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« Derrière le rideau »

Marie Lise Labonté est psychothérapeute de formation. Elle publie aujourd’hui Derrière le rideau aux Éditions de l’Homme, un livre dans lequel elle s’exprime sur cet événement qui a changé sa vie dix ans plus tôt: le meurtre de son mari dont elle a été le témoin impuissant, cachée derrière un rideau. Elle y explique comment elle est parvenue à faire de ce drame une occasion d’apprentissage. TOMBER ET SE RELEVER. Par vocation et désir d’aider les autres, Marie Lise Labonté étudie l’orthophonie et l’audiologie. Elle fait partie de ces gens qui s’adaptent à ce que la vie leur offre et font évoluer leurs méthodes pour surmonter les obstacles.

Ainsi, lorsqu’on lui diagnostique une maladie dite incurable, elle entreprend un travail psychocorporel sur elle-même et choisit d’embrasser la carrière de psychothérapeute. Sortie plus forte de cette auto guérison, elle crée en 1982 l’Approche globale du corps qu’elle dispense pendant plusieurs années de travail thérapeutique auprès de personnes atteintes de maladies, les guidant ainsi vers la guérison. En parallèle, Marie Lise transmet son savoir à d’autres en formant de nombreux intervenants à travers le Québec.
 
C’est en 1982 que Marie Lise Labonté vit une expérience d’Éveil, une expérience qui, à nouveau, va changer sa vision du corps et de l’esprit et faire évoluer ses travaux de psychothérapeute. Elle met en effet de côté ses rôles de formatrice et de psychothérapeute pour s’intéresser à la médecine énergétique. Sa vision du corps est alors élargie puisqu’elle comprend que le corps, temple de l’âme, va de pair avec l’esprit, ce qui permet à son Approche globale du corps d’évoluer vers la MLC, la Méthode de libération des cuirasses en 1999. Cette méthode prône la libération sur les plans physique, psychique et énergétique.
 
Enfin, l’année 2000 marque un nouveau tournant dans la vie de Marie Lise. Elle partage avec ses lecteurs cette nuit où tout a basculé, qui l’a poussée à travailler sur son corps et surtout sur son esprit pour en ressortir plus forte, plus vivante et plus présente pour les gens qui, comme elle, ont vécu la mort de si près.
 
Le témoignage d’une psychothérapeute face au traumatisme

Derrière le rideau commence sur cette nuit du 24 décembre 2000 où la vie de Marie Lise Labonté bascule en quelques minutes : son mari est assassiné à deux pas d’elle, alors qu’elle est cachée derrière un rideau. La douleur de la perte se mêle à l’incompréhension. Qui est cet homme qu’on appelle le Balsero? Comment est-il entré dans leur maison lors de cette nuit funeste? Et surtout, pourquoi a-t-il tiré? Pour Marie Lise et sa nièce Julie, également présente le soir du meurtre, c’est un lent processus de reconstruction qui s’amorce. La surprise de l’agression et les réflexes de survie laissent lentement place à la douleur, aux souvenirs, à la nostalgie et au besoin de comprendre et de trouver un sens à cette tragédie. En parlant pour la première fois des blessures qu’elles portent l’une et l’autre depuis l’assassinat, elles livrent un témoignage fort, rempli de rebondissements, aux allures de roman policier. Mais plus encore, ce récit inspirant nous dévoile les forces de guérison à l’œuvre, celles qui transforment un événement traumatisant en occasion d’apprentissage.
 
Ce livre constitue une tranche de la vie de Marie Lise. Avec les mots du vécu, Marie Lise nous relate l’avant, le pendant et l’après de ce meurtre: comment elle tentait de reconstruire une relation avec son mari, comment elle pressentait l’arrivée d’un drame et surtout comment survivre et se reconstruire grâce à ses propres méthodes. Chacun trouve dans ce récit de quoi surmonter les obstacles, des méthodes créées et testées par l’auteur qui les prodigue et en bénéficie aujourd’hui. À tous ceux qui désirent s’engager sur la voie du développement personnel, Marie Lise prouve qu’avec les bonnes méthodes et une forte motivation tout devient possible.
 
« Le récit est parsemé de retours en arrière qui relient l’expérience du choc à des événements du passé. Car une épreuve qui percute brusquement une vie n’est pas sans racines. Elle a un lien mystérieux avec des dimensions encore non révélées de nous-mêmes. Il me fut possible de puiser, au cœur de cette souffrance, les liens profonds de mon histoire. Ce meurtre aurait pu me détruire, mais il m’a réunifiée. « De la vie et de la mort », du maitre Krishnamurti, fut mon livre de chevet. Des périodes de méditation et de contemplation se sont imposées d’elles-mêmes. L’usage de la visualisation, de la méthode de libération des cuirasses dont je suis la créatrice, le dialogue avec mon inconscient par les rêves, et la méthode jungienne de l’imagination active ont été d’un grand secours pour comprendre mon monde intérieur. La tenue d’un journal intime m’a permis d’éviter les grands submergements de tristesse et de désespoir qui épuisent le système immunitaire. […] De derrière le rideau, je suis sortie, et c’est ce que je veux partager avec vous. »
– Marie Lise Labonté, « Derrière le rideau », avant-propos.
 

Entrevue avec Marie Lise Labonté

Vous êtes sortie de derrière le rideau, que signifie cette expression pour vous?

Mrie-Lise Labonté : Il y a un premier niveau, c’est le rideau derrière lequel j’étais cachée, et c’est aussi une position qu’on peut prendre semi-consciemment, consciemment ou inconsciemment qui consiste à se cacher derrière des voiles, des fausses identités pour ne pas montrer son vrai visage. Sortir de derrière le rideau c’est donc oser se montrer au monde et ne pas essayer constamment de plaire aux autres.

Sortir de derrière le rideau et se montrer au monde dans votre cas, c’est publier votre récit?

MLL : Effectivement je portais en moi certaines choses qui n’avaient jamais été nommées, comme si les gens savaient que mon mari avait été tué, ma nièce un peu impliquée et c’est tout. Ce sont des journalistes qui m’ont dit qu’une telle histoire devait être racontée, car elle touche à différentes choses: à un pays du tiers-monde, comment on y traite les prisonniers là-bas, le choix de pardonner, de ne pas traîner ça derrière moi. Je pouvais enfin parler de choses dont je n’avais pas parlé en thérapie ou autour de moi. Même avec Julie, ma nièce, on gardait des choses pour ne pas blesser l’autre.

Vous publiez ce livre près de 11 ans après les faits, y avez-vous réfléchi longtemps? Qu’est-ce qui a déclenché le processus?

MLL : Je ne pensais jamais écrire ce livre. Peu après les évènements ici aux Éditions de l’Homme on me disait que je sortirais un livre, et je leur répondais que non. Dans Le choix de vivre (Éditions de l’Homme, 2009) je parlais des traumatismes des autres, mais jamais du mien. Et un jour un journaliste m’a dit que c’était incroyable que je garde tout ça pour moi, et l’idée a muri. C’était difficile car cela impliquait de montrer beaucoup aux autres, parce que je ne pouvais pas juste raconter l’histoire. Cela n’aurait eu aucun sens, il fallait que je parle de tout ce qu’il y avait autour. Alors j’ai essayé mais c’était trop pour moi, car quand on est psychothérapeute on ne se livre jamais, on écoute toujours les autres. Puis un jour ma nièce m’a dit « Faisons-le! », et on l’a fait.

Quelle est la place de l’écriture dans le processus de thérapie?

MLL : Pour certains, c’est la toute première étape, même pour moi puisque j’écrivais déjà dans un journal intime depuis plusieurs années. Concernant cette histoire c’est un aboutissement. Je sens que je tourne la page.

La guérison passe-t-elle par le pardon?

MLL : C’est un choix mais je crois sincèrement, d’après mon expérience personnelle et ce que j’ai pu entendre auprès de mes patients, que tant qu’on garde du ressentiment ou de la haine on bloque notre capacité à aimer. Aimer non pas la personne qui nous a agressé, mais aimer en général et c’est très destructeur. C’est une très, très grande étape.

La spiritualité tient une grande place dans le livre et dans votre vie, pensez-vous que la spiritualité soit nécessaire pour guérir et surmonter les obstacles?

MLL : J’ai découvert un chemin spirituel quand je me suis guérie de la maladie incurable et j’ai compris que j’étais en relation avec quelque chose de plus vaste que ma petite personne. À cette époque j’étais très athée, pourtant je me suis mise à croire en une force que l’on a en nous, l’être, qui est beaucoup plus large que l’ego.

On peut dire alors que l’esprit aide le corps à guérir?

MLL : Exactement, et le corps aide l’esprit à guérir. On parle alors d’une dimension corps/esprit qui devient un lien et je pense qu’il est important dans toute guérison que ce lien se fasse en soi, qu’on retrouve une confiance en soi.

Croyez-vous qu’avoir traversé cette épreuve avec votre nièce vous a aidée à la surmonter? Avoir quelqu’un qui décode les non-dits constitue-t-il un soutien?

MLL : Cela crée des liens très forts entre deux personnes même s’il est vécu différemment par chacun. C’est un soutien mais cela peut également être une nuisance: j’aurais pu en vouloir à ma nièce, elle aurait pu s’enfoncer dans la culpabilité. Nous l’avons vécu dans un sens de créativité, de positivisme, on a repris nos vies en main pour ne plus être des victimes: on était des survivantes. C’était difficile pour notre entourage, j’essayais de ne pas nous isoler d’eux. À un moment je suis repartie vivre à Paris et on ressentait encore un lien très fort entre nous. Cependant je veillais à ne pas exagérer, parfois les gens se réfugient là-dedans, c’est ce qu’on appelle la résilience. Puis avec le temps on en a parlé à nos proches, on leur a dit qu’on ne s’isolait pas d’eux, qu’on essayait juste de comprendre le mystère qui fait qu’on était encore en vie et que l’autre était mort.
Vous avez choisi d’écrire ce livre sous la forme d’un roman policier, pourquoi ne pas avoir publié la totalité ou des extraits choisis de votre journal intime?

MLL : Je l’ai fait dans Le choix de vivre (Éditions de l’Homme, 2009) et pour Derrière le rideau j’ai estimé que ce que j’écrivais était déjà très personnel, en plus je ne savais pas comment les incorporer dans le récit. Je l’aurais fait si je ne l’avais pas fait avant parce que ces extraits sont très forts. Dans Se guérir autrement c’est possible (2001) se trouvent des extraits de mon journal.

Ce livre est un témoignage, plus qu’une histoire vraie, est-ce également un guide de travail psychologique pour tous ceux qui doivent faire face à la mort violente d’un proche? Avez-vous écrit ce livre en pensant à ça?

MLL : À la base, j’ai écrit ce livre pour moi. Puis quand ma nièce me donnait ses textes je lui disais que ce qu’elle avait écrit allait vraiment servir à toutes ces jeunes femmes qui ont vécu des traumatismes violents vers l’âge de 20-21 ans. Quand je discute avec des chauffeurs de taxi, ils me disent que lire une histoire vraie permet de comprendre que des gens vivent des choses et que si un jour c’est à eux que ça arrive, ils pourront s’y référer pour guérir ou comprendre leurs proches.

En quoi cette nuit du 24 décembre 2000 a-t-elle changé votre vision du monde, votre philosophie ou votre travail de psychothérapeute?

MLL : Sur le plan professionnel, eh bien, je comprends mieux les événements traumatisants que j’entends puisque je l’ai vécu. Bien entendu je n’ai jamais pensé qu’une chose pareille m’arriverait un jour. En tant que psychothérapeute on compatie bien sûr, mais c’est très différent de vivre un tel événement. Ma vie a basculé, ainsi que celle de tous nos proches. Cela m’a donc ramenée à l’essentiel, quand on survit on réalise que le moment présent est très important, il faut accomplir ses rêves, ne rien remettre au lendemain. J’ai appris à vivre le moment présent.

Pensez-vous que le fait de vous être soumise aux méthodes dispensées auprès de vos patients vous rapproche d’eux, vous rend plus crédible et plus efficace dans votre travail?

MLL : J’ai préparé les gens qui viennent à mes séminaires et formations. Je leur ai envoyé une lettre leur disant que je me confiais beaucoup dans ce livre, qu’ils y découvriraient des choses qu’ils ne connaissaient pas de moi et que je leur faisais confiance, que je savais qu’ils allaient être capables d’intégrer ça et qu’on pourrait toujours en parler. Cependant je ne me présente pas comme une victime, les gens ne me connaissent pas comme une victime et si quelqu’un s’adresse à moi de cette façon je le recadrerai. Certains de mes élèves en formation ont lu mon livre et m’ont remerciée pour mon intensité. Ils m’ont dit que cela leur faisait beaucoup de bien, sans pour autant donner plus de détails, comme s’ils respectaient ma vie.


Pour aller plus loin:

Prochaine conférence « Derrière le rideau »:
Québec le 27 septembre.

Pour en savoir plus sur l’auteure, ses livres et ses conférences, visitez le site des Éditions de l’Homme à l’adresse:
www.editions-homme.com


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