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Le pardon libérateur

Le pardon provient du cœur et doit s’effectuer d’abord et avant tout pour nous-mêmes. Il nous permet de nous responsabiliser par rapport à notre vécu, de nous sortir du rôle de victime que nous adoptons trop souvent dans nos relations avec les autres. L’histoire qui suit, vécue et racontée par Nicole, illustre très bien cet aspect libérateur du pardon.

« Ma mère n’avait que dix-sept ans lorsqu’elle me mit au monde. Comme elle n’avait pas de conjoint et était incapable de s’occuper d’un enfant, mes grands-parents décidèrent de m’adopter légalement et me laissèrent croire qu’ils étaient mes vrais parents. Ce ne fut qu’au moment du décès de ma grand-mère, cinq ans plus tard, que j’appris que ma sœur aînée, qui avait quitté la maison quelques mois auparavant, était en réalité ma mère ainsi que celle de mon petit frère, âgé de quatre ans.

Ma grand-mère avait été la personne significative, pour moi, depuis ma venue au monde et son départ bouleversa ma vie. Nous vivions dans un milieu très pauvre. Il n’y avait pas de toilettes à l’intérieur de la maison et nos vêtements provenaient d’organismes de charité comme la Croix-Rouge. Mon grand-père ne pouvait prendre soin de deux jeunes enfants et nous fûmes placés, séparément, dans des familles d’accueil. Il m’est arrivé de changer trois fois de famille et d’école au cours d’une même année scolaire. Lorsque je devenais encombrante, à la veille de Noël par exemple, on s’empressait de me trouver une famille de remplacement pour quelques jours. Je passais donc le réveillon avec des gens qui m’étaient complètement étrangers et, bien sûr, je n’avais pas de cadeau au pied de l’arbre, comme les autres enfants.

Mon grand-père était toujours légalement responsable de nous. Il constatait avec beaucoup de peine que ses petits-enfants étaient ballottés d’un bord et de l’autre. Après mûres réflexions, il décida de faire une demande pour que nous soyons adoptés par des familles de la région. Cette démarche fut faite à l’insu de ma mère que je ne voyais que très rarement.

J’avais huit ans et je me trouvais dans ma classe de deuxième année, tranquillement assise à mon pupitre, lorsqu’on frappa à la porte. Je vis entrer un homme en complet et cravate, accompagné d’une femme vêtue d’un costume. Ils m’avisèrent de vider mon pupitre, de ramasser toutes mes affaires et de les suivre. J’ignorais qui étaient ces gens et je me demandais s’il s’agissait de policiers venus m’arrêter suite aux mauvais coups que je faisais parfois. Paniquée intérieurement, je n’en laissai rien paraître et rassemblai toutes mes choses personnelles, en utilisant les sacs de plastique que l’on me fournit à cet effet. Le plus difficile fut de sentir les regards de mes petits camarades braqués sur moi, épiant mes moindres gestes.

Sans autre explication, on me conduisit dans ma famille d’accueil du moment, où je fus tout d’abord agréablement surprise de voir ma mère. Mais ma joie fut de courte durée, car en apercevant son visage défait et en larmes, je compris qu’il se passait quelque chose de grave. Les gens qui étaient venus me chercher à l’école étaient des travailleurs sociaux mandatés pour me reconduire dans ma nouvelle famille d’adoption. Ma mère venait d’en être informée et, sachant qu’elle n’aurait désormais plus aucun droit sur moi, elle s’opposait fortement à cette décision.

Devant l’ampleur de la réaction de ma mère qui cherchait à me retenir de force, le travailleur social accepta de nous laisser seules quelques minutes afin qu’elle puisse me faire ses adieux. Dans un état de grande émotivité, ma mère me regarda droit dans les yeux et me dit :

– Je n’ai qu’un conseil à te donner : ne fais jamais confiance à personne. Je me suis fait avoir toute ma vie et c’est ce qui va t’arriver si tu fais confiance aux gens.

C’est dans ce contexte que j’arrivai dans ma famille d’adoption. En une fin de semaine, je changeai d’identité et de statut social. Je me retrouvai le lundi matin dans une nouvelle école, avec un nouveau nom de famille, ainsi que des vêtements et des effets personnels entièrement neufs, mon pauvre baluchon ayant été mis à la poubelle.

Mon frère avait, lui aussi, été adopté par une famille à l’aise financièrement et il vivait dans le même village que moi. Quelques mois plus tard, il vint me retrouver, avec sa petite valise à la main, me demandant de m’enfuir avec lui. Je n’avais que huit ans, alors qu’il en avait sept, et je lui fis comprendre que nous étions trop jeunes pour partir ainsi à l’aventure. Il est reparti la mine basse. Je m’en suis longtemps voulu d’avoir rejeté sa demande ce jour-là, comme si je l’avais trahi.

Je fus quelques années sans entendre parler de ma mère, mais je ne l’oubliai pas. Je suivis son conseil et ne fis confiance à personne. J’étais choyée dans ma famille adoptive et je décidai d’y demeurer après la période d’essai, mais je conservais mon caractère indépendant, cherchant à être le plus autonome possible, en attendant de pouvoir subvenir à mes propres besoins.

Puis, vers l’âge de quinze ans, ma mère reprit contact avec moi. Elle demeurait avec son mari et souhaitait que je fasse la connaissance de mes demi-frères et sœurs. Mes parents adoptifs ne s’y étant pas objectés, je me suis retrouvée chez ma mère pour quelques jours.

Ma mère me supplia alors de venir vivre avec eux, prétextant que mes frères et sœurs avaient des problèmes à l’école et que je me devais de les aider, étant donné que je réussissais bien. J’avais conscience du jeu de manipulation qu’elle exerçait sur moi et cela créait beaucoup de pression sur mes épaules. Si je ne répondais pas à ses attentes, je savais que j’allais me sentir coupable parce que j’aurais l’impression de renier mes origines. D’un autre côté, je ne pouvais me résoudre à retourner vivre dans un milieu défavorisé et à problèmes, qui, je le pressentais, risquait d’avoir une influence très néfaste sur moi.

Mes parents adoptifs furent mis au courant de la demande de ma mère et j’espérais qu’ils s’y objecteraient, mais ils me laissèrent libre de prendre ma propre décision. J’étais déchirée et, lorsque je décidai de rester avec ma famille adoptive, je n’eus pas le courage d’en parler à ma mère. Ce furent mes parents qui lui firent part de ma décision.

Je ressemblais beaucoup à ma mère physiquement et j’avais toujours craint de devenir comme elle. Toute petite, on disait souvent dans mon entourage : « Tu es bien comme ta mère » et cela me faisait très peur. Je ne voulais pas être comme ma mère, je voulais être mieux qu’elle, ce qui ne me semblait pas très difficile à l’époque. J’éprouvais de la pitié pour elle, cherchant toujours à excuser son comportement. Au fond de moi, je pensais que c’était de ma faute si elle ne m’avait pas gardée auprès d’elle étant jeune. J’étais déterminée et forte de caractère et je me disais que si je l’avais vraiment voulu, j’aurais trouvé le moyen de rester auprès d’elle. J’avais donc l’impression de l’avoir reniée à huit ans et je venais de la renier une deuxième fois. J’avais beaucoup de difficulté à assumer ma décision.

Je la perdis à nouveau de vue, mais à l’âge de dix-sept ans, je repris contact avec elle. Ma mère me fit évidemment des reproches, me disant que c’était de ma faute si les problèmes de mes frères et sœurs s’étaient aggravés, car j’avais refusé de les aider.

Les années ont passé, je me suis mariée et j’ai eu deux enfants. Ma mère me téléphonait régulièrement, toujours pour se plaindre de sa vie en général, de sa santé, des problèmes avec ses enfants, etc. Il n’y avait jamais rien eu de positif entre nous et cela risquait de durer indéfiniment si je n’y mettais pas fin. Un jour, j’en ai eu assez de son attitude plaignarde qui me démoralisait et j’ai pensé faire preuve de courage en lui signifiant de sortir de ma vie. Sous le coup de la colère, je lui lançai au téléphone :

– C’est assez ! Je ne veux plus que tu me téléphones, je ne veux plus entendre parler de toi, quoi qu’il t’arrive. C’est vraiment fini entre nous.

Je croyais me libérer ainsi de ma mère et surtout du lien de culpabilité qui m’unissait à elle, mais je réalisai que je me sentais très mal et encore plus coupable qu’avant. Je venais de renier ma mère pour la troisième fois. Elle cessa de me téléphoner, mais je ne cessai pas pour autant de penser à elle. Il m’arrivait de me coucher le soir en me disant :

– S’il fallait qu’elle meure sans que nous nous soyons réconciliées, comment pourrais-je vivre avec cela ?

Mon malaise s’intensifia au fil des jours, des mois et même des années. Un jour, je rencontrai un individu qui demeurait dans son village et celui-ci me dit tout bonnement :

– J’ai entendu parler de ta mère. Pauvre elle, elle a un cancer !

Je reçus cette nouvelle comme un coup de poignard. Je me sentis tellement mal, que je crus défaillir. Ainsi, ma mère risquait de mourir sans que je me sois rapprochée d’elle. Il n’était cependant pas question que je lui téléphone en lui disant :

– J’ai entendu dire que tu étais malade et j’en suis désolée !

Je lui avais presque souhaité de mourir, la dernière fois que je lui avais parlé, espérant qu’elle disparaisse à jamais de ma vie, et je refusais de m’en excuser maintenant qu’elle était vraiment malade. Mais je continuais de me sentir de plus en plus étouffée lorsque je pensais à elle.

Je m’étais toujours efforcée de croire que ma mère n’avait pas été importante dans ma vie, et que j’avais très bien réussi à me débrouiller sans elle. Mais je devais me rendre à l’évidence que ce n’était pas le cas et que je me retrouvais, à l’âge adulte, prisonnière de cette relation douloureuse.

Après quelques mois de réflexion, l’occasion s’y prêtant, j’ai décidé de passer à l’action. Je suis allée rendre visite à ma mère avec mes deux enfants. Je la leur ai présentée en disant :

– Voici votre grand-mère !

Je me suis alors sentie soulagée d’un grand poids. Ma démarche me permettait de me libérer du déni et de toute la culpabilité que j’avais entretenue vis-à-vis elle pendant des années. J’étais enfin capable d’accepter que cette femme était ma mère et que rien ne pourrait jamais changer cela. Je prenais conscience de toute la détresse psychologique qu’elle avait vécue, ce qui me permit de réaliser qu’elle n’était pas méchante et n’avait jamais délibérément voulu faire du mal aux autres. Elle avait tout simplement été terriblement démunie face à sa vie, et s’était débattue du mieux qu’elle pouvait pour survivre. J’étais sincère lorsque je lui ai dit :

– Tu peux m’appeler si tu le veux et si tu as besoin de me parler.

Nous nous sommes revues un peu plus tard ; nous avons parlé calmement, nous nous sommes embrassées et je me suis sentie très paisible intérieurement. Le cordon ombilical était enfin coupé, j’étais devenue une adulte face à une autre adulte.

La guérison avec ma mère s’est produite au moment où j’ai cessé de la renier, que j’ai décidé d’aller vers elle, de me pardonner et de lui pardonner en même temps toutes les blessures que nous nous étions mutuellement infligées. Nous sommes maintenant détachées l’une de l’autre et poursuivons chacune notre route, sans éprouver le besoin de nous contacter.

Aujourd’hui, ma mère est en rémission et je ne crains plus pour sa vie. Je me sens sereine lorsque je pense à elle et je sais que je peux dormir tranquille. Quoi qu’il arrive, je n’aurai pas à me sentir coupable, car j’ai fait la paix avec elle ».

À travers son vécu, Nicole a compris que le véritable courage consiste à changer sa position face à une situation douloureuse et à oser poser un geste d’amour et de pardon. Cela lui a permis de libérer son cœur de tout le ressentiment qui l’étouffait depuis plus de trente ans. N’avons-nous pas, nous aussi dans notre vie, des situations non réglées qui nécessitent un tel courage ?

Tiré de Ces expériences qui nous transforment ,Volume 2
Des témoignages de courage : Le pardon libérateur

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