À travers la porte de la lune
Il s’avéra que mon appendicite allait se rompre. Les médecins avaient des doutes quant à ma capacité de survivre à l’opération, car je me remettais à peine de plusieurs pneumonies consécutives. Un docteur dit à ma mère : " Laissez aller celui-ci, il ne survivra pas". Sous anesthésie, sur la table d’opération, je sortis de mon corps, décidai que je ne tenais pas à voir le travail sanglant du scalpel et me laissai flotter au travers de la porte dont les molécules s’étiraient comme du caramel pour laisser passer mon énergie, ce qui me mena dans le corridor où ma mère, entourée du bras de mon père, pleurait silencieusement. Je flottai vers une fenêtre dans la lumière éblouissante de l’extérieur, dans les couleurs printanières et les rires des jeunes amoureux assis à une table de parterre les yeux dans les yeux. Je me sentis attiré par l’océan. Comme je ne pouvais voir la plage à partir de la fenêtre de l’hôpital, je passai à travers la fenêtre où, sur l’allège, se trouvait un oiseau noir qui lança vers moi un cri rauque et monta droit dans les airs. Je suivis l’oiseau et m’élançai au-dessus des toits.
Volant au-dessus de la Ville, je vis une énorme pleine lune, bouche ouverte pour former une entrée au Parc d’attractions, un endroit prisé au bord de l’eau. Je m’engouffrai à travers la porte lunaire et plongeai dans l’obscurité. J’ai essayé de revenir, mais quelque chose me tirait vers le bas. C’était comme si je déboulais dans le puits d’une mine, kilomètre après kilomètre, sous la surface de la Terre.
Je tombai dans un autre monde. C’était difficile de discerner quoi que ce soit à travers la fumée d’un énorme brasier. Un géant à peau couleur de cendre m’éleva très au-dessus du sol, tout en chantant. Les êtres de ce monde m’accueillirent – ils étaient grands, longiformes et très pâles – ils ne ressemblaient à rien de ce que j’avais connu durant mes neuf années de vie sur terre. Ils me dirent qu’ils avaient rêvé de ma venue et qu’ils m’éduqueraient comme l’un des leurs. Mon éducation consistait à rêver, seulement rêver, dans une cave-incubateur ou, encore, de rêver avec d’autres couché dans une charette placée près des tas de cendres de la Maison du Conseil.
Des années passèrent. Durant le plus grand festival de l’année, lorsque les feux de joie flambent plus haut que les fleurons à têtes d’oiseau de la Maison du Conseil, je fus marié rituellement à la nièce favorite du roi-Chaman de ce peuple. En grandissant, le souvenir de ma vie à la surface de la Terre s’estompa. Je devins père, puis grand-père, puis Chaman, puis Ancient. Lorsque mon corps mourut, le gens le mirent sur un bûcher funéraire. Alors que la fumée montait du bûcher, je voyageai avec cherchant parmi les étoiles les chemins que prennent les feux des galaxies en s’écoulant comme du lait. Tout en m’élançant vers le haut, je fus ébloui par la beauté des choses; je plongeai dans le vert enivrant, fracassai la croûte terrestre vers un monde d’asphalte chaud, de voitures et de trams et me retrouvai violemment dans le corps tourmenté d’un garçon de 9 ans dans un lit d’hôpital de Melbourne.
De cette expérience, et d’autres, de mon enfance, je sais – pour aussi loin que je me souvienne – qu’il y a des mondes au-delà de la réalité physique. Grandissant dans une famille de militaires, dans un environnement très conservateur, il n’y avait que très peu de personnes dans mon entourage avec qui je pouvais, en toute confiance, partager des expériences de cette nature. La première personne que je rencontrai qui pouvait confirmer et valider mes expériences fut un jeune garçon aborigène éduqué dans une tradition qui attache de l’importance aux rêves et qui enseigne que le monde des rêves est un monde réel.
J’ai rencontré Jacko alors que je vivais avec ma famille dans une banlieue défavorisée de Brisbane. Nous voyagions en tram et déambulions dans les buissons en nous racontant mutuellement nos rêves. Jacko me confirma que rêver c’est voyager : nous sortons régulièrement de notre corps et voyageons dans le futur ou dans d’autres dimensions, incluant le domaine de nos ancêtres et de nos guides spirituels. L’oncle de Jacko, un artiste populaire, recevait les idées pour ses meilleurs tableaux – ceux qui n’étaient pas destinés aux touristes – en entrant dans le Temps des rêves.
Dans mes rêves, d’autres guides vinrent à moi. L’un d’eux était un jeune Grec éblouissant qui insistait pour utiliser le vocabulaire difficile des philosophes néo-platoniciens. Il m’apprit que la vraie connaissance passe par l’anamnèse : " se rappeler " la connaissance que nous avons un jour possédée, au niveau de l’âme et de l’esprit, avant de nous incarner dans cette vie. Un de mes visiteurs, dans mes rêves, était un fringant pilote de la " Royal Air Force " de la Deuxième guerre mondiale. Un autre était un grand homme aux cheveux blancs qui me semblait être comme un oncle bienveillant. Au cours de mes maladies successives, il survenait dans mes rêves, disant : " cela peut te sembler étrange, mais un jour viendra où les gens non seulement viendront écouter tes rêves mais où ils seront en fait anxieux de les connaître ". Il me faisait une demande bizarre: il me demandait de mettre du sel et du poivre sur mes crêpes lorsque ma mère m’amenait au café du magasin à rayons Myer’s pour prendre le thé durant ses expéditions de magasinage. Ceci était reconnu comme une de mes bizarreries d’enfant. Quant à mon visiteur grec, il me montra un serpent, vif et tout en or, enroulé autour d’un bâton et me dit que ce signe me guérirait. Lorsque j’eus onze ans, un jour que je rentrais de l’école, j’ai vu un ciel orageux s’ouvrir et me révéler la même image décuplée en des proportions colossales. Après, la série de maladies menaçant ma survie cessa.
En étudiant mes rêves d’adulte, je découvris qu’il était possible de voyager dans une réalité multi-dimensionnelle sans avoir à vivre les supplices de mon enfance; que chaque nuit dans nos rêves, des portes s’ouvrent sur d’innombrables possibilités et sur des aventures sans limites. Plusieurs décennies plus tard, je suis retourné en Australie, à partir de ma résidence dans le nord de l’État de New York, pour enseigner les techniques du travail sur les rêves à de larges audiences.
Au cours d’une exposition d’art aborigène, dans un musée de Sydney, je me suis retrouvé face à un mur de tableaux qui dépeignaient avec exactitude ces êtres que j’avais rencontrés lorsque j’avais passé par la porte lunaire du Parc d’amusement. Ces tableaux étaient l’œuvre d’un artiste de la Terre d’Arnhem qui appelait les pâles formes longitudinales qu’il peignait : les " Esprits Mimi ". Il disait que, lorsqu’il est malade, il va vivre à Melbourne.
À Melbourne, je suis allé au magasin à rayons Myer’s pour manger des crêpes salées et poivrées et j’ai découvert que les crêpes n’étaient plus au menu. Mais, comme je regardais mon reflet dans un miroir, j’ai vu le grand homme aux cheveux blancs qui m’avait visité dans mon enfance et j’ai réalisé qu’il avait tenu sa promesse.
(c) Robert Moss 2004 Tous droits réservés
ROBERT MOSS sera à Montréal les 7 et 8 août 2004 pour nous présenter un atelier en français "Appel à la mémoire de l’âme", où nous pourrons nous reconnecter à la connaissance vitale, à nos contrats sacrés, à notre famille spirituelle et visiter temples et écoles dans d’autres réalités.
Lieu: l’Institut de Yoga & Meditation, 15 Mont Royal ouest #106, Montréal
Inscriptions: Josée DiSario ou Joseph Pincin (514) 996-1250
Pour plus de renseignements consulter la section "À surveiller", la section "Membres" ainsi que les sites
www.alavitessedelamagie.alchymed.com