Qu’est-ce que la prostitution sacrée ?
Les commentaires reçus m’ont fait réaliser que, culturellement, l’idée que nous avons de la prostitution est très limitée et partielle.
Avant toute chose, il m‘est donc apparu important de démystifier et de remettre dans un contexte historique ce métier, qui a été confondu par les religions judéo-chrétiennes avec dégradation et avilissement. En effet, en discutant avec les gens autour de moi, je me suis aperçue que la prostitution est presque systématiquement assimilée à sa forme actuelle la plus médiatisée : celle de la prostituée des rues, soumise à un proxénète qui souvent la bat et la maltraite, celle qui arpente les trottoirs et se drogue. Ce n’est pourtant pas la forme qui a été la plus courante au cours de l’histoire humaine, loin de là.
Voyons tout d’abord l’origine étymologique du mot. En latin, prostituere signifie, tout simplement, « exposer en public » (de pro-, devant, et statuere, placer). Aucune allusion n’est faite à de l’avilissement, de la débauche ou de la dégradation. De plus, aussi étrange que cela puisse paraître, il n’est pas, non plus, question de quoi que ce soit de sexuel.
Le Robert historique de la langue française explique d’ailleurs que ce n’est qu’à partir du XVIe siècle qu’il prend la signification de « se livrer au désir sensuel d’une ou plusieurs personnes par intérêt ».
Explorer l’origine étymologique des mots aide à mieux prendre conscience que les choses n’ont pas toujours été comme elles le sont de nos jours, bien au contraire. La perception que nous avons des choses se transforme sans cesse. Actuellement, dès qu’ils entendent le mot « prostitution », la majorité des gens de notre culture ont tout de suite à l’esprit l’image de la femme égarée, forcée à vendre son corps et qui se drogue pour oublier l’ampleur de sa dégradation. Et pourtant, il existe aussi des femmes, ainsi que des hommes, qui choisissent ce métier volontairement, parce qu’il leur plaît. Ces personnes ne sont pas dans la rue mais bien au chaud dans un appartement douillet, elles trient leurs clients sur le volet, elles ne se droguent pas et ne sont surtout pas sous la coupe d’un proxénète abusif. Ces hommes et ces femmes existent et ils sont beaucoup plus nombreux qu’on ne le croit, même si l’on entend rarement parler d’eux. Un livre magnifique, malheureusement disponible seulement en anglais pour le moment, existe sur le sujet. Le titre de ce livre est « Women of the Light »*. Il s’agit d’un collectif d’auteures, assemblé par Kenneth Ray Stubbs, un des pionniers nord américains dans le domaine de l’ouverture des consciences face à la sexualité.
Les média de masse s’intéressent peu aux histoires de ces personnes. Elles ne sont probablement pas suffisamment spectaculaires et dramatiques pour faire vendre leurs papiers ou monter leurs cotes d’écoutes, peut-être aussi parce que ces personnes ne sont pas victimes et assument leur pouvoir personnel. Où irait donc le monde de domination dans lequel nous vivons, si les gens cessaient de vivre dans la peur, l’insécurité et l’impuissance?!
Plus méconnue encore est cette autre catégorie de « prostitués » qu’on appelle les « prostitués sacrés ». J’ai volontairement écrit le mot au masculin, car, encore une fois, il s’agit d’hommes autant que de femmes. Et détrompez-vous si vous croyez que ces hommes sont des homosexuels. Ce n’est pas le cas. La plupart sont hétérosexuels.
Ces hommes et ces femmes proposent une vision nouvelle et rafraîchissante de la prostitution en particulier, et de la sexualité en général. Ils nous invitent à réviser nos croyances, tabous et positions rigides et à ouvrir nos esprits sur tout un monde oublié. Car cette vision de la sexualité n’est pas nouvelle. Elle existe depuis la nuit des temps et elle a même prédominé durant la plus grande partie de l’histoire humaine. Il est difficile pour nous de le concevoir, car nous sommes nés et avons été éduqués au cœur de cette culture qui a rejeté et déformé cette vision lumineuse de la sexualité jusqu’à en faire quelque chose de hideux et de sale. Mais notre culture n’existe que depuis environ 3000 ans. Ça nous semble énorme, et pourtant c’est bien peu quand on sait que l’humanité, sous sa forme actuelle, existe depuis plus de 100 000 ans. Que sont 3000 années sur une telle échelle de temps? Mais comme ce sont les plus proches de nous, ce sont, de ce fait, celles qui nous influencent le plus. Je vous invite donc à un grand voyage dans le temps pour revisiter notre histoire ancestrale et prendre le recul nécessaire pour avoir une vue d’ensemble de comment nous en sommes venus à nous laisser conditionner à une vision de plus en plus étroite et limitante de la sexualité et de la prostitution.
Sous ce mot, l’ Encyclopédie Universalis dit : « Dans certaines sociétés primitives de l’Antiquité, la prostitution est liée à la notion d’hospitalité : les femmes de la maison sont offertes aux hôtes de passage ». Il est important de comprendre que le mot « primitives » signifie ici « premières en date », c’est-à-dire « premières civilisations ». Nous confondons souvent ce terme avec « arriérées » ou « moins évoluées », ce qui est faux. J’aimerais aussi apporter une nuance dans la manière dont cette encyclopédie présente les faits en disant « les femmes de la maison sont offertes… ». Cela laisse supposer que ces femmes étaient forcées, ce qui n’était pas le cas, sauf exception. Ces femmes s’offraient librement, si elles le souhaitaient.
Un peu plus loin, l’Encyclopédie explique aussi qu’on rencontrait cette coutume « en Chaldée, en Inde, en Égypte et dans tout l’Orient. » Cela représente une énorme étendue géographique et culturelle. Nous ne parlons donc plus ici d’une minorité mais bien au contraire d’une très grande portion des sociétés antiques. À cette époque, c’étaient le Judaïsme et le Christianisme qui constituaient les cultures minoritaires aux modes de vie marginaux.
Ce n’est qu’avec l’expansion des Religions du Livre (Judaïsme, Christianisme et Islam), qui interdisent les relations sexuelles hors mariage, que la prostitution fut déclarée illégale et identifiée à l’idée de péché. Dans toutes les autres cultures de l’Antiquité, la personne qui offrait son corps faisait un tribut à la Fertilité.
Ce qui nous mène à la suite de l’article sur la prostitution dans l’Encyclopédie Universalis. Celui-ci explique qu’ « à côté de cette prostitution hospitalière apparaît bientôt une prostitution religieuse ». Nous nous rapprochons maintenant de l’aspect sacré de la prostitution. En quoi cette prostitution religieuse consiste-t’elle? Sacré signifie « consacré à la divinité ». Il est donc question ici de consacrer des pratiques sexuelles à l’aspect divin de la vie.
Comme nous l’avons vu plus haut, prostituer signifie « exposer en public ». Cela peut vouloir dire « s’exposer soi-même en public » pour se vendre ou offrir ses services de consacrer la pratique sexuelle à la divinité. Mais cela peut aussi vouloir dire « exposer ses connaissances en public » dans un but éducatif. Certains prostitués sacrés avaient pour tâche soit d’éduquer les jeunes hommes et femmes à être de meilleurs amants, ou encore de leur enseigner à se connecter au divin et à sacraliser leurs activités sexuelles.
Voilà donc ce qu’est un ou une prostitué sacré : une personne qui pratique l’amour consacré au divin et / ou qui éduque d’autres individus à suivre cette voie.
La sexualité est une source d’énergie intense, une des plus intenses auxquelles les humains ont accès. Les prostitués sacrés ont pour œuvre d’aider les gens à maîtriser cette puissante énergie et à la diriger consciemment vers des buts créatifs et constructifs.
La prostitution sacrée n’a pas disparue avec l’Antiquité. Encore aujourd’hui, de nombreuses personnes peuvent être classées dans cette catégorie. Les plus évidentes sont les praticiens et enseignants de l’amour tantrique (version indienne) ou taoïste (version chinoise).
Mais on les retrouve aussi dans beaucoup d’autres métiers aussi variés que la sexologie, massothérapeutes, psychothérapeutes, « sex surrogates », escortes, etc. Comprenez-moi bien, je ne dis pas que tous les praticiens de ces divers métiers sont des prostitués sacrés mais que c’est souvent parmi ces métiers qu’on retrouve les hommes et les femmes qui ont la compréhension profonde que la sexualité est une chose belle et naturelle, que c’est un art qui peut s’apprendre, et peut, lorsque pratiqué avec conscience, nous rapprocher du divin. Ces personnes sont, souvent sans le savoir, des héritiers directs des anciens prêtres et prêtresses dédiés à l’amour sous toutes ses formes.
En plus de remplir les rôles traditionnels d’officiants et d’enseignants, les prostitués sacrés d’aujourd’hui sont aussi de grands guérisseurs. Car ils ont appris à canaliser l’énergie sexuelle pour l’utiliser à de nombreuses fins thérapeutiques. Mais aussi parce que beaucoup d’entre eux se sont assigné la tâche de nous aider à guérir de nos blocages sexuels et à nous réconcilier avec cette part de nous qui a été, depuis tant de siècles, si bafouée et maltraitée.
Le livre « Women of the Light » n’est malheureusement pas disponible en librairie au Canada. Il est cependant possible de vous le procurer, par commande postale. Si vous êtes intéressé, veuillez communiquer avec nous pour connaître les modalités ([email protected] ou 450-834-6846). Le documentaire "Magdalene Unveiled: The Ancient and Modern Sacred Prostitute", aussi réalisé par Kenneth Ray Stubbs, est disponible aux mêmes conditions.
Pour en savoir plus sur l’approche que j’enseigne en compagnie de mon partenaire de vie, je vous invite à visiter notre site Internet à l’adresse suivante : www.lavoieroyale.com .
Pour lire l’article déjà paru « Spiritualité et sexualité » déjà paru, cliquez ici
Pour en savoir plus sur l’auteure, nous vous invitons à visiter sa fiche sur Alchymed.