Un dieu nommé pilule
Ces chiffres proviennent à la fois des Etats-Unis et de la France, comme pour nous dire que, d’un côté et de l’autre de l’Atlantique, nous touchons à la même absurdité.
Les voulez-vous à votre tour ? Voilà donc…
Chez nos voisins américains, selon des estimations officielles, on dénombrerait 225.000 morts par an imputées à des maladies iatrogènes, c’est à dire à des interventions médicales. Dans les détails, précise-t-on, ces causes se répartissent de la façon suivante :12.000 décès imputables à des interventions chirurgicales inappropriées, 20.000 attribuables à des erreurs hospitalières, 7.000 à des problèmes de médications, 80.000 suite à des infections contractées lors des hospitalisations et, enfin, 106.000, toujours annuellement, suite aux effets secondaires et imprévus des médicaments. Saisissant, non ?
Du côté français, maintenant, le Ministre de la Santé convient que les effets secondaires des produits pharmaceutiques expédient chaque année environ 1,3 million de personnes à l’hôpital et en envoient 20.000 sur l’autre versant de la vie. Et apparemment, ces chiffres ne tiennent aucun compte des effets à long terme de la panoplie de tous les produits pharmaceutiques que nous produisons aujourd’hui.
Je vous avoue qu’en cet été 2003 j’aurais préféré vous parler d’un sujet moins alarmant et surtout infiniment plus réjouissant…
Mais voilà, le réalité est là et lorsqu’elle vient nous sauter aux yeux de cette façon, c’est ne pas être adulte que d’en détourner le regard sous prétexte que le soleil brille dehors.
Alors que faire, face à une telle aberration ? Certainement pas hausser les épaules tout en niant d’un bloc un aspect dérangeant de notre société. Certainement pas non plus mettre systématiquement au pilori l’ensemble de notre médecine moderne occidentale. L’une et l’autre de ces deux attitudes seraient inconséquentes et puériles.
Mon avis est que nous devrions sans doute commencer par nous demander ce que nous avons fait de notre libre arbitre, de notre bon sens et de notre propre pouvoir sur nous-même. Il est banal d’affirmer que notre santé est notre bien le plus précieux, tellement banal que nous avons totalement oublié ce que cela signifie.
Au fil des décennies, je crois que nous avons tranquillement délégué notre corps et notre équilibre à une certaine science et à ses colossaux intérêts financiers. Nous lui avons tout remis jusqu’à arriver face à elle pieds et poings liés, coupés de la perception de ce qui se passe en nous. Il est vrai qu’il est plus facile d’absorber quotidiennement un lot de pilules et d’accepter de ne pas avoir accès à notre dossier médical que de se poser des questions sur ce que notre corps raconte et réclame vraiment.
C’est moins responsabilisant et aussi cela nous permet de nous tenir un peu plus loin des signaux intimes de notre être. Le dieu tout puissant de la médecine nous prend en charge, c’est moins fatiguant !
Mais le pire, c’est qu’au delà de ses réelles capacités qu’il serait stupide de nier, ce dieu-là s’est fait coiffer, de toute évidence, par celui du profit et du mépris. Mépris de l’être humain, de la valeur et de la beauté de sa vie.
Si nous l’adorons sans discernement, si nous nous agenouillons devant lui sans jamais lui poser de vraies questions, si son dogme nous devient indiscutable, ne nous plaignons pas de ses abus de pouvoir. Comme tous les maîtres, il n’a que la force qu’on veut bien lui concéder.
J’imagine que vous ne souhaitez pas voir votre nom s’inscrire au bas d’une colonne de statistiques… Moi non plus ! Alors je me dis que, demain matin, s’il advient soudain que mes jambes refusent de me porter, je n’irai pas pour autant et d’emblée offrir tout mon pouvoir sur moi-même à un commando de blouses blanches et vertes. C’est mon cœur que je commencerai par sonder… et avec bon sens.