Le plaisir de bien écrire

Quiconque a observé un enfant faire ses premiers gribouillis a pu noter le plaisir que celui-ci éprouve à explorer la feuille en déplaçant son crayon dans un mouvement ininterrompu. Le geste graphique est d’abord et avant tout un geste continu, spontané et fluide qui se fait dans les quatre axes : en haut, en bas, à droite et à gauche. Sur le plan symbolique, la liaison entre les lettres représente le lié et le liant, c’est-à-dire le lien entre les idées et les choses ainsi que la relation à l’autre.

En plus d’être un geste naturel, ce mouvement d’ouverture symbolise une main tendue vers autrui; cela ne peut, selon nous, que favoriser un meilleur développement de l’enfant sur le plan intellectuel (tête), relationnel (cœur) et kinesthésique (corps) ainsi qu’une meilleure estime personnelle[1] . Il suffit d’observer la fierté des enfants devant leur « belle » écriture pour s’en convaincre.

Il y a plus de 30 ans, le Québec emboîtait le pas à plusieurs pays anglo-saxons en délaissant l’enseignement de l’écriture cursive (lettres attachées) au profit du script (lettres détachées). L’argument principal motivant ce choix était de faciliter l’apprentissage de l’écriture en enseignant à l’enfant à écrire comme ce qu’il voyait dans les livres (écriture script).

Nous constatons malheureusement les effets de cette décision en observant les écritures de plusieurs jeunes adultes qui n’ont jamais appris la cursive : déstructuration importante de l’écriture, mauvaise organisation de l’espace, illisibilité, douleur en écrivant, etc. On peut certainement comprendre comment ces difficultés sont préjudiciables au développement des jeunes et à leur intégration professionnelle.

Script versus cursive

Alors que l’écriture script repose uniquement sur la reproduction de la forme, la cursive quant à elle s’appuie sur la maîtrise du mouvement. Cette distinction est fondamentale et entraîne des conséquences non négligeables. En effet, le script, en misant essentiellement sur la forme, ne favorise pas l’apprentissage de la gestion des espaces interlettres et intermots ainsi que la gestion des proportions entre les zones médiane, supérieure et inférieure.

À l’opposé, l’enseignement de la cursive permet simultanément l’apprentissage de l’espace interlettres et intermots ainsi que la distinction entre les hampes (zone supérieure), les jambages (zone inférieure) et les lettres de la zone médiane. En outre, parce que l’enfant doit relire le mot pour ajouter l’accentuation avant d’écrire le mot suivant, nous remarquons que cet exercice favorise simultanément l’apprentissage de la lecture. Ainsi, l’enfant qui écrit le mot lui (une grande boucle et trois guirlandes) doit ajouter le point au-dessus de la dernière guirlande qui forme la lettre i.

Enfin, la cursive permet à l’enfant de progresser efficacement et rapidement en abordant les difficultés une à une. Rencontrant moins de difficulté, l’enfant réussit mieux. Il est alors sécurisé, donc plus confiant en ses possibilités (augmentation de l’estime de soi) – ce qui le prédispose à une meilleure réussite scolaire. Plus vite l’enfant écrit aisément de manière fluide et spontanée, plus vite il peut concentrer son attention à comprendre et à maîtriser les règles (grammaire, syntaxe, sémantique. lexicologie, etc.) qui régissent la langue.

Méthode d’apprentissage

La méthode[2] proposée s’appuie sur la maîtrise d’un geste graphique fluide qui permet au crayon d’avancer facilement sur le papier. Une bonne tenue de crayon permet de faire travailler les muscles de façon économique et évite du même coup les douleurs causées par les crispations des doigts, de la main et de l’avant-bras – ce qui limite la tension et favorise la souplesse du mouvement.

L’apprentissage débute par la mise en place des éléments « mécaniques » : latéralisation, tenue de crayon, gestion de l’espace vertical et horizontal, déplacement du bras et des doigts, position de la feuille et du corps, etc. Une fois ces notions acquises, nous progressons avec l’apprentissage des formes de base : la boucle (lettres l et e), la guirlande (lettres i, t et u), l’arcade (lettres m, n et x) et, finalement, le cercle (lettres c, o, a, d, g, q). Toutes les lettres de l’alphabet, à l’exception du r et du s, sont produites par ces formes. Simultanément, l’enfant apprend à écrire des mots en combinant les lettres et à construire des phrases en enchaînant les mots.

Cette méthode a fait ses preuves tant en Europe qu’en Amérique du Nord. En effet, nous avons pu l’observer à maintes reprises dans le cadre de notre projet de recherche[3] ainsi que par les nombreuses conférences pédagogiques données au Québec et aux États-Unis.

Conclusion

Afin de répondre aux nombreuses demandes qui nous étaient formulées par des enseignants, des parents et des grands-parents, nous avons rédigé un guide pratique, accompagné d’un cahier d’exercices, qui décrit de façon claire et simple les étapes à suivre pour favoriser l’apprentissage de l’écriture cursive.
Par ce guide, nous souhaitons redonner à la cursive ses lettres de noblesse, puisqu’elle seule permet la fluidité et la rapidité du geste ainsi que ses combinaisons originales lorsque le geste est maîtrisé et l’autonomie acquise.

Laisser glisser sa plume pour écrire ses pensée, ses états d’âme ou pour dessiner un rêve : un petit bonheur qui ne coûte rien et qui rapporte tellement!

[1] Cette hypothèse fera l’objet d’un projet de recherche au doctorat, une fois que le projet de maîtrise sera complété.
[2] Nous avons adapté la méthode proposée par Mme Danielle Dumont; celle-ci est très bien expliquée dans son livre Le geste d’écriture : Cycle 1 et 2, publié aux éditions Hatier en 2002.
[3] Recherche menée dans le cadre d’un programme à la maîtrise en didactique du français à la Faculté des sciences de l’éducation de l’Université Laval.

Pour en apprendre plus, inscrivez-vous à la formation Introduction à la graphopédagogie offerte par la Direction de la formation continue de l’Université Laval www.perfectionnement.ulaval.ca .

Une formation de deux jours vous est proposée :
– à Montréal : 26-27 octobre 2006 ou 22-23 février 2007
– à Québec : 2-3 novembre 2006 ou 15-16 février 2007

Pour nous joindre :
Téléphone (Montréal) : 514 954-8988
Téléphone (Québec) : 418 653-6447
Ailleurs au Canada et aux É.-U. : 1 888 553-6447
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Pour en savoir plus sur l’auteure, nous vous invitons à visiter sa fiche sur Alchymed.