Sur le chemin du maître-rêveur
En Amérique, les indiens avaient une tradition bien enracinée autour de l’utilisation de leurs rêves pour mieux gérer leur vie. Chaque matin, ils se réunissaient en groupe pour écouter les rêves les uns des autres. Pour chaque rêve, ils travaillaient la façon d’être du rêveur dans son rêve dans l’espoir de changer la journée de cette personne.
Les sorciers du Mexique utilisaient également les rêves pour guider l’individu vers l’ouverture à d’autres mondes. Ils développaient l’art de rêver comme une expérience ressentie. Ils travaillaient cet art comme un processus de conscience comprenant diverses étapes. " Rêver semble être une sensation – un processus dans nos corps, une conscience dans nos pensées. "1
J’ai travaillé pendant plusieurs années avec les auteurs d’un livre intitulé Les Maîtres-Rêveurs. Joseph Hart et Richard Corriere ont développé une approche centrée sur le processus du rêveur. Le travail proposé dans leur livre s’inspire de cette tradition, mais également de traditions et théories modernes sur le processus du rêve et le fonctionnement du cerveau.
L’expérience nous enseigne que nous pouvons utiliser des outils concrets pour explorer la dynamique du rêveur et influencer le processus de l’expérience illustré dans le rêve. Le travail avec le processus du rêveur est un complément très puissant du travail de thérapie. Lorsque nous travaillons sur notre processus de vitalité, nous stimulons notre conscience vers un état d’expansion. Nous allons dans le sens pour lequel nous sommes programmés, c’est-à-dire nous développer au-delà de la survie. Tout au long de ce parcours, nous allons voir des changements dans notre vie éveillée et dans notre vie nocturne. L’expansion de notre processus de vitalité va s’exprimer au niveau des émotions et des sensations, de la clarté, des frontières, de l’action, de l’expression, du contact et d’une conscience accrue de notre connexion à une énergie plus grande que soi. Le processus de l’expérience d’un être vivant repose sur ces dimensions. Toute expérience de la vie peut comporter des sensations, des émotions, un sens clair, une énergie contenue, une action, une expression et un contact. Lorsqu’il y a une menace ou une mémoire de menace, certaines dimensions de l’expérience peuvent être affectées par le mode défensif utilisé pour se protéger.
Les éléments du processus de l’expérience d’être vivant énumérés ici sont ceux identifiés par les Drs Hart et Corriere concernant le rôle (actif ou passif), l’expression, les sensations et les sentiments, et la clarté et ceux développés par les Drs Rosenberg et Rand concernant l’importance de la présence, des frontières, de la capacité de contenir, du contact, de la vitalité ancrée dans le corps et d’une conscience d’une connexion à plus grand que Soi comme conditions à l’expérience d’un sentiment de Soi en expansion.
Toutes ces habiletés et conditions sont celles qui permettent à notre organisme de compléter l’expérience ressentie en l’éprouvant corporellement, en trouvant une expression appropriée et en intégrant graduellement les sensations et significations. L’organisme retrouve ensuite un état d’équilibre et de disponibilité pour une prochaine expérience. Lorsqu’il y a une interférence à ce processus de vie, notre organisme reste bloqué et il ne peut pas retrouver cet état de bien-être profond qui vient d’une intégration saine de l’expérience vécue. Il reste en survie. La fonction du rêve en est une de survie et d’expansion. Face à la difficulté à se compléter de façon éveillée, notre organisme essaie de se compléter la nuit à travers les rêves. Notre cerveau, tel un metteur en scène, construit un décor et un scénario avec les éléments à sa disposition. Le programme qui nous habite et nous guide commence à essayer de trouver une issue aux expériences incomplètes de la journée. Cette fonction est tellement importante que si on interfère avec elle, l’individu qui en est privé va développer d’autres modes d’adaptation et d’ajustement qui peuvent aller jusqu’aux hallucinations.
Nous vous proposons d’explorer ce chemin vers le " Maître Rêveur ", celui qui utilise ses rêves pour guider son périple vers sa transformation et son mieux être.
Le thérapeute : le maître-rêveur
Le maître-rêveur est un merveilleux thérapeute. Il est toujours disponible, prêt à nous donner les directions dont notre Soi a besoin pour sortir de ses impasses et aller vers un dépassement de ses limites habituelles et prendre de l’expansion. La fonction du rêve est de compléter les expériences incomplètes et le maître-rêveur est cette partie inconsciente de Soi qui vient nous aider à nous dépasser. Ce thérapeute est le plus raffiné que l’on puisse avoir : il reste collé à notre expérience et il sait exactement ce qu’il nous arrive. Encore faut-il l’écouter !
Le chemin vers le maître-rêveur
Le chemin vers le maître-rêveur commence avec l’attention que l’on porte à nos rêves. Nombre d’entre-nous portons attention à nos rêves seulement lorsque nous faisons des cauchemars. Nous nous empressons souvent d’ailleurs de les oublier. Il faut se rappeler que nous rêvons toutes les nuits, même si nous ne nous rappelons de rien. Quelle richesse ignorée !
Vous arrive-t-il de vous sentir mal à partir du moment où vous vous êtes levés ? Vous passez une mauvaise journée et vous ne savez pas pourquoi. Pourtant vous vous sentiez bien la veille. Il arrive parfois que notre bien-être de la veille a été perturbé par des rêves incomplets. Notre organisme a été stimulé à notre insu dans un vécu incomplet et/ou menaçant et nous nous levons fragmentés, en petits morceaux, incapables de prendre prise sur l’expérience à la source car nous ne la connaissons pas. Par contre, si nous prenons l’habitude de porter attention à nos rêves, nous puisons dans une source d’information riche et importante par rapport à nous-même, à notre processus.
Nos rêves nous renvoient un portrait de notre processus dans l’instant présent. Ils nous donnent, au-delà des contenus, des pistes sur ce qui fonctionne ou sur ce qui ne fonctionne pas dans notre processus de gestion de notre expérience. Ils peuvent nous informer que nous sommes prêts à un changement dans notre vie éveillée. Nous pouvons profiter de cette information ou non. Si nous n’en profitons pas, nos rêves reviendront à la charge. Nos rêves peuvent également nous informer que nous avons dépassé une limite vers une expérience d’expansion et que nous pouvons vivre à ce niveau dans notre vie éveillée : nous les appelons des rêves de percée.
Prenons quelques exemples.
Une femme (Marie) rêve qu’elle est sur la rue, elle marche sur le trottoir et tout à coup elle voit une voiture arriver de nulle part et frapper une vieille femme. Elle est figée, elle reste étouffée, sans un mot. Elle se réveille en sursaut.
Un homme (Paul) est dans une pièce, cela ressemble à une chambre. Il voit une espèce de gros insecte qui se promène par terre. L’insecte est gros comme une souris. Il ressemble à un gros scarabée. Lorsque l’animal avance, il lève les ailes partiellement, deux gros crochets ressortent par en arrière et sa tête s’étire. Malgré sa peur et son dégoût, l’homme prend des mouchoirs pour l’attraper. Il a peur des crochets, mais en approchant, il se rend compte qu’ils ne sont peut-être pas dangereux. Il attrape l’insecte et celui-ci étire la tête et vient comme piquer le doigt de l’homme. Un moment il a très peur, mais se rend compte que c’est apeurant, désagréable, mais que ce n’est probablement pas dangereux. En arrivant dans une autre pièce, il échappe l’insecte, il essaie de l’attraper, mais il manque de moyen et il voit l’insecte se dépêcher d’aller se cacher. L’homme est hésitant, se demandant s’il doit remuer ciel et terre pour l’attraper, craignant pour lui ou d’autres plus tard. Finalement, il décide qu’il en a assez et il laisse à d’autres le soin de le rattraper. Il s’en va dans sa chambre quand même soulagé, malgré une petite tension et une peur résiduelle.
Ces deux rêves illustres des processus très différents. Dans le premier, la personne qui rêve reste passive et figée. Il y a des émotions, mais elles sont retenues. Marie ne fait rien. En travaillant ce rêve au niveau du processus, nous portons attention à changer une des dynamiques du rêveur. Nous avons commencé par l’expression. En aidant Marie à exprimer sa surprise et sa peur, nous permettons à son organisme de mieux gérer l’intensité de l’évènement vécu. Il y aurait d’autres dynamiques à travailler, mais c’est déjà un bon début pour apprivoiser l’organisme de Marie à s’exprimer. Cette expérience de changement de la dynamique du rêveur a un effet sur la dynamique de la personne dans sa vie éveillée. Marie réalise plus tard qu’elle commence à s’exprimer plus dans sa vie.
Dans l’exemple du rêve de Paul, il est intéressant de constater que celui-ci a trouvé une façon de rester actif malgré sa peur et cela lui permet d’évaluer plus justement l’ampleur de la menace. Dans sa vie éveillée, Paul fait face à un grand stress qui éveille de vieilles peurs. Ce rêve lui confirme sa direction pour bien faire face à sa peur. Il est évident que son niveau d’activité, ses émotions et sa clarté accrue sont des ressources qui l’aident à bien faire face. La dynamique qui pourrait aider Paul encore d’avantage serait l’expression en contact. Dans sa vie éveillée, Paul reste actif, mais il a tendance à s’arranger seul. Le travail avec son rêve lui donne une direction vers un mieux-être. Et quand Paul partage son ressenti avec une autre personne dans sa vie quotidienne, il se sent mieux et son organisme peut mieux relâcher et récupérer.
Le travail avec la dynamique du rêveur est une outil simple et efficace pour soutenir le processus de changement. C’est également un outil qui favorise plus d’autonomie. L’idéal est de faire ce travail avec des pairs comme le faisaient les communautés amérindiennes. Cette attention quotidienne à son expérience de vie éveillée ou onirique est une source de meilleure santé mentale et d’approfondissement de son mieux-être.
Pour vous rappeler de vos rêves, vous pouvez vous procurer un cahier dans lequel vous commencerez à inscrire vos rêves chaque matin. Si vous ne vous rappelez pas de vos rêves, prenez le temps d’inventer un rêve à partir des sensations qui vous habitent à ce moment. Vous devriez commencer à vous rappeler de vos rêves après quelques jours.
1 Tiré du livre de Carlos Castaneda : L’art de rêver
Un atelier de 4 jours, animé par André Duchesne, M. Ps. et Ginette Lépine, M. Ps., et dont le thème est " La PCI et le travail avec les rêves : Le maître rêveur " aura lieu bientôt. Il se déroulera sous forme de deux blocs de deux jours, les 6-7 mai et 25-26 novembre 2006.
Pour plus de renseignements, vous pouvez consulter le site Web de l’IPCI au www.institutpci.com sous la rubrique Activités et nouvelles. Ou téléphonez au 514-383-8615 poste 221 pour la région de Montréal, ailleurs au Canada – sans frais 1-877-383-8615 poste 221.
Date limite d’inscription : le 21 avril 2006.
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