De départ et de détachement
Cette amie par exemple qui, dans le moment et pour une nouvelle fois, observe le glissement d’un être cher vers la maladie, alors que, tout à son désir de lui venir en aide, elle croit juste de prendre un certain recul et de laisser libre court à ce qui prend place devant elle, de permettre aux fils d’une vie de s’entrecroiser pour former la trame qu’a voulu le tisserand, en l’occurrence, l’être malade.
Cependant, issue d’une famille nombreuse, elle est au cœur d’un tourbillon d’opinions sur les actions à prendre ou non, sur l’urgence d’agir et comment. Face à la situation, chacun y va de sa façon de voir et de faire. Elle-même au départ a cédé et a pris parti, croyant cela juste, alors qu’à présent la certitude ayant fait place au doute, elle demeure en retrait par besoin puis enfin se questionne : « Ce recul, est-ce de l’égoïsme? Un abandon face à ce qui se dresse devant moi et qui m’apparaît insoluble ? Un désintéressement? »
Pourtant, elle le sent bien…. Bien au-delà des choses à faire et à mettre en place au cas où et en prévision de jours plus difficiles, il y a cette une autre approche : celle d’être présente à l’autre, à l’écoute. De lui ouvrir sa porte, mais non d’interférer dans ses choix. Lui parler, l’apaiser, semer quelques graines… lui tendre la main.
Cette expérience de vie oui, la façonnera et la transformera. Chaque jour qui passe lui permettra d’affiner son action afin de demeurer en harmonie avec ce qui est, si bien sûr, elle sait demeurer attentive et s’offre aux possibilités de ce nouveau départ, de cet ultime voyage…
Mais encore…
« La Vie, voyez-vous, est un continuel apprentissage du « départ ». Chacun est contraint d’aller de départ en départ, faute de quoi chacun stagne en pétrifiant le flux vital en lui. Il est banal d’affirmer que celui que vous êtes aujourd’hui n’est plus du tout celui que vous étiez il y a quelques temps et ne figure pas encore celui que vous serez demain. Il s’agit d’une vérité biologique et psychologique. Mais il est beaucoup moins banal d’en saisir toute la portée.
Vous vivez perpétuellement en état de métamorphose. Vous êtes perpétuellement en état de « départ »… mais, à chaque fois que vous vous raidissez contre cette notion, vous découvrez la mort et la peur de celle-ci. Seul celui qui accepte de poser sans cesse un pied dans l’Inconnu, cette espèce de vide intérieur, apprend à voler, c’est-à-dire à dépasser ses craintes.
Concrètement, très concrètement, cela signifie qu’il est grand temps de voir dans le détachement autre chose qu’un mot. »
Le moine au drapé safran fait ici une nouvelle pause comme s’il attendait de notre part une question ou peut-être l’une de ces objections qu’il semble affectionner. Pourtant, de nos consciences, rien ne jaillit. Rien d’autre qu’un profond sentiment de paix, quelque chose qui nous fait entendre… comme le son de l’éternité derrière les mots qui s’offrent.
« En bien! Fait soudain le moine, l’avez-vous oublié? Prenez donc garde à ce que des paroles qui se veulent de réveil ne soient jamais bues d’un seul trait. Il peut y avoir de subtils somnifères analogues à des chausse-trapes, jusqu’au sein même du réveil.
Ainsi, lorsqu’il cultive le détachement, l’ego s’empresse-t-il souvent de transmuer celui-ci en … désintérêt. Voilà ce que vous auriez dû m’objecter!
Combien de méditants et de « grands spiritualistes » fuient les affaires de ce monde sous prétexte d’un lumineux détachement qui n’est en fait qu’un subtil égoïsme.
Le détachement, mes amis, est enfant de l’humour et de la sagesse. Il n’implique en fait aucune rigide distanciation vis-à-vis de tout ce qui a trait à ce monde. Il est agissant et n’a rien à voir avec une quelconque passivité. En réalité, il s’annonce comme étant l’inverse du désintérêt parce qu’il est orienté vers le don.
Le détachement naît de nos morts successives, de la fonte de nos masques. Il en représente le fruit si discret mais pourtant si fort. Jamais il n’est une fuite ou la réponse peureuse et égoïste au monde qui paraît inique et cruel. Le détachement, c’est la maîtrise. La maîtrise des émotions et des apparences. Jamais leur froide et mensongère négation. Par lui, se manifeste l’un des visages de cet amour qui devient la clé.
Évidemment, vous allez me dire… « comment l’acquérir ?» Mais en vérité, il ne s’acquiert pas. Il ne se recherche pas non plus. Si vous le recherchez, si vous recherchez tout aspect de la libération, c’est votre tension mentale, votre désir qui entrent alors en jeu… et vous sortez de la dimension du cœur.
Au contraire, vous cultivez le détachement, vous faites un pas vers la libération à chaque fois que vous offrez, de quelque façon que ce soit, un peu du meilleur de votre être. Le processus s’opère de lui-même, au rythme de vos morts, c’est-à-dire à la cadence de vos décrispations. Le problème de la conscience rivée à sa petite personnalité incarnée est qu’elle s’exprime continuellement avec le poing serré et le cœur qui comptabilise. La racine de bien des maux se situe là et pas ailleurs.
Mourir, à tous les niveaux, c’est tout simplement abandonner de plein gré ce qui, en fait, ne nous appartient pas… le déguisement d’une fonction pétrifiante, les pouvoirs sur autrui, les peurs empruntées à une société, à une culture, les croyances héritées ainsi que toutes les robotisations de l’âme et du corps.
Et je vous le dis mes amis, la Lumière vient plus souvent visiter ceux qui acceptent de mourir régulièrement à quelque chose que ceux qui se cachent dans le moule prédéfini et mécanique d’une existence. À chaque fois qu’un verrou tombe, une fleur s’épanouit quelque part… »
Celui qui vient – Éditions S.O.I.S – Anne Givaudan et Daniel Meurois
Par Viviane Turgeon
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