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Jalousie & Romance

La jalousie et l’envie sont l’apanage de la faible estime de soi. Elles s’épanouissent là où nous croyons, ou sentons, être faibles, sans attrait ni incapables d’exprimer ce que nous voulons profondément.

La jalousie est une réaction envers ceux qui paraissent, en mettant l’emphase sur le mot «paraissent», plus forts, plus beaux, plus populaires ou qui réussissent mieux que nous. La jalousie est basée sur une illusion. Ce que nous sommes n’est ni affreux, ni sans attrait, ni sans succès. Il est vrai que certaines personnes ont des traits plus parfaits que d’autres, ou paraissent avoir plus d’énergie et une meilleure santé, ou encore accumulent plus de preuves de succès, mais aucun de ces attributs ne peut mesurer notre valeur réelle. Le philosophe Socrate, par exemple, était considéré laid et pauvre, mais cela ne l’a pas empêché d’attirer à ses discours les esprits les plus brillants d’Athènes, ni d’être reconnu comme le père de la philosophie occidentale.

Beaucoup de grands de l’histoire, comme par exemple le peintre Vincent Van Gogh, sont morts dans l’oubli, souvent pauvres et seuls, pour être redécouverts et adulés plusieurs années après leur disparition. La poétesse Elizabeth Barret Browning était une femme frèle qui a été clouée au lit une grande partie de sa vie, ce qui ne l’a pas empêchée d’être reconnue en son temps et d’avoir une relation d’amour durable avec son mari, le poète Robert Browning; elle vécut de surcroît dans une villa idyllique au bord de la mer sur la côte ensoleillée de l’Italie. Toutes ces personnes remarquables avaient en apparence un désavantage qui aurait pu broyer leur estime personnelle; toutefois, au lieu de se laisser aller à la résignation, elle ont dépassé leurs limites et atteint la grandeur.

«Ce que nous sommes n’est ni affreux, ni sans attrait, ni sans succès.»

La jalousie et l’envie, qui sont, nous l’avons dit, les produits de la faible estime de soi, sont dues à des décisions que nous avons prises à propos de nous-mêmes, généralement dans l’enfance. Ces décisions stériles se fondent toujours sur une mauvaise perception et une compréhension partielle. Prenons pour exemple l’étude de cas suivante.

Henri, époux et père de famille, semble préférer l’une de ses deux filles aux dépens de l’autre. À la plus jeune, Marie, il accorde plus d’attention, de cadeaux et d’indulgence. Henri perçoit Marie, née prématurément, comme étant fragile et vulnérable; c’est pourquoi il est particulièrement prévenant et protecteur envers elle. La grande sœur, Élisabeth, interprète cette attention spécifique comme du favoritisme et, se sentant délaissée, elle décide que c’est parce qu’elle est moins jolie ou moins aimable que Marie. Il s’ensuit du ressentiment, et Élizabeth commence à provoquer des conflits avec sa petite sœur. Elle installe entre elles un pattern de rivalité ayant pour objet l’attention du père, puis elle déprécie Marie chaque fois que l’occasion se présente. Henri trouve ce comportement brutal et y réagit par des mots durs pour Élisabeth et encore plus d’égards pour Marie, la vulnérable. Élisabeth se pense alors définitivement rejetée et elle devient férocement jalouse. Elle ne se sent pas à la hauteur vis-à-vis de son père et commence à croire que quelque chose ne va pas chez elle. Elle en vient à être convaincue qu’elle est affreuse et mal aimée. L’homme le plus important dans sa vie, son père, la désavoue au profit de sa petite sœur, plus charmante et plus aimable. «Ce n’est pas juste», se lamente-t-elle. Peu à peu, elle prend ses distances vis-à-vis de son père. Elle devient si déprimée qu’il lui arrive de s’imaginer fuyant la maison ou d’entretenir des idées suicidaires. Henri ne comprend pas l’attitude de sa plus vieille et cela le tracasse; puis il accepte : «Ainsi va la vie», se rassure-t-il. Les années passent, et la relation affective entre le père et la fille se fait de jour en jour plus distante; ils ne communiquent plus que sur le plan strictement pratique, et l’estime personnelle d’Élisabeth, surtout en ce qui a trait à sa capacité de créer une relation intime et durable avec un homme, est sérieusement diminuée.

«La jalousie et l’envie, qui sont, nous l’avons dit, les produits de la faible estime de soi.»

Quelques années plus tard, Élizabeth est devenue une belle jeune femme amoureuse et fiancée à Philippe, l’homme de ses rêves. Celui-ci aime profondément Élizabeth, mais il se sent mal à l’aise devant la jalousie irraisonnée de sa fiancée à l’égard de toute femme attrayante qu’il a connue avant elle, tantôt une collègue, tantôt une voisine. Par exemple, un jour, Élizabeth se sent menacée quand elle découvre Philippe en train de bavarder et de rire avec la jolie voisine blonde de part et d’autre de la clôture qui sépare les deux propriétés. Plus tard, après le dîner, elle en fait une scène à Philippe. Embarrassé et peiné, celui-ci s’empresse de rassurer Élisabeth au sujet de son échange purement innocent avec la voisine. Mais Élizabeth commence maintenant à douter de sa fidélité. Elle se met à s’éloigner affectivement de Philippe, tout comme elle l’avait fait avec son père. La voisine, bien sûr, est persona non grata, bien qu’elle fasse des efforts pour créer un contact amical avec Élizabeth, mais elle est constamment rabrouée. Il en est ainsi de la logique aliénée du pattern de jalousie : triste et bête, mais fréquente et très destructrice. La jalousie incontrôlée d’Élizabeth a entraîné son divorce d’avec Philippe.

«Élizabeth se sent menacée quand elle découvre Philippe en train de bavarder et de rire avec la jolie voisine blonde.»

Enfant, Élizabeth ne comprenait pas pourquoi son père donnait tant d’attention à Marie, et elle en déduisit qu’Henri aimait sa sœur davantage qu’elle. C’était d’autant plus douloureux que, pendant ses trois premières années, avant la naissance de Marie, elle avait été l’unique centre d’intérêt de son père. En fait, Élizabeth a mal perçu l’excès d’attention de Henri à l’égard de sa sœur en concluant que son père aimait Marie plus qu’elle, alors qu’en vérité, il les aimait également toutes les deux. Il ne faisait que ce qu’il croyait nécessaire pour le soutien de son enfant la plus faible. Le résultat de sa mauvaise interprétation a valu à Élizabeth de s’aliéner Henri et Marie, de créer l’insécurité dans ses rapports avec les hommes, tout comme dans ceux avec les femmes attrayantes, de faire subir une jalousie excessive à une kyrielle de conjoints issus de relations amoureuses brisées.

Reconstruire l’estime personnelle perdue est une tâche de réflexion et de mûrissement. Plus tard dans sa vie, Élizabeth a résolu son pattern de jalousie en informant son père de sa douleur et en découvrant qu’il l’avait aimée aussi profondément que Marie. Elle pleura quand il lui dit pourquoi il avait donné plus d’attention à Marie. De son côté, Henri fut à la fois triste et soulagé quand il comprit pourquoi sa fille aînée était devenue si distante. Ensemble, ils ont vu à quel point la souffrance et la mésentente peuvent découler d’une simple perception erronée et d’une incapacité à communiquer. Ensemble, ils ont pleuré toutes ces années perdues d’aliénation mutuelle, mais leur relation était maintenant guérie, et Élizabeth s’était libérée de son pattern de jalousie.

«La vraie estime de soi, en opposition à un ego gonflé, est basée sur le Soi.»

En définitive, l’estime personnelle ne se fonde pas sur quoi que ce soit de familial ou de circonstanciel, comme nos relations avec nos parents quand nous étions enfants. Bien que certains d’entre nous devions faire un travail réparateur afin de libérer certains problèmes provenant de l’enfance ou de l’adolescence, la connaissance et la conscience de soi sont le véritable fondement d’une estime personnelle saine. L’authentique estime personnelle, par opposition à l’ego démesuré, se fonde sur le Soi, et non sur les événements marquants que nous avons vécus.

Le Soi dont il est question ici n’est pas le « soi » ou l’« ego » des psychologues. Il s’agit du Soi transcendantal, notre véritable essence, cet aspect de notre réalité qui demeure intact malgré les circonstances changeantes et les hasards de notre vie d’humains sur terre. Tant que nous n’aurons pas pris conscience du côté transcendantal de notre nature avec la méditation et l’auto-investigation, nous resterons dépendants de ce que les gens disent ou font, et de tout ce que la vie nous amène. Cette ignorance de notre véritable nature est à la source de notre solitude et de notre souffrance, et elle nous garde prise dans des patterns inconscients comme la jalousie, la vengeance et le pattern de lutte, qui sapent notre vitalité, notre joie et notre capacité de donner et de recevoir de l’amour.

Lyse LeBeau et Duart Maclean
Auteurs de « Réveiller le feu intérieur : Relations, leadership et estime de soi »

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