores
Wow ! quelle intensité, quelle vague, quel woosh, splish, bong ! Tel que prévu, nous avons dansé, chanté et joué des percussions toute la nuit durant sous l’effet de la plante. Décidément, les esprits sont avec nous. Difficulté de rendre compte de cette intensité, de cette densité dans l’énergie du groupe. Chaque personne passe dans son propre tourbillon personnel et en même temps, le groupe en entier est dans un mouvement commun et tellement puissant. Que nous sommes tellement plus que ce que nous pensons être. Les mots viennent difficilement et pour un académique verbomoteur de ma trempe, cela est un exploit !
J’arrêterai ici mes carnets de voyage pour le moment. Je me demandais hier, pendant la nuit, pourquoi je vous écrivais, ce que j’avais à transmettre, à vous communiquer. Ce rapport sur mes péripéties de veut une tentative de pas vers vous, de pas vers moi. En espérant vous avoir touché et rejoint, je vous salue et vous revient au Québec d’ici peu.
Et le néochamansime au Québec ?
Je dirige une formation en néochamanisme ici au Québec qui inclut un séjour au Brésil en janvier 2010 pour expérimenter de façon plus directe avec la plante dans son contexte d’origine.
Pour information : 450-224-8536
Pour en savoir plus sur l’auteur, nous vous invitons à visiter sa fiche sur Alchymed.