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Sur le chemin de l’homme ordinaire

L’homme ordinaire, un être enraciné, vivant, vulnérable et imparfait. Quelques conditions de développement et d’expansion du soi. La capacité de contenir l’expérience d’être vivant apparait comme l’habileté de base que l’être humain doit développer pour accéder à un plus grand bien-être. L’habileté de contenir consiste à laisser circuler à l’intérieur de son corps les sensations et émotions qui constituent l’essence de l’expérience.

Plus cette capacité est grande, plus le champ d’expérience possible est vaste et plus l’expérience de soi se développe et se consolide. Nous sommes programmés pour la réalisation de cette expansion. En PCI, nous définissons l’expérience de soi comme une expérience d’identité, de continuité et de bien-être ressentie dans le corps. Nous arrivons au monde avec un soi et une certaine capacité de tolérance à la vitalité (intensité sensorielle et émotive). Cet acquis venant de notre bagage génétique est modelé par les expériences relationnelles que nous allons vivre par la suite et il prendra de l’expansion ou il sera inhibé et déformé à partir des expériences vécues. Certaines conditions essentielles sont requises pour permettre le développement optimal de cette capacité de tolérance et de plaisir à l’expression de la vie en soi. Voyons quelques unes de ces conditions.

Partons de deux exemples de personnes venues consulter pour des raisons différentes (les noms et certains détails ont été modifiés pour protéger l’anonymat des personnes concernées).

Josée
, une femme vers la fin de la quarantaine, vient consulter à la suite de conflits au travail. La situation de crise vécue entraîne chez elle un sentiment intense de trahison, une grande anxiété, de la peur, une difficulté de concentration et un affect plutôt dépressif accompagné d’idées à tendance paranoïde. En entrevue, Josée est fréquemment bloquée, incapable de s’exprimer aussitôt que les sentiments l’envahissent. Elle doit souvent attendre que l’intensité de son expérience corporelle baisse pour pouvoir s’exprimer.

Paul est un homme au début de la quarantaine. Il vient d’abord consulter pour des problèmes de couple. Il se questionne sur sa relation, ne sachant plus s’il aime sa conjointe. Il se sent de plus en plus loin d’elle face à leurs difficultés de s’entendre sur la répartition de la responsabilité de pourvoir à la vie de la famille. Il finit par se sentir exploité et se referme émotivement. Après un certain travail en couple, Paul en vient à l’évidence qu’il a besoin de travailler une dimension qui ne dépend pas de sa conjointe. Paul a bâti de la rancœur à partir de son agence vis-à-vis de sa conjointe (concept élaboré par Jack Rosenberg pour désigner la tendance viscérale à se quitter pour essayer d’’arranger l’autre, de prendre en charge son bien-être,  dans l’espoir souvent inconscient d’être aimé en retour). Comme il a échoué dans son contrat unilatéral, il est déçu, se referme et lui en veut.

Dans ces deux exemples, au-delà des contenus et enjeux propres à chacun, le travail de base revient à fournir à ces personnes les conditions qui vont leur permettre de développer la capacité de ressentir leur expérience sans avoir nécessairement recourir à leurs réflexes de survie.

Josée ne peut tolérer de ressentir sa peur, son excitation, sa vitalité en présence des autres, surtout quand il lui faut s’affirmer et prendre sa place. Les informations tirées de son scénario (son histoire personnelle en relations avec ses parents et d’autres personnes significatives de son passé) nous montrent que, enfant,  elle n’a jamais senti qu’elle avait le droit d’exister, encore moins de prendre sa place si cela dérange les autres. Conséquemment, elle a développé des croyances et des patterns de contractions corporelles et des mécanismes de dissociations qui lui évitent de sentir la menace de souffrir ou de s’effondrer. Confrontée à cet enjeu dans un conflit de travail, elle ne peut tolérer de ressentir les émotions et les sensations qui accompagneraient une affirmation de soi. Alors, elle reste coincée dans un sentiment de trahison; blessée, elle recule et s’enlise dans la rancœur. Quand ses émotions apparaissent plus fortement, cette expérience est tellement menaçante qu’elle doit recourir à de vieux mécanismes non-fonctionnels pour survivre (elle devient figée, absente, dissociée de son expérience et se perd dans des pensées autodestructrices, dans une dernière tentative d’échapper à l’intolérable menace d’être détruite ou de vivre l’expérience menaçante d’exister plus ouvertement). Elle est incapable d’aller plus loin toute seule.

De son côté, Paul se rend rapidement compte de son comportement d’agence et il comprend bien comment ce réflexe vient de sa relation avec sa mère. Par contre, il est incapable d’arrêter cet « agir ». L’actualisation de son réflexe d’agence est une façon d’éviter de se sentir mal ou menacé de disparaître, en perdant l’amour de l’autre, s’il « se choisit ».

Josée et Paul comprennent bien les enjeux reliés à leurs difficultés. Mais ils restent coincés parce que l’étape essentielle au changement ne vient pas uniquement de la compréhension, mais de la capacité de ressentir une expérience différente dans leur corps. Cette expérience différente ne sera possible qu’à travers un apprivoisement à ressentir les émotions évitées, avec le soutien d’une relation thérapeutique significative, différente du passé, et certaines autres conditions.

La première condition pour se laisser ressentir pleinement dans son corps est de sentir un contenant assez solide. Nous avons commencé notre développement intra-utérin dans un contenant physique et énergétique privilégié, nourrissant et protecteur. Dans cet espace, nous avons tout expérimenté de façon sensorielle et nous avons commencé à incorporer des mémoires de nos expériences. Quand l’expérience a été trop intense pour nos capacités restreintes, nous avons eu besoin d’un contenant supplémentaire, celui du support et du réconfort énergétique de notre mère, pour ne pas rester coincé dans une réaction de fuite ou de contraction. Les recherches actuelles sont sans équivoque en ce qui concerne la vulnérabilité du fœtus à l’environnement immédiat que représentent l’utérus et les états physiques et émotifs de la mère. Il en est de même pour le jeune bébé et l’enfant tout au long de sa vie. L’enfant a besoin de contact affectif et physique avec l’adulte pour se développer et surtout lors de moments émotifs (liés à des besoins internes ou en réaction à une situation extérieure) plus intenses;  il a besoin d’aide et de support concret comme un contact physique, une parole rassurante ou une présence supportante pour vivre ses expériences sensori-émotives avec ouverture et fluidité. Sans ce support, l’enfant se défend en se contractant ou en se dissociant pour se protéger de ce qui est un ressenti corporel intolérable et menaçant pour lui.

Le  contact privilégié avec une mère suffisamment ‘bonne contenant’ procure la sécurité et le support qui permettent à l’enfant de développer une plus grande capacité d’expérience et de pousser ses limites de plus en plus loin. Par exemple, l’enfant expérimente que cette grande peine (ou frustration, ou peur, ou colère, ou excitation) ne le détruit pas; cette expérience renforce sa confiance en sa capacité de ressentir ses expériences et consolide son sentiment de soi. Un être qui ressent pleinement son expérience à chaque instant ne cherche pas à se définir par des rôles ou des images, il ressent un sentiment d’existence à chaque instant.

En psychothérapie, en relation d’aide, c’est cette même relation de confiance qui permettra à une personne de s’apprivoiser à élargir son champ d’expérience et sa capacité de ressentir plus pleinement et intégralement son expérience.

C’est l’étape de l’alliance thérapeutique : l’établissement du lien de confiance entre le client et son thérapeute. C’est l’étape nécessaire au cours de laquelle le client sent qu’il peut se fier à une personne, son thérapeute; suffisamment pour prendre des risques et élargir son champ d’expérience. Ce sera peut-être d’abord de parler, de se confier, de se montrer dans des aspects qu’il cache depuis longtemps. Et cette nouvelle expérience relationnelle l’amènera à vivre une relation à lui-même et à l’autre, différente de son passé. Nous avons constaté que l’alliance thérapeutique ne se développe que lorsque la personne se sent vue et entendue. Quand je sens que la personne qui m’écoute comprend la nature et l’importance de mon expérience sans me juger, c’est déjà une expérience différente de mon passé. C’est par ses reflets justes et son attitude empathique que le thérapeute véhicule cette expérience. Nous savons que pour procurer un reflet juste et empathique, tant du point de vue du contenu que de l’énergie, le thérapeute a besoin d’une conscience claire de sa frontière et d’une présence pleine à l’expérience en cours. Il est donc essentiel pour le thérapeute de maîtriser suffisamment ces habiletés. La relation de confiance deviendra aussi le lieu privilégié du transfert de tous les préjugés, besoins, enjeux et espoirs déçus du passé. Dans le processus de psychothérapie (plus fortement) et dans toute relation d’aide, la relation transférentielle est inévitable et nécessaire. C’est au cours de cette expérience relationnelle que la personne développe une plus grande capacité de contenir son expérience telle qu’elle est, grâce à la sécurité de cette relation privilégiée.

Le cadre thérapeutique et la relation de confiance servent de contenant. Il nous semble tout aussi important d’aider le client à développer son propre contenant. Le terme frontière désigne l’espace physique, énergétique, émotif et intellectuel qui appartient à la personne. Nous utilisons des outils concrets (comme des cordes, des rubans, craies, papiers…) pour permettre à la personne de faire une expérience visuelle claire de son espace en présence du thérapeute. Le thérapeute doit aider le client à prendre conscience qu’il peut avoir un espace qui lui appartient en relation sans perdre le lien. Cet espace peut prendre différentes formes au début selon les blessures de la personne; le thérapeute doit pouvoir respecter cette forme et le rythme du client sans atténuer le lien, en faisant des reflets justes qui honorent les besoins de la personne. Il se peut que le thérapeute doive servir de contenant comme la mère dans la petite enfance, pour ensuite soutenir ses forces pour s’appartenir et s’assumer.

Dans ce processus, le thérapeute est guidé par deux sources d’informations complémentaires : d’un côté, il fait avec le client un tableau de l’histoire des patterns relationnels ( nous l’appelons le scénario originel) de la personne et de sa famille. Ce travail fournit rapidement des informations sur les forces et blessures relationnelles issues du passé. D’un autre côté, le thérapeute observe et note les réactions corporelles en prenant le contenu de l’histoire de la personne. Il peut voir ainsi les réflexes d’expansion ou de contraction de l’organisme en lien avec ses différentes expériences.

Josée a mis du temps à s’apprivoiser à la relation. La frontière a été un outil important dans son cheminement, car elle concrétisait son besoin d’être rassurée qu’elle ne sera pas envahie par l’autre. Cette expérience, à la fois émotive, corporelle et énergétique a fonctionné pour Josée malgré sa réticence intellectuelle à faire un exercice qui lui semblait stupide. La relation de confiance était suffisante pour la supporter malgré sa peur. Le lien avec son scénario était clair, mais elle avait besoin de ces outils pour enregistrer une expérience somatique différente de son passé. Graduellement, elle s’est apprivoisée à travers ses partages et les différentes expériences vécues, à ressentir de plus en plus son expérience émotive, sans crainte d’être heurtée, voire détruite par son intensité, ni par la relation. Elle a repris le développement de son soi là où il s’était arrêté. Elle se sent libérée de sa crainte de se sentir et elle peut mieux accepter les émotions qu’elle craignait. Elle se sent plus forte et compétente à vivre sa vie et à affronter les différentes situations qui se présentent. Les blessures du passé ne sont pas disparues; elle a un sentiment de soi assez solide pour les ressentir sans craindre pour son intégrité. Elle accepte et gère les vagues de sensations-émotions avec plus de vulnérabilité et de solidité.

Paul, de son côté s’apprivoise à « se choisir » et à établir ses limites à partir de son bien-être plutôt qu’en réaction à l’autre. Sa frontière, d’abord défensive (pour éviter de se sentir envahi – cette position est souvent une étape nécessaire) se transforme graduellement en une expression de soi au fur et à mesure qu’il fait plus de place à son ressenti. Enraciné dans une plus grande conscience corporelle, il sait plus clairement ce qu’il veut et ce qu’il ne veut pas.

Pour faire ce cheminement, Josée et Paul ont eu besoin d’autres outils. Ils ont dû travailler leur présence, sinon, les expériences vécues restent en surface et ne permettent pas une réorganisation de la façon de gérer son expérience. La présence dont nous parlons est la capacité de porter une attention soutenue à son expérience. La non-présence, d’autre part, est un réflexe qui consiste à se dissocier d’une partie de son expérience pour ne pas ou moins la ressentir. Ce réflexe peut même amener la personne à ne pas remarquer son expérience ou à en parler sans rien ressentir. Ce  réflexe est automatique et la personne qui l’a a besoin d’aide pour redevenir assez présente et ainsi enregistrer de nouvelles expériences significatives d’elle en relation. Une expérience est significative quand la personne la ressent dans son corps, en étant présente à ses sensations, ses émotions et les significations qui émergent de l’expérience en relation.

Paul vit une expérience significative quand il affirme sa frontière en ressentant consciemment son excitation et sa peur, sans se laisser arrêter par cette dernière. Il est présent à toutes les dimensions de son expérience. Josée vit une expérience significative quand elle est pleinement présente à son expérience de contraction quand elle a peur et qu’elle fige. Ce n’est pas agréable, mais c’est cette présence qui lui donnera le courage, cette fois-ci ou une autre fois, d’aller plus loin. D’ailleurs, le simple fait d’être présente à son expérience et de l’accepter, la modifie. Ceci met bien en relief que le but poursuivi n’est pas de se débarrasser des sentiments désagréables, mais de pouvoir les vivre sans se sentir menacé dans son intégrité. Le contenant est devenu plus grand que la blessure et la solidité du soi aux tremblements des assises du corps est augmentée.

La conscience corporelle est une condition de base pour aider une personne à s’approprier son expérience et à développer une plus grande capacité  à la ressentir pour se vivre plus pleinement. Vivre le plus possible son expérience dans son intégralité est l’objectif poursuivi. Ce chemin est favorisé par certains exercices corporels (respiration, conscience corporelle, mouvements, postures, points de pression, manipulations douces) pour aider l’armure et les schémas corporels à relâcher et laisser circuler l’énergie bloquée et laisser émerger les mémoires enfouies. C’est un chemin qu’il nous faut accepter de faire humblement, comme un processus en continuelle évolution et non comme une destination à atteindre rapidement. Ce chemin se fait en portant attention à ce qui est, à ses sensations et ses émotions au fur et à mesure qu’elles se présentent. C’est une reconnaissance de ce qui est, sans chercher à changer l’expérience. L’organisme en processus de croissance soutenu par la sécurité d’une relation stable, accueillante et empathique, pourra graduellement reconnaître les vieux réflexes de protection à travers leurs conséquences dans le corps et/ou dans la relation. C’est une expansion de la conscience psychosomatique et un pas de plus vers la liberté de se sentir et de pouvoir choisir sa vie en fonction de ses aspirations plutôt qu’à partir de ce qu’il faut éviter. Les compétences développées nous aident ainsi à mieux gérer notre vie émotive et relationnelle, dans un espace authentique, vulnérable et imparfait. C’est le bonheur de l’homme « ordinaire » qui fuit moins dans les images.

Quand Josée se sent se contracter, ou quand elle se rend compte qu’elle ne sent plus son corps, elle ne peut plus douter qu’elle est train de se défendre. Elle a accès à des outils pour aider son organisme à revenir dans une expérience d’elle-même plus connectée et satisfaisante.

Dans tous les cas, notre corps est un baromètre essentiel et efficace. Il est une voix qui ne ment pas. C’est ce qui en fait un outil si précieux dans le processus de récupération de son expérience entière et authentique en relation. Une expérience de soi vivante.

André Duchesne, psychologue

Pour plus de renseignements sur la formation en PCI et les ateliers à venir, consultez le site Web de l’IPCI.

Début du prochain groupe de formation en PCI le 8 septembre 2011.

Une soirée d’information gratuite aura lieu le 26 août 2011. Prière de réserver votre place.

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