Le Flow
On peut considérer l’état de flow comme un état d’esprit ou un état d’être dans lequel une personne concentre ses efforts en vue d’accomplir une tâche qui l’absorbe totalement, tout en ayant un objectif précis en tête et en obtenant une rétroaction immédiate concernant le processus en cours. L’expérience optimale présente un certain nombre de caractéristiques propres à ce genre d’expérience. N’hésitez pas à comparer les descriptions qui suivent avec ce que vous êtes susceptible d’éprouver lorsque vous faites la cuisine ou pratiquez un sport, par exemple. Sentez-vous par ailleurs libre d’envisager des situations dans lesquelles il est facile de reconnaître l’état de flow que peut ressentir un violoniste, un chirurgien, un alpiniste ou autre lorsqu’il est en pleine action.
Lorsque nous sommes dans l’état de flow, nous faisons une activité qui nous convient et que nous avons nous-même choisie. Nous avons un objectif clair à l’esprit et nous savons ce qu’il faut faire pour l’atteindre. Nous avons pris nos dispositions en conséquence et le fait d’être sur la bonne voie nous procure déjà un sentiment agréable. L’exemple de l’alpiniste illustre bien ce processus : le sommet de la montagne constitue pour lui l’objectif à atteindre, mais, en cours de route, celui-ci apprécie la nature et savoure l’effort physique requis par l’ascension elle-même. Or, lorsqu’un alpiniste est entièrement pris par ses manoeuvres, il expérimente déjà l’état de flow.
Lorsqu’on est dans l’état de flow, chaque action est immédiatement suivie d’une rétroaction. Selon la nature de l’activité pratiquée, nous recevons des signaux continus qui nous indiquent si nous sommes toujours sur la bonne voie ou non. Ainsi, l’alpiniste voit bien s’il est en train de grimper ou non, le violoniste entend si le son de son instrument est juste ou non, l’enseignant perçoit si ses élèves comprennent ses explications ou non. Afin de rester dans l’état de flow, il convient de vérifier immédiatement si tout se déroule correctement ou non. Mais il n’est pas toujours possible d’obtenir de la rétroaction en provenance de l’extérieur. Ainsi, lorsqu’on écrit un livre ou qu’on peint un tableau, il faut savoir se donner du feed-back à soi-même pour pouvoir y prendre du plaisir. En fonction de nos propres critères au sujet de ce que nous estimons être bien ou non, nous nous donnons une rétroaction interne.
Lorsque nous sommes dans l’état de flow, il s’établit un équilibre adéquat entre le défi que nous pose une situation donnée et les aptitudes requises pour le relever. Nous ne nous sentons pas frustrés ou anxieux parce que la tâche est trop difficile, mais le temps ne nous paraît pas non plus trop long parce qu’elle est trop ennuyeuse. Il règne alors un fragile équilibre dans lequel nos capacités cadrent bien avec l’activité que nous entreprenons. Imaginons que l’itinéraire choisi par l’alpiniste soit trop difficile et que celui-ci glisse et risque de tomber en permanence. Non seulement l’agréable sensation procurée par l’escalade disparaîtra, mais il sera sans doute également frustré et peut-être même envahi par la peur ou le désespoir. En revanche, si le chemin qu’il a choisi est facile au point où il n’a pas besoin de faire d’efforts, l’absence de véritable enjeu l’empêchera de faire l’expérience du flow.
Pour pouvoir rester dans l’état de flow, nous devons sans cesse nous améliorer dans notre domaine de prédilection. Si nous sommes prêts à relever de nouveaux défi s en vue d’atteindre un niveau de compétence toujours plus élevé, nous déploierons chaque fois un peu plus d’efforts et il s’ensuivra que l’activité dans laquelle nous sommes engagés ne sera jamais ennuyeuse. Ainsi, l’alpiniste améliorera sa technique et constatera par la même occasion qu’il est en mesure d’emprunter des itinéraires de plus en plus difficiles. Il deviendra peu à peu un meilleur grimpeur et pourra continuer de s’adonner à cette activité avec bonheur. Il n’est en effet possible d’éprouver du plaisir que s’il existe un bon équilibre entre nos compétences et les exigences de la tâche à accomplir. Cette dernière doit être agréable, pas trop ardue, mais pas trop aisée non plus.
Lorsque nous sommes dans l’état de flow, action et conscience de soi ne font qu’un. Comme il faut beaucoup d’énergie pour relever le défi qui se pose à nous, nous devons être complètement absorbés dans l’activité dans laquelle nous sommes engagés. Il est indispensable d’être à fond dans l’instant présent et de concentrer toute notre attention sur ce que nous sommes en train de faire. Cet état de concentration nous donne une impression de facilité, comme si tout allait de soi. Les musiciens connaissent bien cette sensation, qui consiste à ne faire qu’un avec leur instrument et avec la musique. Ceux-ci parlent fréquemment d’un état d’intense concentration, comme s’ils avaient été en extase ou dans un état de transe dans lequel tout paraissait se dérouler sans effort. Même les athlètes connaissent cette sensation, qu’ils désignent sous l’expression « être dans la zone ». Bien que les athlètes et les musiciens s’adonnent à des activités totalement différentes, ils décrivent le même phénomène. La raison pour laquelle on a donné en anglais le nom de flow – littéralement : « flux » en français – à cette expérience, c’est qu’elle consiste à s’investir totalement dans une activité et à se sentir emporté par une espèce de courant.
En raison de l’état d’intense concentration dans lequel nous nous trouvons lorsque nous faisons l’expérience du flow, aucune distraction ne peut venir troubler notre conscience. Tandis que nous sommes occupés de la sorte, nous n’avons pas le temps de nous observer. Le musicien ne songe pas une seconde au fait qu’il est en train de jouer admirablement bien du violon, par exemple. Car une telle pensée ne ferait que le perturber et l’empêcher de vivre l’instant présent. De même, les préoccupations quotidiennes et toute autre pensée susceptible de nous déconcentrer n’ont aucune prise sur notre esprit lorsque ce dernier est absorbé par une tâche. Toute notre attention est alors tournée vers l’activité en question.
Les moments exceptionnels où nous sommes dans l’état de flow font souvent songer à des vacances, comme si nous étions allés quelque part où notre tête serait devenue complètement vide. Contrairement à ce qui se produit en temps normal, alors que nos pensées se dispersent dans toutes les directions, une sorte de paix et d’ordre s’établit bientôt dans notre conscience. Les activités qui réclament toute notre attention – comme les échecs ou le violon – comportent des règles et des exigences qui nous obligent à avoir les pensées claires. Pour profiter pleinement d’une activité donnée, nous devons lui consacrer toute notre attention, faute de quoi il devient très difficile d’atteindre l’état de flow. Cette attention soutenue fait en sorte que nous ne craignons pas l’échec, pas plus que nous n’avons le temps de nous inquiéter de l’impression que nous donnons aux autres ou de la perception qu’ils ont de nous, pour la simple raison que de telles considérations n’ont pas leur place dans un tel processus. En réalité, nous nous oublions, mais, curieusement, c’est à ce moment précis que nous renforçons l’image que nous avons de nous-même.
Le Flow par Marlies Terstegge, publié aux Éditions de l’Homme
256 pages
ISBN : 9782761934084
Date de parution : 21 août 2013
27,95$
http://www.editions-homme.com/flow/marlies-terstegge/livre/9782761934084