L’aile blanche et l’aile noire…
J’utilise ici l’image de l’ange, car elle est très appropriée. Et c’est peut-être ce que nous allons tous devenir incessamment, nous, les personnes qui sont sur la route de leur propre autonomie. Commençons par le début, voulez-vous ? Un ange possède deux ailes, vous êtes d’accord ?
Parfait ! Imaginons maintenant que nous sommes cet ange et que nous avons une aile blanche et une aile noire. Intéressant, n’est-ce pas ? Surtout pour l’ego ! Il faut dire que la plupart d’entre nous ont une aile blanche très développée, à force de faire toutes sortes de pirouettes pour se faire aimer et de pratiquer divers exercices spirituels pour se maintenir dans la lumière.
Pendant nombre d’années, j’ai développé scrupuleusement – c’est le cas de le dire – mon aile lumineuse, occultant par le fait même mon aile noire. Celle-ci a fini par s’engluer, à force d’être inutilisée. Tout ce qu’on demandait à André, c’était d’être bon, gentil, bienveillant, toujours bien habillé. De ne jamais dire un mot plus haut que l’autre, de ne jamais déranger les gens, surtout durant ses conférences. Vous voyez le genre ? Durant près de cinquante ans, j’ai tenté par tous les moyens de me maintenir dans la lumière, en m’éloignant comme de la peste de tout ce qui touchait ou même rappelait l’ombre. J’avais une sainte horreur du négatif et j’avais constamment peur que la noirceur vienne occulter ma propre lumière.
Ma perception commença à changer le jour où l’on m’a raconté une histoire merveilleuse à propos d’un enfant qui avait reçu une magnifique lampe de poche comme cadeau d’anniversaire. Cette lampe était la plus belle qui soit. « Elle projette de tels rayons lumineux, avait assuré le vendeur, qu’aucun coin sombre ne peut résister à sa lumière. » L’enfant était ravi de son présent. Mais son problème, c’est qu’il demeurait sur le Soleil, et qu’il ne pouvait donc pas se servir de son cadeau. Personne n’avait pensé que la lumière ne pouvait pas éclairer la lumière. Quel dilemme ! Pour parer à la situation, l’enfant a dû descendre sur la Terre avec son précieux présent, pour trouver des coins sombres, de la belle noirceur à éclairer. Mignon, n’est-ce pas ? Nous avons beau être dotés d’une luminosité extrême, si nous n’avons rien ni personne à éclairer, à quoi servirons-nous ?
Je disais donc que mon aile blanche était devenue, avec les années, un peu trop agile et développée à mon goût. On m’aimait, on m’aimait, et… on m’aimait ! Mais pendant ce temps, un petit rebelle en puissance en dedans de moi s’ennuyait à mourir. Comme j’étais propulsé par une seule aile depuis ma plus tendre enfance, je tournais continuellement en rond. Dans la lumière certes, mais en rond quand même. Un petit effort de réflexion m’a permis de découvrir que chacun de nous avait une aile à développer : moi, c’était la noire, la blanche étant de nature déjà plus qu’agile…
Vous avez sûrement remarqué que certaines personnes de votre entourage battent facilement de l’aile noire. Cela semble naturel pour elles. Elles sont parfois méchantes sans le vouloir, contournent ce qui a été établi, sèment la discorde, se fichent qu’on les aime ou pas, etc. Ces êtres battent de l’aile noire, comme moi je le faisais dans la lumière. Eux aussi tournent en rond, souvent dans la négativité et les ténèbres.
Mais, dites-moi, qui donc est le plus avancé ? Qui évolue le plus rapidement ? Ni l’un ni l’autre, évidemment. Ces anges blancs ou noirs tournent tous en rond, mais dans un sens différent. Le truc, vous le devinerez, c’est de développer ses deux ailes, d’utiliser adéquatement ses côtés sombres comme ses côtés lumineux, et d’effectuer ainsi un vol rapide, en ligne droite cette fois.
Dans l’univers, le blanc et le noir sont complémentaires, c’est-à-dire qu’ils ne peuvent exister l’un sans l’autre. Par contre, on remarquera que la lumière peut éclairer le noir, mais que la noirceur ne peut jamais altérer un rayon lumineux. Si vous voulez devenir maître de votre vie, vous devrez vous aussi vous mettre à battre de vos deux ailes. Si, à force de ne pas servir, la noire commence à être engluée dans votre omoplate, commencez dès maintenant à lui faire faire un peu d’exercice. Le seul fait de dire ce que vous avez à dire sera déjà un grand pas. Poursuivez en accomplissant certains gestes qui vous semblent justes, mais que vous n’avez jamais osé faire, de peur de déplaire ou d’être rejeté. Apprenez à dire non, mais sans fermer votre cœur. Dépassez certains interdits qui vous ont souvent empêché d’avancer. Et, par-dessus tout, ne vous sentez pas coupable.
Les premiers temps, il se peut que votre aile noire vous fasse tomber dans les extrêmes. Peut-être que dans votre désir d’affirmation, vous ferez exploser quelques bombes autour de vous. Mais ne vous en faites pas. À la longue, vous retrouverez l’équilibre. Et vous vous mettrez à voler rapidement, droit, et sur votre propre route cette fois !
(Extrait de Le Petit Maître de Poche, de André Harvey, aux Éditions de Mortagne)