Rêve et quête spirituelle
À cette époque, je ne m’intéressais pas à mes rêves. Si on m’avait posé la question : est-ce que tu rêves ? J’aurais sans doute répondu « non ». Ou peut-être aurais-je dit « parfois, il y a longtemps ». Ma vie n’avait pas beaucoup de sens. Une vie de couple en dérive. Un nouveau travail dans un pays étranger. Dépaysé tant à l’extérieur qu’à l’intérieur, j’avais l’impression d’avoir perdu tous mes repères. Je me sentais perdu. Désemparé, je me questionnais sur le sens de tout ça, sur le sens de la vie, sur le sens de ma vie.
Ce rêve, cette confrontation avec l’ours noir, ce regard de l’ours blanc allaient changer bien des choses. Le lendemain matin, je me précipitais chez un marchand tout près de la pension où j’habitais, pour m’acheter un cahier, y noter mon premier rêve et commencer ainsi un journal de rêves qui se poursuit à ce jour.
Sur le plan extérieur, j’amorçais une carrière internationale qui allait durer vingt ans et m’entraînerait toujours plus loin. Au plan intérieur, un autre voyage s’amorçait qui lui, m’entraînait dans une tout autre direction, de plus en plus près de moi, au cœur de ce que je suis, à la source de mon être. Mais n’anticipons pas.
Je ne savais rien des rêves à l’époque, ni de leurs symboles ou de leur interprétation. Tout ce que je savais ce matin là, c’est qu’il me fallait écrire ce rêve. Je n’aurais jamais affronté un ours dans ma vie réveillée. D’où me venait l’audace de le faire en rêve ? En grognant de surcroît ! Ça me semblait tellement irréel une fois réveillé et pourtant tellement réel dans mon rêve. Comment était-ce possible ? Et que me voulait cet ours blanc, qui en se retournant semblait me dire « suis-moi » avant de disparaître ?
Sans véritablement comprendre mon rêve, je savais que cet ours m’invitait à le suivre. Comment je le savais, je ne saurais dire. Était-ce à sa façon de me regarder, de disparaitre tranquillement ? Je ne sais toujours pas, pourtant il m’interpelle encore aujourd’hui. C’est toujours lui que je suis dans ma quête de mieux-être. Si ce rêve n’apportait pas une réponse claire et définitive à ma question de sens à ma vie, il me laissait néanmoins sur une impression nette qu’il y avait autre chose à la vie que « métro, boulot, dodo » et il m’appartenait de le trouver.
Je me suis mis à noter les rêves dont je me souvenais. J’ai alors réalisé que plus je m’intéressais à mes rêves, plus ils semblaient s’intéresser à moi. Je m’en souvenais de plus en plus souvent et certaines nuits, il m’en arrivait deux et même trois. Moi qui ne rêvais presque jamais ! Ce n’est que plus tard que j’apprendrai que nous rêvons tous et que nous pouvons avoir quatre ou cinq périodes de rêves, chaque nuit.
Je me suis mis à devenir plus attentif à mon réveil, à ne pas brusquer ce précieux moment de passage entre la nuit et le jour. Parfois je m’émerveillais des images que la nuit m’apportait, d’autre fois j’étais horrifié. Parfois je me réveillais apeuré, d’autre fois excité. Parfois je pouvais reconnaitre les personnages et les lieux de mes rêves. D’autres fois je partageais ma scène onirique avec des étrangers, dans d’étranges décors. Comment cela est-il possible ? D’où me viennent ces images ? Pourquoi ce rêve maintenant ? Ma curiosité s’éveillait de plus en plus.
Je relisais le rêve que je venais d’écrire dans mon journal de rêves en soulignant les images qui m’interpellaient le plus. Les images familières, celles que je retrouvais dans mon quotidien, les images déroutantes, celles qui semblaient venir de nulle part. Est-ce bien moi qui ai « fait » ce rêve ? Puis j’ai réalisé que mes rêves présentaient souvent des scénarios qui pouvaient même se répéter ; des scènes qui pouvaient être jouées par des personnages différents dans des décors qui changeaient mais dont le scénario demeurait sensiblement le même. Y a-il un sens à ces scénarios nocturnes ? Lequel ? Pourquoi certains d’entre eux se répètent-ils ? Se pourrait-il qu’il y ait un lien entre les scénarios de mes rêves et ma réalité de veille, mon quotidien ?
Une nuit, je rêve : je participe à une réunion de travail avec mes nouveaux collègues de la COHDEFOR, la Corporation hondurienne de développement forestier. Notre discussion s’éternise, quelques personnes monopolisent la conversation, s’attardant à des détails qui me semblent tout à fait futiles. Plus le rêve avance, plus la frustration monte, moins j’interviens. Je me réveille furieux.
Furieux et abasourdi. Je venais de rêver à une situation qui s’était déroulée la veille à mon bureau. Exactement la même ; le même décor, les mêmes personnes, la même discussion. Sauf qu’à mon bureau, je ne m’étais pas senti fâché. À peine un peu agacé par la longueur de la rencontre et si j’intervenais peu, c’était bien sûr à cause de mon espagnol qui n’était pas encore à la hauteur. J’avais oublié mon soupir de soulagement quand après les « civilités d’usage », tous mes hôtes avaient fini par s’en aller. Le parallèle entre le rêve et la situation de mon quotidien était frappant. Pourtant le rêve me montrait une attitude très différente de mon comportement de veille, j’ai failli écrire, dans la « vraie » vie. Mais qui dit vrai, le rêve ou le masque que je porte pour les « civilités d’usage » ? En réalité, j’étais fâché et mon rêve me le montrait clairement.
J’étais aussi très content. Je venais de trouver le pont que je cherchais. J’avais vu et expérimenté le lien que je soupçonnais exister entre mes rêves la nuit et les situations de mon quotidien le jour. Rêve et situations de la vie quotidienne ne sont pas deux mondes séparés qui ne communiquent pas entre eux, au contraire. Je venais de découvrir la clé maîtresse qui me donnait accès à un espace de dialogue entre ces deux facettes de ma réalité et mon travail avec mes rêves consisterait à habiter cet espace, à nourrir ce dialogue.
J’allais découvrir une seconde clé maîtresse quelques années plus tard, lorsque, revenu au Québec, je me suis inscrit à mon premier atelier de rêve : Rêve : miroir… dis-moi qui je suis (Rêve 1). Je me souviens de ce vendredi soir, du cercle formé par la quinzaine de personnes que nous étions, de la rose unique au centre, et de cette phrase lancée par Rose Pineault la fondatrice de L’Arc-en-ciel : « Tout dans le rêve m’appartient ». Je me souviens aussi de la réaction spontanée du sceptique que j’étais, et que je suis toujours tant que je n’ai pas expérimenté par moi-même : « Ben voyons donc ! » Heureusement, il y a amplement de place pour le questionnement et l’expérimentation à L’Arc-en-ciel. Quelle fin de semaine !
Cette phrase : tout dans le rêve m’appartient, j’allais avoir de multiples occasions de la tester et de la contester au cours des deux années qui ont suivi, au fil des rencontres de la formation Connaissance de soi et intervention par le rêve que je ne pouvais manquer de suivre. Aujourd’hui, c’est à mon tour, comme membre de l’équipe de formateurs de L’Arc-en-ciel, de la dire. À mon tour aussi d’inviter les personnes qui participent à nos ateliers et formation à sonder leurs rêves pour y découvrir leurs propres réponses tout en les accompagnant dans l’expérimentation des outils qui leur permettront d’y parvenir.
Je n’affronte pas des ours en grognant dans tous mes rêves. Souvent, il m’est arrivé de m’enfuir quand j’étais poursuivi et même parfois d’essayer de courir sans en être capable. Tout dans le rêve m’appartient. Quelle est cette part audacieuse en moi ? Cette part qui a peur ? Cette part qui se sent impuissante ? Et aussi l’ours en moi, le poursuivant en moi. Pourquoi ce rêve précisément à ce moment-ci dans ma vie ? Quel éclairage m’apporte-t-il sur mon quotidien ? Quel angle aveugle me permet-il de voir ?
Tous mes rêves ne sont pas des grands rêves. Il m’arrive parfois de les trouver ordinaires, banalement quotidiens ou encore totalement déconnectés. Pourtant si j’y regarde de plus près, si je prends le temps de les écouter et d’entendre, tous mes rêves ont un message à livrer, une réponse à une question, une part de sagesse et de vérité pour enrichir mon quotidien et faire de moi une personne plus humaine, plus à l’aise avec ses contradictions et mieux en mesure de résoudre ses conflits, plus aimante, plus heureuse aussi.
À mon arrivée au Guatemala en 1979, je cherchais un sens à ma vie. L’ours blanc de mon rêve m’a répondu mais sans me donner « une » réponse ; il ne m’a pas dit : fais ceci, fais cela, viens ici, va là ». Il m’a silencieusement indiqué qu’il y avait un chemin et il m’invitait à le suivre. Et je l’ai simplement suivi.
Je ne savais pas alors que l’ours blanc de mon rêve me conviait à une quête, un rite ancestral pratiqué dans nombre de sociétés traditionnelles à travers le monde et que nos sociétés modernes ont oublié. Pourtant.
Quête de sens pour celui qui est désemparé, quête de paix pour celui qui est en guerre, quête de liberté pour celui qui se sent à l’étroit dans sa vie, quête spirituelle pour celui qui a mal à l’âme, ou tout simplement quête de bonheur, notre vie est une quête si nous répondons à l’invitation de l’Ours blanc, peu importe la forme qu’il peut prendre pour chacun.
Claude Desloges est responsable de La Quête de liberté, un voyage initiatique d’une grande puissance transformatrice qui a lieu chaque année depuis 1982 et de la formation Connaissance de soi et intervention par le rêve qui s’adresse à toute personne désireuse de cheminer et d’utiliser le rêve pour intervenir dans le domaine personnel ou professionnel.
Il est co-auteur de Et si les rêves servaient à nous éveiller…
ACTIVITÉS OFFERTES :
La Quête de liberté du 3 au 11 juillet
Soirées d’information :
À Montréal, jeudi 30 avril et mardi 2 juin à 19 h 30
À Québec, mercredi 20 mai, 418-652-7398
Rêve : miroir… dis-moi qui je suis
À Montréal, six vendredis de 9 h à 12 h dès le 17 avril
et la fin de semaine 22, 23 et 24 mai
À Sherbrooke, la fin de semaine 1, 2 et 3 mai, 819-347-1651
L’Encan chinois du Projet 17-25 : En Quête de soi
À Montréal, 18 avril à 19 h
l’Église Orthodoxe de la Vierge Marie,
10841, rue Grande-Allée (coin boul. Gouin E.) Ahuntsic, Montréal
Centre de réalisation de soi
www.larcenciel.org
[email protected]
39 B, boul Gouin O.
Montréal (Qc) H3L 1H9
514-335-0948